vendredi 26 décembre 2008

Chapitre 4 - Partie 4

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 4


- Incapable de se régénérer ? Tu veux dire que mon corps ne peut pas être soigné ?
- C’est ça, malheureusement. Ni la médecine classique, ni la magie ne seront capables de panser tes blessures. En tout cas, tant que le poison ne sera pas purifié.
- Et alors, qu’est-ce que l’on peut faire ?
- Je sais qu’il existe des plantes qui ont la faculté de guérir cet empoisonnement. Malheureusement, je n’en sais pas plus et je serais bien incapable de te dire de quelles plantes il s’agit. Il nous faut trouver un purifieur ou qui que ce soit qui pourrait nous aider.
- Mais on ne va jamais pouvoir trouver ça ici !
- Tu as probablement raison. C’est pour cela que je vais te demander de rester le plus prudent possible. Si on nous attaque à nouveau, laisse nous faire, d’accord ?
- Mais je ne peux pas faire ça ! Je ne vais pas rester en retrait à vous regarder combattre sans rien faire ! Et puis vous avez besoin de moi, non ? Tu ne peux que nous protéger et nous soigner, il faut bien que je sois là pour affronter nos ennemis !
- Eh oh, ca va les chevilles, lança Christy. T’es pas tout seul, figure-toi. Moi aussi je suis capable de me battre. Il faut que je te rappelle qui t’a sauvé quand tu étais entouré par les loups ? Et il y a quelques nuances, c’est moi qui ai neutralisé l’abeille en l’aveuglant. Sans moi, tu n’aurais jamais pu l’achever.
- Oui, c’est vrai mais…
- Il n’y a pas de "mais", Serge. Si tu te fais blesser, je ne pourrai rien pour toi, fit la Viera d’un ton sans réplique. Alors s’il y a un quelconque danger, tu restes en arrière, compris ? Je ne veux pas avoir à te transporter sur le dos si tu tombes inconscient au combat. Et je n’ai pas voulu te le dire après que nous ayons achevé cette créature, mais ta manière d’aborder le combat est totalement irréfléchie. Ce n’est pas en fonçant dans le tas que tu réussiras quoi que ce soit. Tu as eu de la chance, mais si tu avais été tout seul, tu ne serais plus là pour entendre mes sermons. Oui je te suis reconnaissante pour t’être interposé entre cette bestiole et moi, mais il faut que tu saches que tu as encore beaucoup à apprendre et que te jeter sur l’ennemi sans réfléchir ne te permettra pas de finir victorieux à chaque fois. Si tu n’apprends pas à te contrôler et à identifier les faiblesses de ton adversaire, tu ne progresseras jamais. Et il faut aussi que tu apprennes le travail d’équipe. Alors la prochaine fois, tu restes en arrière, tu observes et tu n’interviens que si on te le demande. Tu m’as bien comprise ?

Serge avait bien du mal à répondre, assommé par toutes ces réprimandes. Il ne comprenait pas pourquoi elle lui disait tout cela maintenant et il devait bien admettre qu’il n’imaginait pas qu’Elian puisse penser ainsi à son égard. Avait-il été si décevant dans ses combats ? Jusqu’à présent, même si son expérience dans le domaine était toute récente, il trouvait qu’il se débrouillait plutôt bien. Il avait affronté des monstres-loups à Altéa et protégé Elian à deux reprises. La première fois contre cet homme parmi la foule Altéanne et la seconde face à cette abeille tueuse. C’était lui qui avait donné le coup de grâce, alors qu’Elian n’avait pas vraiment brillé par sa présence. Au contraire, elle avait été la victime de cette créature et ne lui avait porté aucun coup. Il ne pouvait nier que Christy l’avait beaucoup aidé, mais cela ne justifiait pas le discours de la Viera. Cependant, il réussit à se contenir. Même s’il ne comprenait pas tout, il savait qu’elle disait ça pour son bien. Il s’était déjà emporté sans raison contre elle une luxance plus tôt, alors ce n’était pas le moment pour se fâcher à nouveau. Et en y réfléchissant un peu plus, elle connaissait bien mieux ces créatures mystérieuses que lui. Ces mises en garde n’étaient sans doute pas futiles. Dorénavant, il ferait plus attention.
- D’accord, j’ai bien compris. Je ferai de mon mieux.
- Très bien. Alors allons-y. Soyez attentifs et ne parlez que si cela est nécessaire. Je vous rappelle que nous sommes recherchés.

Ils reprirent leur route, avançant sans perdre de temps mais soucieux de faire le moins de bruit possible. Jusqu’à présent, Elian avait été comme une louve avec eux, très douce et très protectrice. Mais sa dernière intervention avait révélé aux deux jeunes gens un autre aspect de sa personnalité. Elle avait su se montrer plus autoritaire qu’elle ne l’avait jamais été avec eux et plus franche aussi. Même si Christy n’avait pas été visée, elle prit conscience de la justesse des propos de cette femme aux longues oreilles duveteuses. Peut-être que ses sens aiguisés lui permettaient aussi de ressentir les émotions des gens et d’agir en conséquence. Ou peut-être comprenait-elle mieux la nature humaine que la plupart des humains de son monde. Le fait est que la jeune fille vit en elle une seconde mère qui avait su remettre Serge sur le droit chemin avant qu’il ne s’en écarte trop. Sentant la trop grande assurance qui commençait à envahir le jeune homme, elle avait pris les devants en le mettant en garde contre lui-même. Malgré la rudesse de ses mots, son discours était resté protecteur. Et surtout, elle avait réussi à empêcher que Serge ne s’emporte comme la dernière fois et pour cela, Christy lui en était très reconnaissante.

La progression fut silencieuse mais bien moins pesante qu’ils n’auraient pu le croire. Même s’ils savaient à présent qu’ils étaient recherchés, ils se sentaient beaucoup plus libres dans leur tête maintenant que toute tension dans le groupe était dissipée. Serge se questionnait toujours sur le sens des paroles d’Elian, mais il ne lui en voulait plus. Il avait compris qu’elle faisait tout son possible pour l’aider et qu’il ne pouvait pas lui demander plus que ce dont elle était capable. Restait toujours le problème du poison. Pour l’instant, il n’avait aucune idée de la façon dont il allait s’en débarrasser. Fort heureusement, il ne ressentait aucune douleur et il savait désormais que tant qu’il ne prendrait pas de risques inconsidérés, sa vie n’était pas en danger. Mais il fallait tout de même trouver un antidote le plus vite possible car il avait le pressentiment qu’il aurait besoin de se battre très bientôt et que sans les soins d’Elian, il faiblirait rapidement.

Au fil de leur avancée, la végétation se diversifiait et la faune se laissait plus facilement apercevoir. Le groupe progressait en longeant à bonne distance le sentier qui semblait suivre la bonne direction pour se rendre à Ozarie. En procédant ainsi, ils restaient à couvert tout en évitant de s’enfoncer trop profondément dans la forêt, minimisant ainsi les risques de mauvaises rencontres. Les environs du sentier étaient également moins épais, ce qui n’était pas négligeable pour accélérer la marche. Plusieurs luxances se succédèrent sans encombre. Seule Elian crut entendre des voix au loin, mais elles s’évanouirent presque aussitôt.

Aux environs de 17 lux, Serge commença à ressentir les premiers signes de faim, mais aussi de fatigue. En y repensant, il n’avait rien avalé depuis la mi-flux dernière et cela faisait presque 8 lux qu’ils avaient pénétré dans Mirkwood. Sa vigueur était surprenante et apparemment, il en était de même pour ses deux compagnes. Mais ses ressources n’étaient pas inépuisables.

La pâleur du ciel s’intensifiait, la verdure prenait des teintes pastel et tout le paysage s’affadissait, signe que prima touchait à sa fin. Dans 3 lux, le flux ne rougeoierait plus et toute chose sur Ivalice perdrait ses couleurs durant quelques nuances, laissant le monde baigner dans une blancheur délavée. Puis, timidement, les premières lueurs orangées embraseraient Ivalice, marquant ainsi l’éveil d’orana, seconde fluance du cycle. Ce phénomène avait lieu entre chaque fluance et s’appelait le vide chromatique. Supportant difficilement de vivre dans cette absence totale de couleur, les Ivaliens profitaient généralement de cette période de transition pour dormir. En effet, plus l’on s’approchait de ces quelques instants, plus il était difficile de discerner les formes et les objets qui finissaient par disparaître totalement au cœur du vide chromatique avant de reprendre progressivement leurs couleurs d’origines. Ce laps de temps pendant lequel la vue des êtres vivants défaillait était désigné sous le nom d’achroma et durait environ 4 lux en s’étendant de la dix-huitième à la seconde luxance.

Comme si elle avait lu dans les pensées de Serge, Elian proposa.
- Peut-être pourrions-nous nous arrêter pour manger un petit peu, qu’est-ce que vous en pensez ? Les hommes à notre recherche ne montrent pas signe de vie, on pourrait faire ça dans le coin.
- Oui, pourquoi pas, répondit Christy. C’est pas que j’ai très faim, mais je n’suis pas contre m’arrêter un peu. Ca fait un bout de temps qu’on marche. Tu me diras, j’suis pas vraiment fatiguée non plus, mais ça devient un peu monotone. Et puis j’ai surpris notre cher pyja-gars en train de choper quelques baies sur le chemin, son estomac doit le tirailler horriblement !
Se faisant, elle sortit une framboise d’une de ses poches et la lui lança avec un sourire narquois.
- Attrape, ventre sur pattes !
Bien décidé à ne pas se laisser faire et à ne pas se braquer comme il le faisait souvent, il se prêta au jeu.
- Ventre sur pattes ? Je te reconnais bien là. Faire croire que c’est moi qui faiblis alors que tu traînes les pieds depuis plus d’une luxance ! fit-il sur un ton exagérément agacé. Et je te signale que c’est toi qui a des fruits dans les poches ! Franchement, tu me fais pitié. Je m’arrêterai bien pour te permettre de te reposer, mais ça va me retomber dessus. Alors tant pis pour toi, on continue. Sauf si tu me supplies.
- Ca te plairait bien, hein ? Que je me prosterne à tes pieds, enchérit-elle. Mais ne compte pas là-dessus, tu te trompes sur la personne. Allez, fais pas l’imbécile et arrête-toi un instant pour manger, sinon tu vas nous faire un malaise.
- Ok, de toute façon, t’es têtue comme une mule, j’abandonne. Et puis c’est vrai que je suis fatigué. Fatigué de t’entendre traîner des pieds. Mais Mademoiselle est trop fière pour nous dire qu’elle veut faire un break. Enfin bon, on sait tous les deux ce qu’il en est et tu ne tromperas pas Elian comme ça. N’est-ce pas Elian ?
- Hein, euh, non, je ne sais pas, bégaya-t-elle, n’ayant aucune envie de se prononcer sur le sujet. On va dire que c’est moi qui suis fatiguée, ça vous va ?
La Viera avait suivi l’échange mais n’avait visiblement pas compris le petit jeu qui s’était instauré entre ses deux jeunes acolytes. Redoutant une nouvelle dispute, elle espérait ainsi les raisonner.
- D’ac, on va faire comme ça, approuva Serge. Ca te va Christy ? Si j’étais toi, j’accepterais, c’est à ton avantage.
- Ouais, on va dire ça, mais tu t’en tires bien cette fois-ci. La prochaine fois, tu ne feras pas illusion. On sait tous que tu es une petite nature et que tu es bon à rien sans ta petite collation.

Les deux étudiants se regardèrent et échangèrent un regard complice. Ils savaient tous les deux que cet affrontement n’avait aucun sens et qu’il importait peu de savoir lequel des deux avait le plus besoin de cette pause. Mais ils avaient réussi à être sur la même longueur d’onde et Serge s’était amusé à la taquiner comme elle le faisait avec lui. Il se dit qu’en fin de compte, ils pourraient peut-être s’entendre. Tout en cherchant un endroit où se poser, ils continuèrent à se chamailler, ce qui donna à leur périple un petit goût d’innocence bienvenu.

Même si la fatigue physique était encore largement supportable, il fut bon de s’arrêter pour se reposer l’esprit et avaler quelques fruits. Ils s’étaient éloignés du sentier et avaient trouvé un petit coin agréable où le sol était plat et recouvert de mousse. Ils cueillirent chacun quelques baies et Elian rapporta des champignons qui, même crus, se révélèrent délicieux. Ils n’eurent pas à manger beaucoup pour se sentir rassasiés.

La conversation s’orienta sur Elian, qui leur expliqua ce qu’elle faisait avant de se retrouver parachutée à leur côté. Son occupation principale était la couture. Elle en avait d’ailleurs fait son métier en confectionnant des vêtements pour les habitants de Rabanastre, sa cité. L’habit qu’elle portait était de sa conception et un de ses amis avait enchanté le tissu pour qu’il se déplace de lui-même, évitant ainsi les obstacles. Cela expliquait ce qu’avait vu Serge auparavant et pourquoi Elian progressait si facilement en robe dans cette forêt. Mais depuis quelques temps, avec l’apparition de Jénova, ses pouvoirs de guérisseuse avaient été mis à contribution.

Jénova semait la terreur dans le monde entier et les blessés n’étaient pas rares. Même si ses sorts de soins étaient mineurs, tout le monde était réquisitionné car la situation était critique. L’existence d’une telle créature était inexplicable et personne n’avait trouvé le moyen d’en venir à bout depuis son apparition. Selon Elian, l’arrivée de cette calamité remontait à une cinquantaine de cycles. Les plus puissants combattants s’étaient mesurés à Jénova, mais ceux qui en revenaient vivants tenaient tous le même discours. Rien ne pouvait atteindre cette gigantesque masse immatérielle qui détruisait tout sur son passage. Même le grand conseil, qui rassemblait les êtres les plus sages de chaque race, ne trouvait aucune solution pour mettre fin à ce fléau venu d’on ne sait où.

Une guilde de guérisseurs ou de mages blancs, comme on disait dans son monde, avait été constituée à Rabanastre et Elian l’avait rejointe. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle avait confectionné cette robe blanche à liserés rouges. Il s’agissait du signe de reconnaissance de ces mages. Elle venait de rentrer chez elle, après avoir secouru un soldat blessé qui s’était téléporté dans la guilde de guérisseurs, lorsqu’elle se retrouva propulsée dans les rues d’Altéa, au milieu de cette foule agressive.

En écoutant la Viera, Serge comprit qu’il devenait de plus en plus difficile pour elle de parler de ces événements. Son ton habituellement calme et posé commençait à faiblir. Lorsqu’elle l’évoquait, la terreur de Jénova semblait lointaine. Pour les deux étudiants, cela ressemblait à une leçon d’histoire, relatant des faits biens réels mais dans lesquels il était difficile de se projeter. Cependant, le garçon devina que la réalité était bien plus cruelle que tout ce qu’il pouvait imaginer et quelque chose lui disait qu’Elian ne leur disait pas tout. Tout du moins, il était sûr qu’elle leur épargnait les détails les plus tragiques.

Quel lien reliait cette femme à son monde ? Quelle était cette chose qui vivait en lui et qui dégageait la même aura que cette Jénova ? D’où lui venaient ces pouvoirs et qui était vraiment Lucrécia ? Et pourquoi Diguel l’avait-il trahi en kidnappant son frère ? Toutes ces questions tournaient en boucle au fond de son crâne et en amenaient de nouvelles. Mais il avait beau chercher, aucune réponse ne lui venait. Il en oubliait presque le poison qui avait pénétré son corps mais qui ne se manifestait pas, attendant que son hôte se blesse pour empêcher toute guérison.

Alors que Serge était à nouveau perdu dans ses pensées, il entendit la voix de Christy s’élever.
- Allez, il est temps de repartir. Faut pas traîner si on veut arriver à Ozarie avant la fin d’Azura.
- Non, répondit Elian. Je crois qu’on a le temps. Nous devrions plutôt rester là et nous reposer quelques luxances. Même si vous n’êtes pas très fatigués, mieux vaut être au maximum de notre forme pour continuer.
- T’es sûre qu’on a le temps pour ça ? questionna Christy.
- Oui, nous avons bien avancé. Je pense qu’à ce rythme, nous devrions même arriver avec une fluance d’avance.
- Peut-être, intervint Serge, mais plus tôt nous arriverons, mieux ce sera. Je te rappelle qu’il faut aussi que nous retrouvions mon frère. C’est même une priorité ! Dès que nous serons à Ozarie, il faudra nous renseigner pour retrouver leurs traces.
- Tu as raison, mais j’insiste. Il est préférable de prendre quelques luxances de sommeil avant de repartir. Nous avancerons d’autant plus vite si nos corps sont bien reposés. De plus, l’achroma approche et il va devenir de plus en plus difficile d’avancer si on ne voit pas bien où l’on met les pieds. Et il en est de même en cas d’attaque. Mieux vaut rester dans un endroit que l’on a clairement identifié, ce sera beaucoup plus aisé pour nous défendre.
- Ok, c’est compris, fit Serge, résigné. Mais on repart le plus tôt possible demain matin. Il ne faut pas perdre de temps.
- J’suis d’accord moi aussi, dit Christy. Si vous voulez, j’peux rester éveillée pour surveiller le camp. Il ne faudrait pas qu’on nous trouve pendant qu’on pique un roupillon ! Et puis je suis en forme, y’a vraiment pas de souci là-dessus.
- Non, ce n’est pas la peine Christy, objecta Elian. Nous pouvons tous les trois dormir. Mes sens me permettent de rester sur mes gardes même pendant que je dors. Je pense même sentir le danger avant toi, que tu sois éveillée ou non.
- Ok, je disais ça pour aider moi. Mais ça à l’air vraiment cool d’être une Viera ! Merci Elian, j’sais pas ce qu’on ferait sans toi !
- Oui, merci Elian, ajouta Serge, véritablement reconnaissant pour toute la protection qu’elle leur apportait.

Alors que l’achroma tombait sur leur petit camp, chacun se mit à l’aise du mieux qu’il put pour profiter autant que possible de ces instants de repos. Une fois allongé, le garçon s’aperçut qu’il était bien plus fatigué qu’il ne le croyait. La tête remplit de questions, il réussit à trouver le calme, songeant aux bons moments partagés avec son frère disparu. Puis il pensa à ses parents. S’étaient-ils aperçus de sa disparition ? C’est sur ces dernières interrogations qu’il sombra définitivement dans le sommeil. Il ne se doutait pas qu’un nouveau mystère viendrait troubler ses rêves agités.

dimanche 30 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 3

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 3


- Qu’est-ce que… qu’est-ce que c’est ?

Le bout de ses doigts parcourant toujours la blessure, il cherchait une réponse dans les yeux de la Viera. Seuls les reliefs irréguliers qu’il pouvait sentir et le dégoût qu’il percevait dans l’attitude de ses partenaires pouvaient lui donner une idée de la gravité de son état. Des lignes verdâtres sillonnaient sa joue, s’entrecroisant dans d’infinis méandres, invisibles à son propre regard. La panique le gagnant peu à peu, il saisit sa peau meurtrie et la tira pour tenter de la faire rentrer dans son champ de vision, mais sans résultat. Elle avait perdu de son élasticité et lorsqu’il relâcha la chair, il commença à ressentir les premières sensations véritablement désagréables. Sa joue avait gonflée et il la sentait s’appuyer contre sa mâchoire, protubérance inconfortable qui s’installait à l’intérieur de sa bouche. Mais il ne ressentait aucune douleur, comme s’il avait été anesthésié, et son sang ne coulait pas. Cependant, en promenant ses doigts plus longuement sur les veines proéminentes, il put le sentir tressaillir, comme pris de soubresauts. Vu de l’extérieur, cela pouvait ressembler à des spasmes, bien que ce ne fût pas ses muscles qui se contractaient.

Il se demandait encore comment une telle chose était possible lorsqu’Elian, restée tout ce temps immobile à le regarder, confia.
- Je ne suis pas sûre de savoir ce que c’est…
- C’est encore Jénova qui me fait ça ?
- Ne dis pas de bêtises, intervint Christy, comment est-ce qu’elle pourrait te faire ça ?
- Je n’en sais rien, comment veux-tu que je le sache ? Ce truc est bien dans mon corps et je ne sais même pas comment il y est entré, alors pourquoi pas, hein ? C’est peut-être une conséquence de cette douleur que je ressens quand ce flux bizarre, ce myste, entre en moi.
- Je ne crois pas que ce soit ça, trancha Elian.
- Tu vois ! lança Christy qui avait troqué sa grimace contre un sourire triomphant.

Un court silence s’instaura au cours duquel la jeune fille comprit que son intervention était malvenue. Gênée, son visage retrouva rapidement son air inquiet.
- Bon, qu’est-ce que c’est alors ? reprit Serge, agacé.
- Je pense que c’est cette abeille. Elle t’a touché, n’est-ce pas ?
- Euh… oui, tout à l’heure, elle m’a heurté en plein ventre. J’ai cru que j’allais mourir asphyxié ! Tu as dû voir, non ?
- Oui, j’ai vu, mais ton armure t’as protégé à ce moment. Non, je veux dire au niveau de ta blessure. Ca ne serait pas elle qui t’aurait griffé le visage avec son dard ?
- Je ne crois… attends, si, juste après, elle m’a attaqué et j’ai plongé pour l’esquiver. Mais je crois qu’elle m’a eu. Oui, c’est ça, c’est bien là qu’elle m’a touché !
- Oui, c’est ce que je pensais. Et elle t’a probablement inoculé un poison en même temps.
- Du poison ?
- Oui.
- Et qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda Christy, qui semblait véritablement anxieuse désormais.
- Je ne sais pas… Je n’ai pas les compétences pour soigner ce genre de poison. D’autant que je ne sais même pas de quel poison il s’agit. Tu ne ressens rien de désagréable ?
- Non, ça va. C’est juste enflé et un peu gênant, mais rien de plus.
- Oui, enfin, c’est quand même vachement vert ce truc ! ajouta Christy.
- Vert ?!
- Euh… oui, enfin, c’est pas si terrible que ça… le rassura-t-elle, regrettant son manque de tact.
- Comment ça vert ? insista Serge.
- Ben euh… ton sang. Il est vert. Enfin, juste un peu, autour de la plaie.
- C’est pas vrai, tu te fiches de moi ! Elian ?
- Elle a raison, c’est vrai. Désolé.
- Désolé… répéta la jeune fille.

Mais la façon dont celle-ci abordait les choses avait le don d’énerver Serge. Il venait d’être empoisonné et elle trouvait le moyen de se moquer de lui. Décidément, il ne pourrait jamais la supporter et ses excuses n’y changeraient rien.
- Bon, qu’est-ce qu’on peut faire ? questionna-t-il, impatient.
- Il faut trouver quelque chose pour soigner ça.
- Et qu’est-ce qu’on doit trouver ?
- Je ne sais pas, je t’ai dit que je ne connaissais pas suffisamment les poisons.
- Ok, et combien de temps on a, qu’est-ce qu’il va m’arriver si on ne soigne pas ça ?
- Désolé, je ne sais vraiment pas. Il y a beaucoup de poisons différents et je n’ai aucune idée duquel il s’agit.

Ils se regardèrent tandis que la colère commençait à monter en Serge. Une substance étrangère était en lui et personne ne savait comment l’aider. Il aurait tout aussi bien pu être seul, cela n’aurait rien changé. Il avait beau apprécier Elian, il s’était mis en tête qu’elle était capable de tout lui expliquer et que ce genre de chose n’avait aucun secret pour elle. Il se rendait maintenant compte que ce n’était pas le cas. A cet instant précis, il ne put réprimer de la rancœur envers elle.
- D’accord, d’accord, j’ai compris, fit-il en se levant. Allez, on y va, pas la peine de rester ici plus longtemps.
- Mais Serge, il faut que… commença Elian.
- Que quoi ? lança-t-il violemment. S’il n’y a rien à faire pour ça, on ne va pas rester là à se lamenter sur mon sort. Mon frère est toujours entre les mains de ce sale type, par ma faute qui plus est, alors je ne m’arrêterai pas tant que je ne l’aurai pas retrouvé. Vous me suivez si vous voulez, mais moi j’y vais.

Sur ces mots, il leur tourna les talons et s’éloigna d’elles. Elles s’échangèrent des regards inquiets, surprises par ce brusque changement de comportement. Ne sachant comment le calmer, elles le suivirent en silence, attendant un moment plus propice pour remettre le sujet sur la table. Elian reprit la tête du cortège, indiquant la route car elle était la seule à être véritablement capable de s’orienter dans cette forêt, ses sens de Viera lui indiquant le sud.


Ils progressaient dans le silence. La mi-flux était passée et le rouge pur caractéristique de la mi-Prima commençait à décliner, arborant un ton de plus en plus pastel. Dans une huitaine de luxances, le ciel prendrait une teinte orangée et Orana, la deuxième fluance du cycle, pourrait débuter.

La mauvaise humeur de Serge n’avait pas disparu, mais la marche et le calme qui avait saisi le groupe depuis leur départ l’avait tout de même calmé. A vrai dire, il était plutôt préoccupé par sa blessure et ne cessait de l’effleurer. Il avait la désagréable impression qu’elle avait gagné du terrain, mais il se persuadait qu’il était paranoïaque et qu’il ne fallait pas qu’il s’inquiète pour ça. Cependant, comment ne pas s’inquiéter ? Elian lui avait dit qu’il avait été empoisonné et même si elle n’en savait pas plus, cela ne présageait rien de bon. Mais pour le moment, il ne souffrait pas, ce qu’il considérait comme un bon point. Peut-être qu’il ne s’agissait en fin de compte que d’une infection minime. Pour le moment, il ne pouvait qu’attendre.

Ils avançaient en file indienne, laissant un minimum d’espace entre eux, ne voulant pas se retrouver une nouvelle fois pris par surprise et séparés par une autre bestiole surgissant de nulle part. Autour d’eux, la végétation se faisait moins dense et leur progression en était facilitée. Observant la Viera devant lui, Serge remarqua l’étrangeté de sa robe car elle semblait virevolter d’elle-même afin d’éviter les obstacles qui risquaient de s’y accrocher. Quand il y avait peu de place pour avancer, le tissu blanc se plaquait contre sa peau, tandis qu’il devenait plus ample lorsqu’il y avait plus d’espace autour d’elle. Mais à vrai dire, cela ne le surprenait pas tellement lorsqu’il considéra l’étrangeté de ses propres habits.

Alors que le garçon passait distraitement sa main sur sa joue qui se contractait au rythme des battements de son cœur, Elian s’arrêta. S’en apercevant, Serge lui demanda.
- Qui y a t-il ?
- Chut…
- Hein ?!
- Tais-toi, écoute.
Il la rejoignit et tendit l’oreille. Christy arriva à leur hauteur.
- Pourquoi vous vous êtes…
- Chut !
Tous les trois se turent, mais aucun son ne parvint aux oreilles des deux jeunes étudiants. Serge murmura.
- Tu entends quelque chose ? Que se passe-t-il ?
- Vous n’entendez rien ? Des voix. Des voix d’hommes. Suivez-moi, sans bruit. On va essayer de s’approcher.

Plus prudents que jamais, ils avancèrent à petit pas, soucieux de ne pas faire craquer la moindre brindille sous leurs pieds. Au fur et à mesure qu’ils suivaient la Viera, des voix se laissaient deviner. De plus en plus distinctes, Serge distingua des mots, puis des phrases entières.
- Allez, arrêtez de râler et magnez-vous le train !
- Oui, on arrive. Mais c’est pas la peine d’aller trop vite. Ca ne sert à rien de traverser la forêt sans chercher un minimum !
- Ecoute, nous, on nous a demandé de parcourir les sentiers pour les rattraper. S’ils ont pris ce chemin, il n’y a pas de temps à perdre. Il faut les retrouver le plus vite possible. Chercher dans les bois, c’est pas notre job. Alors bougez-vous !
- Oui, c’est bon, on a compris. Mais ça m’étonnerait fort qu’ils ne se soient pas cachés dans la forêt. Surtout s’ils ont cette créature avec eux. On nous a bien dit que la forêt, c’est son élément, non ?
- Oui, je sais, mais on exécute les ordres et puis basta. Compris ? Les autres s’occupent de fouiller la forêt.
- Ok, ok, c’est toi le chef après tout.
- Bon, maintenant, la ferme, avec le boucan que tu fais, même si on les rattrape, on va avoir du mal à mettre la main dessus. Ils vont nous entendre à des kilomètres !

Lorsque les voix avaient été suffisamment intelligibles, les trois compagnons s’étaient arrêtés pour ne plus faire de bruit et écouter attentivement. Maintenant, ils n’entendaient plus que les pas d’un groupe qui marchait sur un chemin de terre. Lorsque les hommes furent partis à une distance raisonnable, Christy osa poser une question.
- Vous croyez que c’est nous qu’ils cherchent ?
- Sans aucun doute, répondit Serge.
- Et la créature…
- C’est moi, affirma Elian. Les Vieras sont connues pour être une race très liée au myste et à la nature. C’est dans les bois que nous nous sentons le plus en harmonie. C’est pour ça qu’il a dit que j’étais dans mon élément ici.
- Mais comment peuvent-ils déjà être à notre recherche ? ajouta le garçon. Je veux dire, cela ne fait que 4 lux que nous sommes partis. Ils ne peuvent pas avoir déjà lancé des battues ! Il faudrait d’abord que quelqu’un signale notre disparition. Il est encore trop tôt pour ça !
- Je ne crois pas que cette battue soit organisée suite à l’annonce de votre disparition.
- Comment ça ? Pourquoi nous chercheraient-ils ? demanda Serge à la Viera.
- Tu as entendu ce qu’ils ont dit, non ? Ils ont plutôt l’air d’être à notre poursuite qu’à notre recherche. Et comme tu l’as dit, il serait encore trop tôt pour que vous soyez signalés disparus.
- Peut-être que quelqu’un nous a vu partir dans la forêt, proposa Christy. Faut dire qu’on n’a pas été vraiment discret en courant après ce type !
- Oui, c’est possible, approuva Elian. D’autant que dans ce monde, votre attirail et ma simple présence ne semble pas passer inaperçu. Mais je me demande tout de même comment cet homme savait tant de chose sur les Vieras.
- Toujours est-il que nous sommes sûrs qu’il ne faut pas nous promener sur ce sentier maintenant, rappela Serge.
- Oui, mais d’autres personnes fouillent la forêt. Il va falloir être sur nos gardes, plus que jamais, insista Elian.
- Ok. Mais il ne faut pas perdre de temps pour autant. Lucrécia a dit qu’il fallait être à Rosaria dans 5 fluances, ce qui fait qu’il faudrait être là-bas avant la fin d’Azura.
- Oui, si votre ville et mon Rabanastre sont bel et bien les mêmes cités, c’est faisable, mais il ne faut pas traîner.
- Tu as raison, et j’espère aussi que Rosaria est bien la même ville qu’Ozarie. Bien, allons-y.

Serge allait se remettre en route quand Elian l’arrêta.
- Juste un instant s’il te plait. Tu es parti si vite l’autre nuance que je n’ai pas eu le temps de te soigner.
- Comment ça me soigner, tu m’as dit que tu ne savais pas soigner ce poison.
- Oui, peut-être, mais tu as pris des coups et ton visage est griffé de partout. Laisse-moi arranger ça.
- D’accord. Au fait… pardon pour mon comportement. Je suis sur les nerfs en ce moment.
- Ne t’en fais pas, nous comprenons. Et à ce propos, je voulais aussi te dire, ne te rend pas responsable de ce qui est arrivé à ton frère, ce n’est pas de ta faute.
- Facile à dire… C’est moi qui l’ai laissé monter alors que tu m’avais prévenu. Je n’ai pas su le protéger !
- Arrête. Tu sais bien que d’une façon ou d’une autre, il aurait trouvé un moyen d’arriver à ses fins. Ne culpabilise pas. C’est une faiblesse que tu dois combler, ou il risque de l’utiliser contre toi. Tout ce qui compte, c’est l’amour que tu portes pour ton frère et la détermination que tu mets pour le retrouver. Et tu es vraiment épatant pour ça. Je suis fière de toi, alors ne faiblit pas.
- Merci…
La gêne se sentait dans la réponse du garçon, mais il lui était reconnaissant pour ce qu’elle lui avait dit.
- Bien, maintenant, montre-moi ton visage.

Tandis qu’ils se regardaient avec tendresse et complicité, elle fit apparaître son bâton. La lumière blanche habituelle apparut et le corps de Serge commença à rayonner. Bientôt, les blessures allaient se résorber, comme lorsque la Viera s’était soignée après avoir été martyrisée par un des habitants d’Altéa.

Mais le sort n’eut pas l’effet escompté. Au lieu de disparaître, les griffures restèrent tel quel et la balafre sur la joue se mit à rougeoyer. Une brûlure intense saisit le garçon qui ne put s’empêcher de porter sa main à sa blessure tout en grimaçant de douleur. Un long et pénible gémissement sorti de sa gorge qui ne s’arrêta que lorsque le corps cessa de briller sous l’action du sortilège. Serge, qui avait clos ses paupières lorsque la chaleur avait envahi sa plaie envenimée, les rouvrit pour découvrir Christy sous le choc et Elian interloquée. Les yeux du garçon réclamant une réponse, la Viera se ressaisit et parvint à expliquer.

- Je sais maintenant de quel poison il s’agit. C’est ce que l’on appelle un fléau.
- Un fléau ? Mais qu’est-ce que c’est que ça encore ?
- Cela signifie que tant qu’on ne t’aura pas purifié de ce venin, ton corps sera incapable de se régénérer.

dimanche 16 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 2

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 2


- Elian !
Tout en s’écriant, Serge s’élança dans la direction où la Viera avait disparu. Ignorant les doigts griffus qui se dressaient sur son passage, extrémités acérées ornant les branches et les tiges enchevêtrées, il traversait les obstacles d’un pas agile, évitant les racines noueuses et les pièges de ronces. Ses joues se fendaient d’écorchures sanguinolentes, mais il n’en avait que faire. Derrière lui, il entendait Christy qui le suivait, elle aussi plus habile que jamais pour progresser vers ce qu’ils avaient reconnus comme un appel au secours.

Jamais une distance si courte ne lui avait semblé si interminable à parcourir. Ses pas le portaient tout seul, mais il ne cessait de se demander à quelle épreuve il devrait encore faire face. "Vite ! Plus vite !". Il n’avait aucune idée de ce qui l’attendait, mais il savait qu’Elian était en danger et c’était la seule chose qui comptait. D’où lui venait cette empathie, lui qui était toujours resté seul toute sa vie, lui qui n’avait jamais cherché à lier contact avec qui que ce soit ? La question survola à peine son esprit, seule la survie de sa nouvelle amie importait désormais. Encore quelques enjambée et il aurait rejoint l’endroit où elle s’était tenue quelques fractances plus tôt.

Le son qu’il avait entendu peu de temps auparavant avait ressurgi, d’abord très lointain, puis de plus en plus distinct. En réalité, il s’en rapprochait, à mesure qu’il rejoignait sa destination. Un bourdonnement. Oui, c’était bien cela, un bourdonnement. Le bruit que pourrait faire un insecte en agitant ses ailes si vite qu’elles en devenaient invisibles. Mais jamais ce phénomène n’avait atteint une telle amplitude, un tel volume sonore. Quelle monstruosité allait-il découvrir ?

Cet arbre. Oui, c’était bien là qu’il l’avait vu pour la dernière fois. Le son. Un peu plus loin, sur la gauche. Reprise de la course effrénée.

Il ne fallut que quelques pas. A quelques mètres de lui, à moitié cachée par un arbre, il distingua le tissu blanc, contrastant étrangement avec l’écorce et le feuillage environnant. Ne stoppant à aucun instant, redoublant même d’effort maintenant que son objectif était à portée de vue, Serge fusait à travers la végétation qui ne trouvait plus aucun moyen pour gêner sa progression. Il n’était plus qu’à dix mètres de la guérisseuse, allongée au sol, le haut du corps toujours dissimulé par un tronc ancestral. En un regard, il aperçut ce qui menaçait son amie. A plus d’un mètre au dessus du sol, une abeille monstrueuse était en vol stationnaire. Son corps avait la taille d’un mouton et le dard qui menaçait la Viera aurait pu servir de pointe à un javelot.
Cinq mètres. Sur la distance qui lui restait à parcourir, peu d’obstacles risquaient de s’interposer. Dans sa main droite, un jeu de lumière éblouissant laissa la place à la même épée qui lui avait déjà servi plusieurs fois à présent.
Trois mètres. La monstruosité s’élançait vers la robe blanche. Le bois torsadé du bâton d’Elian, surgissant de derrière le vieil arbre, se dressa vers l’insecte.
Deux mètres. Un éclat surgit du bâton tandis que la créature continuait de fondre sur sa proie.
Un mètre. Serge se jeta en avant.

Le buste du garçon s’interposa entre l’éperon et le bâton. La lame argentée de l’épée ricocha sur l’aiguillon qui fut dévié et termina sa course dans le vide. Mais l’abdomen chitineux heurta de plein fouet le jeune combattant et tout deux roulèrent au sol. Dans le même instant, deux sphères cristallines apparurent. L’une autour de la Viera, toujours étalée, un coude sur la terre aride, l’autre bras tenant encore son bâton en l’air. La seconde entoura Serge et l’abeille tueuse alors que leurs deux corps venaient de s’entrechoquer. La fractance suivante, les multiples facettes qui constituaient la bulle de lumière explosèrent et s’évanouirent aussi précipitamment qu’elles étaient apparues.

Le bourdonnement n’avait jamais été si puissant, le garçon sentait les ailes s’exciter et lui heurter le visage à une vitesse hallucinante, comme une succession de gifles ininterrompues. La douleur était intense mais bien plus supportable que la désagréable impression de l’insecte se débattant pour s’échapper, ses pattes grouillantes s’articulant contre lui. Sans s’en rendre compte, il avait ceinturé la monstruosité, l’empêchant de s’envoler. Il relâcha son étreinte et sentit immédiatement le poids qui l’écrasait disparaître. L’abeille s’éloignait de lui, mais il était certain qu’elle n’abandonnait pas la partie. Il se redressa, frotta du revers de la main ses joues meurtries par les innombrables claques qu’il avait reçues et se prépara à couper en deux l’horreur qu’il allait devoir affronter. Devant lui, le monstre fit demi-tour et s’immobilisa dans les airs, les ailes transparentes et nervurées battant l’air frénétiquement, émettant toujours leur son assourdissant.

Surgissant de nulle part, une flèche atteignit le thorax de l’insecte volant. Mais l’armure naturelle de la créature était très résistante et le trait ne l’effleura que très superficiellement avant de tomber sur le sol, éjecté par le battement invisible mais bien réel des ailes du monstre. Serge jeta un coup d’œil sur la gauche, là d’où semblait provenir la flèche et reconnu Christy à travers le feuillage. Entre les deux combattants, la forme blanche parsemé de lignes rouges de la Viera se redressait.
- Merci, fit-elle, vous êtes arrivés juste à temps !

Mais ils n’eurent pas le temps de répondre car l’abeille démesurée avait déjà repris l’affrontement. Ne semblant même pas avoir remarqué l’archère, sa cible était claire et nette. Ce serait Serge qu’elle tuerait en priorité. Sans doute parce qu’il était l’adversaire qui l’avait vraiment mise en difficulté, si tant est qu’une telle créature était capable d’agir avec discernement. Mais peu importait, le garçon était prêt à se défendre et à en découdre avec cette erreur de la nature. L’abdomen strié de jaune et de noir en avant, le dard prêt à frapper, l’insecte chargea dans un vrombissement étourdissant.

Refusant de subir l’assaut sans bouger, Serge se propulsa en avant, la pointe de son épée en arrière, le plat de la lame contre son flan. A peine ses pieds eurent-ils décollé du sol, il allongea le bras devant lui et balaya l’espace dans lequel l’abeille venait de pénétrer. La pointe de son arme entra en contact avec l’aiguillon meurtrier, mais aucun des deux ne céda. L’élan précipita encore une fois les adversaires l’un contre l’autre tandis que le frottement du métal contre la carapace produisit un craquement repoussant. Une douleur élança le garçon dans le bas ventre et il se figea, le souffle coupé par le choc. Il tomba à genou, laissant son assaillant reprendre son envol.

Une boule s’était formée dans sa gorge et l’air ne trouvait plus d’accès pour emplir ses poumons. Pris de panique, il porta ses mains à sa gorge dans l’espoir que cela l’aiderait à retrouver son souffle, mais en vain. Le temps semblait ne plus avancer alors que d’infimes bouffées d’oxygène se frayaient un chemin jusqu’à ses poumons en émettant un râle rauque. Il n’avait plus aucune conscience de ce qui l’entourait, toutes les ressources de son être étant réquisitionnées pour rétablir cette fonction simple mais pourtant indispensable à sa survie. Peu à peu, il sentit l’air circuler de mieux en mieux dans son organisme, sensation qu’il n’avait jamais ressentie à ce point, ne s’en étant jamais réellement préoccupé. Son ventre se soulevait à nouveau à un rythme qui n’était toujours pas régulier bien que rassurant. Alors qu’il revenait lentement à la réalité, il entendit un cri probablement poussé par Christy.
- Attention !

Il releva la tête juste à temps pour voir le dard couleur ivoire fondre sur son visage. Réagissant instantanément, il se coucha sur le côté pour esquiver l’attaque mais sentit une griffure violente sur sa joue. Ignorant la douleur, il se redressa et chercha l’insecte des yeux. Il ne fut pas difficile à repérer. En l’observant, il s’aperçut d’une chose qu’il n’avait pas encore repérée. Tout comme on remarque un bruit de fond au moment ou il disparaît, il vit le monstre perdre de sa luminosité, comme si une source de lumière venait de s’éteindre en lui. A cet instant précis, Elian s’écria.
- Ca y est, c’est le moment, Carapace s’est dissipé !
Comme en réponse à cette annonce incompréhensible, la voix de Christy se détacha.
- J’y vais !

Serge eut tout juste le temps de voir la jeune fille décocher une flèche, mais celle-ci était différente des autres. De la pointe à l’empennage, elle émanait un halo obscur qui laissait comme une trainée derrière la trajectoire du projectile. Comme toujours, l’archère fit mouche et la cible fut atteinte en pleine tête, entre les deux antennes. Le voile sombre se propagea alors et recouvrit les grands yeux noirs de la créature. Affolée, elle commença à se tordre dans tous les sens en donnant des coups d’éperon dans le vide, incapable de voir quoi que ce soit. Elle était atteinte de cécité. Il lui était désormais impossible de garder une position stable, oscillant entre le sol et les premières branches, heurtant la terre en soulevant un nuage de poussière ou frottant ses ailes contre les branchages, lui faisant perdre son équilibre aérien. Bientôt, elle se retrouva sur le sol, cessant ses mouvements désespérés pour se repérer dans cet espace devenu invisible à ses yeux. Elle se mit à marcher sur le sol, déplaçant ses antennes avec minutie, tantôt sur la flèche qui ornait toujours son front, tantôt sur les racines qui recouvraient le sol. Serge restait immobile, observant le comportement de l’abeille gigantesque, abasourdi par ce nouveau retournement de situation.
- Qu’est-ce que tu fais Serge, magne-toi ! C’est à toi maintenant, achève-la !

C’était Christy qui venait de lui crier dessus. Reprenant conscience des évènements, il leva les yeux vers la jeune fille en guise de réponse et courut pour rejoindre le monstre. Entendant les pas précipités de son adversaire, la créature se tourna vers lui et tenta de reprendre son vol pour lui faire face. Mais Serge fut trop rapide. En un saut, il se retrouva sur le côté de l’insecte et abattit sa lame à l’endroit le plus fin de l’exosquelette, entre le thorax et l’abdomen. Le corps fut écrasé par le poids du métal, le tranchant de l’arme passant entre l’armure naturelle de l’insecte pour finalement le couper en deux. Les deux parties tombèrent lourdement sur le sol avant de disparaître, les particules élémentaires retournant à leur état primaire, invisible dans l’atmosphère de la planète. C’est du moins ce que leur avait expliqué Elian. A la place du monstre, un flux coloré apparut et s’éleva à quelques mètres au dessus du champ de bataille. Il tournoya un instant avant de se diviser en trois filaments multicolores qui rejoignirent les trois survivants de l’affrontement. Serge fit un pas en arrière, effrayé car il savait ce que cela signifiait pour lui. Mais il savait aussi qu’il ne pourrait pas y échapper et attendit que le myste s’insinuât en lui. Comme toujours, le premier contact fut rafraîchissant et envoûtant. Mais très vite, la douleur se réveilla et il ne put réprimer un grognement de douleur. L’intrus était plus que jamais présent au fond de ses entrailles et luttait contre cet influx de myste qui tentait de pénétrer à l’intérieur de son hôte. Mais Serge refusait de s’évanouir à nouveau, il savait désormais qu’il lui fallait affronter cette souffrance et tout faire pour ne pas y céder. Ses jambes flageolèrent sous lui et il ne put s’empêcher de poser un genou à terre. Mais il tenait bon et l’influx avait presque entièrement disparu sous son armure. La douleur s’apaisa et se tut complètement. Son corps crispé se détendit, son dos se courba et il posa les mains sur le sol, son cou ne supportant plus le poids de sa tête qui ballottait entre ses épaules. La respiration profonde, il entendit ses deux amies le rejoindre en courant.

- Serge, tu vas bien ?
- Répond-nous, allez ! Répond-nous !
Il ne répondit pas tout de suite, reprenant ses esprits. Des mains les secouèrent.
- S’il te plaît, répond-moi !
D’un mouvement d’épaule, il se dégagea des secousses incessantes et montra du même coup qu’il était encore lucide.
- Ouf ! Tu vas pas nous faire le coup à chaque fois pyja-gars !
Serge voulut répliquer mais il se retint, comprenant l’ironie dans la voix de Christy. Il préféra alors se prêter au jeu. Redressant la tête, il lui adressa un sourire narquois.
- Je m’améliore quand même, tu ne trouves pas ?

Mais sa réponse n’eut pas l’effet escompté. L’expression de la jeune fille s’était transformée en grimace d’horreur. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, il se tourna vers Elian qui, même si sont visage se voulait plus rassurant, ne pouvait cacher son angoisse.
- Qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce qu’il vous arrive à toutes les deux ?
- Ta… ta joue, fit Christy, désignant du doigt l’endroit qui semblait l’effrayer.

Les yeux interrogateurs, il posa sa main sous sa tempe gauche et sentit une plaie qui lui barrait la joue. Tout autour d’elle, les veines avaient gonflé et serpentaient à la surface de sa peau. Mais cette blessure n’aurait pas été si inquiétante si le sang qui circulait dans cette zone n’avait pas pris une étrange couleur verte.

samedi 1 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 1

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 1


Cela faisait déjà plusieurs luxances que le petit groupe avançait péniblement dans l’environnement hostile de la forêt. Ecartant les branchages avec de grands gestes prudents, il n’était pas rare qu’ils se griffent le visage avec les épines des ronces qui se mêlaient aux branches basses. Elian, malgré sa taille – elle dépassait d’au moins une tête ses compagnons – était de loin la plus agile des trois. La seule égratignure qu’elle avait à déplorer sur sa joue était due à un brusque retournement lorsqu’elle avait entendu Christy crier. Celle-ci s’était maladroitement prise les pieds dans une broussaille et avait trébuché, entraînant dans sa chute les plantes épineuses auxquelles elle avait désespérément essayé de se rattraper. Elle s’était affalée de tout son long sur la mousse qui, recouvrant les racines sortant ça et là de la terre sèche, avait accueilli sa chute sans réellement l’amortir. Heureusement pour elle, elle avait revêtu son habit d’archère car le short et le t-shirt qu’elle portait n’étaient guère adaptés à leur randonnée forestière. Serge aussi avait conservé son équipement magique qui remplaçait fort agréablement sa chemisette dans un tel endroit. Jusqu’à présent, ils n’avaient jamais décidé volontairement de faire apparaître leur arme et leur armure et le phénomène s’était produit sous l’effet de la colère. Mais lorsque la jeune fille tenta de se changer sur les conseils de la Viera, elle n’eut aucune difficulté à obtenir ce qu’elle souhaitait. Quant à Serge, il n’avait pas retrouvé son état normal depuis qu’il avait poursuivi M. Diguel et à aucun moment il n’eut à se préoccuper de garder cette apparence. Il réussit même à faire disparaître son épée après que son amie ait fait de même avec son arc et son carquois, toujours sur les recommandations d’Elian. Il n’avait eut qu’à le vouloir pour qu’elle se volatilise dans un léger voile lumineux.

Serge dut expliquer aux deux filles qu’ils avaient pénétré dans la forêt bien loin des sentiers aménagés par les chasseurs mais qu’ils devraient en croiser un à moment ou à un autre. Cependant, cela faisait plus de deux luxances qu’ils étaient partis et qu’ils n’avaient toujours rien vu. De toute façon, ils avaient déjà eu une discussion sur le fait de ne pas voyager à vue. En effet, Christy n’ayant de cesse de se lamenter sur l’inconfort de la situation et clamant haut et fort qu’ils auraient mieux fait de réfléchir avant de s’enfoncer dans cette forêt, Serge se creusa la cervelle pour trouver un argument assez convaincant pour la faire taire. Finalement, il en trouva un qui le convainquit au point de l’inquiéter.

- Ecoute Christy, de toute façon, mieux vaut ne pas trop se faire voir.
- Ah oui, et pourquoi ça, hein ? Dis-moi !
- Tu ne crois pas qu’on va nous rechercher quand on va découvrir que nous avons disparu ?
- Heu… oui, peut-être, fit-elle, sans rien trouver d’autre à redire à cette vérité.
- Bon, pour le moment, je pense qu’on a un peu de temps, continua-t-il pour se rassurer lui-même, mes parents rentrent très peu souvent en ce moment et même quand c’est le cas, c’est tout juste s’ils s’inquiètent de ma présence. Et les tiens, ils habitent de l’autre côté de l’Océan, ça leur est donc difficile de savoir ce que tu fais. Toujours est-il qu’il vaut mieux utiliser un minimum les sentiers fréquentés si on veut être sûr que personne ne nous voit !

Il avait réussi à la faire taire, mais à quel prix ! Maintenant qu’il avait exposé les choses clairement, il prit conscience de la réalité des faits. Ils étaient partis sans laisser le moindre mot ni la moindre explication et leur départ serait sans aucun doute assimilé à une fugue. Et si ses parents ne remarquaient pas son absence immédiatement, ils verraient forcément le lit vide de son frère. Dès que leur disparition serait signalée, des recherches seraient lancées et des battues effectuées. Ils ne devaient pas perdre de temps et prendre un maximum d’avance pour ne pas être retrouvés. Il fallait qu’ils restent cachés jusqu’à ce qu’ils retrouvent Xavier. "Xav, où es-tu ? Où est-ce que ce salaud t’as emmené ?" En y réfléchissant, il n’avait aucune idée de l’endroit où il avait pu être emmené. "Le Sud. Précis comme info !" pensa-t-il, ironique. Sans plus d’indication, il était évident qu’ils ne pourraient jamais le retrouver. Octares était un vaste continent et ils se trouvaient à l’extrême nord de celui-ci. Mais il était inconcevable qu’il laisse son frère entre les mains de cet homme ignoble qui l’avait si facilement trompé. Et il devait comprendre ce qui lui arrivait, ce qui arrivait à son monde.

- Et il y a la fac, lança Christy, sortant Serge de ses réflexions solitaires.
- Quoi la fac ?
- Ben si nos parents ne s’aperçoivent pas de notre absence, la fac s’en rendra bien compte elle !
- Je sais pas. Un élève de plus ou de moins…
Mais elle avait raison. Il avait beau se dire que l’administration ne se préoccupait pas d’eux, les absences étaient surveillées et dans une fluance ou deux, à mi-cycle s’ils avaient de la chance, le bureau de l’enseignement contacterait leurs parents par transvoc.

Serge n’avait jamais vraiment compris comment un tel engin fonctionnait. Tout ce qu’il savait, c’était que des scientifiques avaient réussi à mettre au point un appareil qui utilisait le flux pour reproduire un signal vocal. Il suffisait de mettre en liaison deux de ces machines en indiquant des coordonnées pour entrer en communication audio. Le message délivré devant l’un de ces appareils était presque immédiatement retranscrit là où se trouvait le second, la voix surgissant du néant, ou plutôt du flux qui emplissait l’air ambiant et qui entrait en vibration. Heureusement, des améliorations avaient été apportées au fil du temps comme la possibilité de refuser ou de différer la transmission, beaucoup de gens s’étant plaint d’être dérangé inopinément pendant leurs activités. Le transvoc existait depuis bien avant la naissance du garçon, mais cela restait l’une des inventions les plus utiles et les plus incroyables qui existaient à ce jour. MétaFlux, le laboratoire Altéan qui avait développé ce système et vendu le principe à de nombreuses sociétés, était maintenant l’un des instituts les plus réputés et les plus riches d’Ivalice. C’était là que travaillaient ses parents.

Tandis qu’ils continuaient à avancer au milieu de la nature sauvage, Serge pestant contre les technologies qui pourraient faciliter les actions menées pour les retrouver, Christy le questionna à nouveau.
- Après tout, c’est pas bien grave si on nous r’trouve, non ?
- Comment ça pas bien grave ?
- Ben oui, on aura qu’à leur expliquer ce qui s’passe, c’est tout !
- Oui, c’est ça, bien sûr ! On leur explique qu’on court après un type qui se balade dans une boule de lumière et qui peut faire sortir une lame de ses doigts. Tout ça pour retrouver mon frère qui est victime d’une maladie inconnue. Oui, ils nous laisseront sûrement repartir.
- Mais ils ont bien vu ce qui s’est passé à Altéa. Les loups et tout ça. Si on leur montre nos pouvoirs, ils comprendront.
- Comme ils ont compris qu’Elian était totalement inoffensive en la voyant.
Serge s’était arrêté pour faire face à Christy
- Si on leur montre quoi que ce soit des trucs bizarres qui nous arrivent, reprit-il, ils réagiront ni plus ni moins comme ils ont réagi avec Elian. Avec les coups en moins, j’espère. En tout cas, je ne crois pas qu’ils nous laisseront tranquilles.
- Mais c’est pas à eux de décider, nos parents…
- Parlons-en des parents. Tu crois franchement qu’ils ne s’inquiéteraient pas de voir leur enfant comme ça, déclara-t-il en faisant défiler ses mains de haut en bas le long de son armure de cuir. Même si les miens ne se préoccupent pas trop de moi en ce moment, tu crois vraiment qu’ils nous laisseraient partir sans comprendre ce qui nous arrive ? On leur dira quoi, hein ? Qu’on va sauver mon frère et retrouver une femme qui prétend être notre mère ?
- Non, j’sais pas, mais il ne peuvent pas nous empêcher de…
- Si, ils peuvent ! Rappelle-moi, t’as quel âge ?
- 17 cent’, rumina-t-elle.
- C’est ça, et moi 18. Et à quel âge est-on majeur ?
- Oh, ça va M. "Je-sais-tout", explosa-t-elle, c’est bon, je sais. Mais si tu es si malin, t’avais qu’à réfléchir un peu plus avant de partir !
- Quoi ! répliqua Serge. J’te signale que c’est toi qui as voulu me suivre ! Et on n’avait pas le temps de… mon frère…
- Oui, je sais, mais ça fait plus de 2 lux qu’on se balade dans cette forêt sans même savoir où l’on va, alors excuse-moi de ne pas sauter de joie !
- Eh bien si tu as une meilleure solution, te prive pas, je t’écoute.
- Oh, j’en sais rien ! Tu m’énerves ! Allez, vas-y, avance ! Elian nous attend là-bas.
Le garçon abandonna l’affrontement et se retourna. Effectivement, la Viera avait pris de l’avance et sa longue silhouette élancée les attendait un peu plus loin.

Enervé, il reprit sa marche, ne prenant plus aucune précaution pour repousser les branches qui lui barraient le passage. Comment pouvait-elle lui reprocher ce qui leur arrivait ? Ce n’était pas de sa faute s’ils avaient dû partir précipitamment ! Et c’était son frère qui avait été enlevé ! Comment osait-elle se plaindre alors que lui avait tout perdu avec la capture de Xavier ?

Tous les deux progressaient péniblement, lançant régulièrement des insultes contre les ronces qui s’accrochaient à leurs vêtements, sachant pertinemment que leur mauvaise humeur était plutôt due à leur comportement respectif qu’aux buissons épineux.

Sur le chemin pour rejoindre Elian, le regard de Serge se posa sur une mûre. Il la cueillit et l’observa un instant. Cela faisait près d’une fluance entière qu’il n’avait rien avalé et la faim ne se faisait toujours pas ressentir. La profusion des évènements récents avaient sûrement pris le dessus sur son estomac. Haussant les épaules, il jeta le fruit dans sa bouche. Un vrombissement fit vibrer ses tympans. Il tourna la tête vers l’endroit d’où semblait provenir le bruit, sur sa gauche. Le son s’évanouit aussi vite qu’il était apparu.

Se demandant ce que cela pouvait bien être, il voulut reprendre la route pour rejoindre la Viera, mais elle avait disparu de son champ de vision. Il y avait quelques instants, elle était encore à quelques mètres devant lui, dans sa robe blanche, à les attendre. Où était-elle passée ? Comme pour répondre à sa question, un cri aigu retentit au milieu des arbres centenaires.

lundi 27 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 6

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 6


Debout sur les pavés, sa sacoche noire à la main, le professeur attendait dans l’embrasure de la porte. Son sourire qui aurait normalement mis Serge en confiance donnait à l’homme un air jovial et inquiétant à la fois. Etait-ce vraiment lui qu’Elian avait senti à travers cette odeur maléfique qui se rapprochait ? Il aurait voulu qu’elle soit là à ses côtés pour le lui confirmer car il ne voulait pas le croire.

- Alors Serge, je ne t’ai pas vu ce matin. Je me suis inquiété alors j’ai décidé de venir te voir. Je suis rassuré de te trouver en pleine forme.
- Ce matin ? Il y avait cours ? Quelle luxance est-il ?
- 8 lux et demi. Oui il y avait cours, mais ce n’est pas grave, vu ton état d’hier, je préfère que tu te sois bien reposé.
- Oui, ca va mieux, merci Monsieur.
- C’est normal. Dis-moi, en venant ici, j’ai trouvé que la population était dans une sacrée effervescence. Tu sais ce qu’il y a ?
Serge fut surpris par la question de son professeur et réfléchit à toute vitesse. Soit l’homme ne savait vraiment rien et il était inoffensif, soit il feignait l’ignorance et dans ce cas, le garçon devait choisir ses mots avec prudence. Dans tous les cas, il pouvait parler de l’attaque des monstres car cela ne révélait rien sur toutes les choses étranges qui lui étaient arrivées personnellement.
- Des bêtes ont attaqué les habitants, je crois que c’était des loups.
- Des loups ! Ce n’est pas possible, il n’y a rien de tel dans la région ! Tu es sûr de ce que tu dis ?
- Je ne sais pas si c’était vraiment des loups, mais ça y ressemblait en tout cas.
- Bizarre... Tu n’as pas été blessé ?
- Non, ca va.

Monsieur Diguel était resté dehors tout ce temps, Serge ne sachant pas s’il devait le faire entrer ou non. Mais l’homme se pencha légèrement pour observer à l’intérieur de la maison et aperçut Christy qui était restée en retrait.
- Tiens, tu as une amie chez toi ? Bonjour Mademoiselle.
Se faisant, il adressa un signe de la main à la jeune fille qui lui rendit un sourire.
- Tu ne me présentes pas ton amie ? insista le professeur.
- Euh, si, entrez.
Le garçon s’effaça à contrecœur pour laisser passer son professeur qui s’avança dans le salon et s’adressa à Christy.
- Bonjour. Je suis M. Diguel, le professeur de flux de Serge.
- Bonjour, je m’appelle Iris, mentit-elle.
- Enchanté.

Serge avait faiblement tiqué à la réponse de sa nouvelle amie, mais cela était passé inaperçu. Il se demandait si cela était bien utile de cacher son prénom, mais dans le doute, mieux valait être prudent. Il saluait l’aplomb avec lequel elle avait menti et dût bien reconnaître qu’elle avait très bien joué sur ce coup là. Désormais, il devait faire attention de ne pas la trahir en dévoilant le mensonge. Elle s’appelait Iris.

Après ces brèves présentations, l’enseignant s’attarda sur l’intérieur de la maison. Il détaillait la décoration des différents coins de la pièce lorsque son regard se posa sur les bris de verre qui jonchaient le sol, là où Serge avait fait tomber le plateau au contact du bras d’Elian.
- Tiens, vous vous êtes disputés, plaisanta-t-il.
En comprenant qu’il faisait allusion aux débris sur le carrelage, Serge s’en voulut terriblement de ne pas avoir nettoyé plus tôt les dégâts qu’il avait causés. Heureusement, les verres étaient cassés en morceaux minuscules et il était impossible de distinguer leur nombre. Si l’homme avait demandé qui était le troisième invité, ils auraient encore dû inventer une explication plausible et il n’était pas bon de s’enfoncer dans un trop grand nombre de mensonges. Pour le moment, il n’était pas prêt à lui révéler la présence d’Elian ni quoi que ce soit d’autre. L’avertissement de la Viera méritait qu’il prenne ses précautions.
- Oh non, ce n’est rien, j’ai fait tomber ça juste avant que vous n’arriviez, expliqua Serge. Je n’ai pas eu le temps de m’en occuper.
- Je vais le faire, intervint Christy. Occupe-toi de ton invité, je vais ramasser tes bêtises.
- Tu es sûre ? Merci Iris, c’est gentil. Tu trouveras ce qu’il faut dans la cuisine.

La jeune fille s’éclipsa et revint quelques fractances plus tard avec une petite pelle et une balayette. Tandis qu’elle s’affairait à ramasser les éclats tranchants, M. Diguel aborda un sujet délicat.
- Alors, rien de neuf au sujet de ton frère ?
- Non…
L’étudiant avait répondu spontanément et dans les instants qui suivirent, son expression se fana. Son professeur l’avait ramené à la réalité en une seule phrase et le coup fut dur à encaisser. Comment avait-il pu délaisser Xavier si longtemps ? Un homme qui n’avait même jamais rencontré son frère s’en préoccupait plus que lui. Lui qui avait toujours été à son chevet depuis que son étrange maladie était apparue. Lui qui passait son temps à ses côtés, espérant une guérison miraculeuse, bien qu’il n’y croyait plus vraiment. Il l’avait laissé tomber. Comment avait-il pu placer ses propres problèmes devant ceux de son petit frère ? Un sentiment de honte s’empara de Serge et il n’osait plus regarder son interlocuteur en face. Voyant le mal être du garçon, l’homme tint à s’excuser.
- Désolé de t’avoir parlé de ça, tu n’avais surement pas besoin que je te rappelle tes soucis.
- Non, ce n’est pas de votre faute. C’est gentil de votre part de vous inquiéter pour lui.

Christy avait fini de ramasser les morceaux de verre et écoutait avec attention la conversation, la pelle à la main.
- Il n’y a toujours aucun remède ? reprit l’enseignant.
- Non, nous n’avons rien trouvé…
- Et tes parents ?
- Ils passent presque tout leur temps au labo. Je ne les vois pratiquement plus. Je crois qu’ils n’arrivent pas à accepter la vérité. Ils cherchent un remède fluance après fluance, mais je pense surtout qu’ils fuient la réalité et se réfugient dans leur travail.
- Je comprends ce que tu ressens, mais tu ne peux pas dire ça. Je suis persuadé qu’ils font tout leur possible pour trouver une solution.
- Peut-être bien et de toute façon, je ne peux rien leur reprocher. Ce n’est pas en restant à ses côtés à ne rien faire que je vais l’aider.
- Ne dis pas ça non plus. Ta présence n’est pas inutile, j’en suis sûr. On ne sait pas quel niveau de conscience il a, peut-être même qu’il t’entend !
- Peut-être… Mais de toute façon, il faudrait un miracle maintenant.

Un miracle oui. C’était bien le seul espoir qu’il avait désormais. Et soudain, une idée lui traversa l’esprit. Et si ce miracle qu’il attendait n’était rien d’autre que la magie dont parlait Elian et dont il avait vu l’efficacité à plusieurs reprises ? Si cette femme d’une autre espèce était celle qui pouvait l’aider ? Il se trouva bien bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Encore une preuve qu’il avait délaissé son petit frère. Mais pour le moment, il ne pouvait rien tenter. Rien tant que M. Diguel était chez lui. Même s’il semblait inoffensif, il ne pouvait pas prendre le risque de lui présenter la Viera.

- Où est-il en ce moment ? demanda le professeur.
- Dans sa chambre, répondit-il distraitement.
Au moment précis où il lui fit cette réponse, Serge comprit qu’il n’allait pas se débarrasser de l’homme si facilement. Il aurait voulu qu’il s’en aille le plus vite possible pour qu’il puisse parler de Xavier à Elian et qu’elle examine son cas.
- Tu crois que je peux aller le voir ?
- Je ne sais pas, ce n’est peut-être pas une bonne idée. Mieux vaut qu’il reste au calme.
- Ne t’en fais pas, je veux juste le voir, je ne vais pas le déranger. Peut-être que je pourrais trouver quelque chose et en parler à des collègues. Il est possible qu’ils puissent l’aider tu sais, je connais des gens vraiment très calés sur le flux et ses mystères.
- Non mais vous savez, des médecins sont déjà venus le voir et ils n’ont rien trouvé.
- Raison de plus ! La médecine s’attarde uniquement sur les problèmes organiques, elle ne se préoccupe que très peu des effets du flux. Je crois vraiment que je devrais le voir, on ne sait jamais, ce serait idiot de ne pas tenter le coup.
- Je ne sais pas…
- De toute façon, ça ne coûte rien. Je rentre, je l’examine un peu et puis c’est tout. Soit j’ai une piste que je pourrais ensuite explorer avec mes collègues, soit je lui aurais juste rendu une petite visite. Tu as l’air très méfiant, j’ai raison ?
- Non pas du tout. C’est juste que personne ne lui a rendu visite depuis tout ce temps, je veux dire, à part les docteurs et quelques uns de ses amis au début. Ca me fait bizarre que quelqu’un veuille le voir.
- Je vois. Eh bien dans ce cas, considère-moi comme un ami qui lui rend visite !
L’homme avait dit ça avec un grand sourire et Serge comprit qu’il ne partirait pas tant qu’il n’aurait pas vu Xavier. Il se résigna alors à l’accompagner dans sa chambre, non sans rester sur ses gardes. Il n’était toujours pas certain des véritables raisons de sa présence ici.
- D’accord, suivez-moi.

Il lui désigna les escaliers et le fit passer devant lui. Tout en montant les marches, il vit Christy poser la pelle sur la table basse et se diriger vers le bureau, la pièce où s’était cachée Elian. Une fois à l’étage, le garçon le guida jusqu’à la chambre de son frère qui était toujours tétanisé au fond de son lit. M. Diguel s’approcha de lui, posa sa mallette contre le chevet et s’agenouilla à côté du malade. Sous la surveillance de Serge, il posa ses mains sur le torse froid de l’enfant et murmura quelques mots que l’étudiant parvint à saisir.
- C’est donc ça, je m’étais bien trompé.
- Que dites-vous ?
- Oh rien ! Juste que je m’étais trompé, je ne crois pas pouvoir faire grand-chose pour ton frère, désolé.
Alors que l’homme se relevait et saisissait sa sacoche, des pas précipités se firent entendre sur les marches en bois de l’escalier. Christy débarqua en trombe devant la chambre suivie de près par Elian.
- C’est lui ! hurla la jeune fille.
- Que se passe-t-il ? leur demanda-t-il.
- C’est lui la chose qu’Elian a sentie !

En entendant ces mots, il se tourna précipitamment vers le professeur qui semblait surpris par cette agitation soudaine.
- Que se passe-t-il Serge ?
- Eloignez-vous de lui ! avertit l’étudiant avec une assurance qui l’étonna lui-même.
- Qu’y a-t-il, je ne comprends pas. Pourquoi tu…
En apercevant la femme aux allures de lapin, M. Diguel s’arrêta net avant de changer d’attitude.
- Une Viera, commenta-t-il. Dans ce cas, ce n’est pas la peine que je me cache. Tant pis. De toute façon, ma tache est accomplie.
- Qui êtes-vous ? questionna Elian avec vigueur.
- Peu importe qui je suis, laissez-moi partir et tout ira bien.
- Certainement pas ! s’énerva Serge. Vous allez me dire ce que vous faites chez moi et ce que vous voulez à mon frère !
- Ton frère ? Oh, rien, je ne vois pas ce que je pourrais bien vouloir à quelqu’un d’aussi commun que lui. Franchement, je m’étonne encore de m’être trompé à son sujet. Enfin, pas la peine de s’attarder là-dessus. Allez, laissez-moi sortir !

L’homme gardait un calme étrangement perturbant. Il était coincé à l’intérieur d’une chambre dont la seule issue était bloquée par leur trio et il semblait totalement serein. Christy s’emporta à son tour.
- On n’vous laissera pas partir tant que vous ne nous aurez pas expliqué ce que vous faîtes là !
- Ah oui ? Et sinon ? Vous pensez pouvoir faire quelque chose contre moi ?
- Je ne suis pas celle que vous croyez !
Sur ces mots, une lumière éblouissante émana d’elle et la fractance suivante, elle se retrouva dans sa tenue d’archère, un arc et une flèche à la main. L’instant d’après, la corde était tendue et la pointe acérée pointée sur l’intrus. Pour la première fois, M. Diguel fut véritablement déstabilisé.
- Quoi ! Qui es-tu ? Tu es l’une d’entre eux ! Lucrécia a donc déjà…
- Que sais-tu sur Lucrécia ? le coupa Serge.
- Oh, trois fois rien, mais vous permettez ?
En un mouvement rapide et agile, l’homme saisit Xavier et l’utilisa pour se protéger d’une attaque impromptue. Au bout de son index, son ongle s’allongea pour former une lame aiguisée qu’il posa sur la gorge du corps inanimé.

- Lâchez-le ! hurla Serge dans un accès de colère.
Accompagnant ses mots, un nouvel éclat blanc emplit la pièce et le garçon se retrouva équipé de l’épée et de l’armure qu’il avait déjà portées. Cette fois-ci, l’agresseur parut encore plus stupéfait.
- Comment est-ce possible ! Je t’ai pourtant neutralisé ! Ce n’est pas vrai, était-ce trop tard ?
- Lâchez-le, répéta le jeune homme à présent armé.
- Je ne crois pas, non. C’est ma meilleure assurance vie pour le moment. Baissez-vos armes immédiatement, ou sinon, je ne donne pas cher de sa peau.
La main crispée sur la poignée de sa lame, Serge prit conscience de la situation. Il n’avait plus du tout l’avantage et la vie de son frère était en danger. A contre cœur, il abaissa son arme et regarda Christy. Elle lut le message dans son regard et l’imita.

- Très bien, je préfère ça. Bon, je vois que l’on s’est tout dit, alors excusez-moi, mais je vais prendre congé de vous. J’ai du travail qui m’attend.
- On ne vous laissera pas faire !
- Oui probablement, c’est pour ça que je ne vais pas vous demander votre permission.
C’est alors qu’une sphère lumineuse pénétra dans la pièce en traversant la vitre de la fenêtre et s’arrêta juste devant M. Diguel.
- A la prochaine ! lança-t-il alors que la boule blanche grandit d’un coup pour l’envelopper entièrement.

Serge eut à peine le temps d’esquisser un mouvement que la sphère avait repris sa taille initiale et traversait la vitre en sens inverse. L’homme avait disparu en entrainant Xavier avec lui. Serge s’élança pour ouvrir la fenêtre et voir le point de lumière disparaître vers le sud, en direction de la forêt. Sans réfléchir une fractance de plus, il s’élança à travers l’ouverture et se laissa tomber du premier étage. Se réceptionnant au sol comme s’il avait sauté d’un simple muret, il reprit sa course et traversa les quartiers de plus en plus pauvres de la ville. Sur son passage, les habitants se retournèrent, n’en croyant pas leurs yeux. Mais le garçon les ignora. La seule chose qui comptait était de rattraper cet homme et de retrouver son frère. Il courut ainsi pendant une vingtaine de nuances à travers les rues dont les pavés se transformaient peu à peu en terre battue. Son parcours le mena à la frontière de la ville, là où les dernières maisons bordaient la lisière de la forêt. Devant ce mur de végétation, Serge s’arrêta enfin. L’endroit était désert. A peine essoufflé, il s’effondra à genou sur le sol, désespéré par la disparition de son frère. Ses mains se posèrent sur les touffes d’herbes qui poussaient ça et là sur la terre asséchée. Serrant les poings, il arracha les pousses de verdure et des larmes de détresse vinrent arroser la poussière. Toute sa colère fut relâchée dans un cri.

- Je te retrouverai salopard ! Tu verras, je te ferai payer !

Ses bras cédèrent et ses coudes vinrent heurter le sol aride. Le dos voûté, il prit sa tête dans ses mains et pleura sans retenue, le visage plaqué contre ses avant-bras. Lorsqu’Elian et Christy le rejoignirent, il était toujours dans cette position mais ses larmes avaient cessé de couler. Les joues encore humides, il releva la tête lorsque la Viera posa sa main sur son épaule. Voyant que les deux filles l’avaient suivi, il se releva et les regarda tour à tour. Avant même qu’il ne puisse dire un mot, Christy lui parla d’une voix douce et rassurante.
- On va les retrouver, assura-t-elle. Je te le promets.
- Merci, mais ce n’est pas ton problème. Tu n’as pas besoin de te mêler à ça.
- Si, au contraire. Je veux comprendre ce qui nous arrive et tu es le seul que je connaisse qui subisse les mêmes effets que moi.
- C’est trop dangereux, tu as vu ce qu’il a fait avec sa main ?
- Oui, j’ai vu. Mais j’ai aussi vu ce dont on est capable tous les deux. Et au passage, je n’crois pas que je sois plus faible que toi, pyja-gars, fit-elle en lui adressant un clin d’œil complice.
Serge eut un bref sourire. Il n’insista pas plus longtemps pour la dissuader. Après tout, elle avait raison et il comprenait qu’elle veuille l’accompagner. Et de toute façon, elle était bien trop bornée pour qu’il puisse la faire changer d’avis.

- Je viens aussi.
C’était Elian qui venait de s’exprimer.
- Vous êtes ma seule attache à ce monde et moi aussi je veux découvrir ce qu’il m’arrive. Ce qu’il nous arrive.
Les deux jeunes amis s’étaient tournés vers elle et lui sourirent sincèrement.
- D’accord, allons-y ensemble, conclut le jeune homme, touché par la détermination dont faisant preuve ces deux femmes.
- La sphère de téléportation est partie vers le sud, de l’autre côté de la forêt, nota Elian.
- Oui, et c’est dans la même direction qu’Ozarie, autrement dit Rosaria, ajouta Christy. C’est là que nous a donné rendez-vous Lucrécia.
- Dans ce cas, il n’y a pas à hésiter, fit Serge, ragaillardit par la motivation de ses compagnes de route. Les deux seules pistes que nous ayons nous guident vers le même chemin.
- Ouaip ! Allons-y ! lança la jeune fille dont les cheveux blonds brillaient sous la lumière éclatante du flux rouge de prima.

Les trois silhouettes prêtes à partir vers leur destin tournèrent le dos à la cité et firent face à l’épaisse forêt luxuriante. D’un même pas, ils quittèrent Altéa pour disparaître sous les branchages des grands arbres de Mirkwood.

dimanche 19 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 5

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 5


- Que voulez-vous dire par là ? demanda Serge avec intérêt. Je n’en ai jamais entendu parler.

Malgré les nouvelles interrogations que suscitait cette révélation, le garçon n’était pas vraiment étonné par ce qu’Elian venait de lui révéler. Après tout ce qu’elle leur avait déjà dit, il était prêt à tout entendre.

- Et bien dans mon monde, Lucrécia fait partie du Grand Conseil. Tout le monde la connaît.
En voyant l’air sceptique des deux jeunes gens, Elian comprit qu’elle n’était pas au bout de ses peines pour leur apprendre tout ce qu’elle savait.
- C’est vrai que s’il n’existe que des Humes dans ce monde, il ne peut pas y avoir de Grand Conseil. En réalité, c’est une assemblée constituée d’un membre de chaque race existante. Ils se réunissent régulièrement pour discuter de différents problèmes afin de les résoudre.
- D’accord, fit Serge, c’est un peu comme notre gouvernement alors. Enfin, ils y font la même chose apparemment.
- Oui, ajouta Christy d’une voix amusée. Enfin le tien Serge, il se tourne pas mal les pouces ! Vous avez vachement moins de soucis que par chez moi, en Oriares. Y’a qu’à voir Altéa, c’est un paradis comparé à Arates. En même temps, comme il ne se passe jamais rien de grave ici, ton gouvernement est vachement moins réactif. J’sais pas ce qu’il ferait si…
- Si tu le dis… coupa Serge. On peut se concentrer sur le vrai problème ? Merci.

Interloquée, la jeune fille ne sut comment réagir et ne trouva aucun mot pour rétorquer. Le jeune homme devenait de plus en plus désagréable avec elle. Il s’en voulait un peu et regrettait d’avoir réagi ainsi, mais il ne supportait plus ses dérives verbales qui l’empêchaient de réfléchir. Il avait tout de même conscience de ne pas avoir été très correct avec elle et il se promit de faire des efforts par la suite. Cependant, il s’excuserait plus tard car il ne voulait pas remettre en cause son comportement vis-à-vis d’elle pour le moment.

- Donc, fit-il en s’adressant exclusivement à Elian, si j’ai bien compris, Lucrécia représente les Humes dans ce Grand Conseil.
Elian hocha de la tête pour approuver. Elle esquissa un regard vers Christy qui semblait toujours très déstabilisée par la réaction du garçon. L’atmosphère était devenue pesante et la Viera aurait voulu rassurer la jeune fille qui ne savait plus où se mettre. Après quelques instants de réflexions, Serge reprit la parole.
- Il y a un truc qui me gêne dans tout ça. Nos deux mondes, s’il s’agit bien de deux mondes, sont si proches et si différents à la fois. Et puis je ne comprends toujours pas pourquoi cette femme prétend être notre mère. Et cette histoire de mille centycles. Qui pourrait bien vivre si longtemps ?
- Oui, cela n’a aucun sens. La même personne vivant dans deux mondes différents et à des moments différents. Je n’ai jamais entendu parler de ça. Remarque, peut-être que nous nous trompons complètement et qu’il ne s’agit pas du tout de la même personne.

Cette remarque provoqua un nouveau silence tant elle était pertinente. Ils avaient commencé à s’imaginer des tas de scénarios sur des bases totalement incertaines. Mieux valait laisser ces questions pour plus tard et se concentrer sur ce qu’ils savaient réellement. C’était tout du moins l’approche que souhaitait désormais adopter Serge. En essayant de rassembler tout ce qui avait été dit jusqu’à présent dans son esprit, il remarqua une coïncidence à laquelle il n’avait pas prêté attention jusqu’à présent. Il s’était tellement focalisé sur toutes les informations surprenantes qu’il avait apprises que ce point commun était passé inaperçu.

- Dans ce cas, ce n’est pas la peine de débattre plus longtemps là-dessus, conclut Serge. Par contre, j’ai noté quelque chose d’intéressant. Ton monde, tu l’as bien appelé Ivalice, n’est-ce pas Elian ?
- Oui, c’est bien ça.
- Et bien c’est également le nom que nous donnons à notre planète. J’ai du mal à croire que ce soit une simple coïncidence.
- C’est vrai ? Pourtant, je n’ai jamais entendu parler d’Altéa, ni des autres noms que vous avez cités.
Christy s’était renfermée sur elle-même depuis que Serge l’avait remise à sa place, mais elle n’avait pas cessé de suivre la conversation pour autant. Hésitante et sur un ton d’excuse, elle osa faire une proposition.
- Euh… Serge ?
- Oui ?
- Est-ce que tu aurais une carte du monde chez toi ?
- Oui, bien sûr. Pourqu… mais oui, t’as raison, c’est une super idée ! Je reviens !

Serge s’éclipsa en courant dans une pièce située derrière l’escalier. Elian se tourna vers la jeune fille.
- Ca va ?
- Heu, oui, pourquoi ?
- Serge a été un peu sec avec toi.
- Ah, oui… c’est pas grave. Il a raison, fit-elle avec un sourire forcé.
- Comment ça ?
- Je l’ai !
Serge était de retour dans le salon avec un gros livre qu’il portait à bout de bras, tendu au dessus de sa tête. Sur l’épaisse couverture bleue était inscrit "Encyclopédie Universelle" et une image représentait la planète sous la forme d’une gigantesque sphère. Il déposa le manuel sur la table basse et l’ouvrit directement à la fin. Sur la double page était dessiné un planisphère d’Ivalice. On y reconnaissait aisément les quatre continents principaux. A l’ouest on trouvait le plus imposant de tous, Octares, qui parcourait la carte du nord au sud. C’est sur ce continent que l’on trouvait Altéa. Les trois autres terres émergées portaient les noms d’Ontares, d’Oriares et de Faltares. Au milieu de ces quatre continents reposait l’océan Midares.

- Voilà à quoi ressemble notre planète, Elian, annonça le jeune homme.
- Tu as raison, c’est exactement les mêmes terres que dans mon Ivalice.
Les yeux de la Viera parcouraient la carte dans tous les sens. Elle découvrait enfin quelque chose qui lui était familier. Mais les noms des régions du monde qui y étaient inscrits ne ressemblaient en rien à ceux qu’elle connaissait. De plus, l’échelle était bien trop petite pour que les villes y soient représentées.
- Où est-ce qu’on se trouve, là ? demanda-t-elle.

Enchantée de voir que son idée faisait l'unanimité, Christy reprit un peu confiance en elle et désigna Altéa sur la carte.
- C’est ici, juste en dessous des montagnes.
- Quoi ! Mais ce n’est pas possible ! C’est chez moi ! Rabanastre ! C’est pile à l’endroit que tu me montres.
- Tu veux dire qu’Altéa et Rabanastre sont une seule et même ville ?
- Je ne sais pas. Je n’ai vraiment rien reconnu quand j’étais dans les rues de votre ville l’autre nuance. Je n’ai pas eu l’occasion de m’y attarder longtemps, mais j’aurais quand même dû reconnaître quelque chose !
- C’est bizarre, commenta Serge. Mais on n’est plus à une bizarrerie près. Dis-moi, tu peux nous donner d’autres noms de villes qui existent dans ton monde ?
- Oui, bien sûr ! Il y a les capitales des trois autres continents, Esthar, Archadès et Lindblum.
- Ca ne me dit rien. Et toi Christy ?
- Non, rien du tout. Il y a d’autres villes importantes ?
- Oui, Alexandrie, Tréno, et au sud d’ici, il y a Rosaria.
- Rosaria ? répéta Serge. Ca me dit quelque chose.
- Oui, continua l’étudiante en géographie, j’ai déjà entendu ce nom. Mais où ça ?
- Il faut absolument s’en rappeler ! C’est peut-être important !

Les deux jeunes gens se turent un instant pour réfléchir. Pendant ce temps, Elian continuait de dévorer le planisphère.
- Ca y est, s’écria Christy, je sais !
- C’est vrai ? firent les deux autres en cœur.
- Oui, c’est Lucrécia qui nous a parlé de Rosaria. C’est juste après que ce cri ait retenti dans la caverne. Je n’avais rien compris à ce qu’elle racontait et je n’avais pas fait très attention, mais je me souviens maintenant de sa dernière phrase ! Elle nous demandait de nous rendre à Rosaria dans cinq fluances. Elle a aussi dit qu’on la reverrait là-bas.
- Oui, je me souviens maintenant ! Je ne m’en rappelais pas, mais maintenant que tu le dis. Bien joué Christy !

Il se tourna vers elle et lui fit un sourire comme il ne lui en avait encore jamais fait. La jeune fille était ravie et se sentait un peu mieux. Dans son élan de gaîté, elle voulut lui répondre à sa façon.
- Ah, tu vois, tu ne peux vraiment… commença-t-elle avant de ravaler ses mots.
- Quoi ? lui demanda le garçon.
- Euh non, rien, c’est pas important.
Serge comprit qu’elle s’était retenue pour ne pas le vexer et n’insista pas. Il était content qu’elle ait retrouvé son entrain et ne voulait pas la mettre à nouveau mal à l’aise. Il s’adressa alors à Elian.
- Et alors, où ça se trouve Rosaria ?

La Viera semblait elle aussi heureuse qu’ils se soient réconciliés si rapidement et se laissa gagner par la bonne humeur ambiante.
- C’est juste ici, de l’autre côté de la forêt, au bord du lac de Macalania.
- Je vois, comprit Christy, ça à l’air de correspondre à l’emplacement d’Ozarie. Et ben dis donc, ça fait du bien de comprendre un peu ce qui se passe ! Pas vrai Serge ?

Mais Serge ne l’écoutait plus. Il observait Elian qui venait de se figer, les yeux fermés et le visage sans expression. Ses narines se retroussaient et s’agitaient comme si elle était en train de renifler l’air. Une grimace se dessina sur ses lèvres et elle rouvrit les paupières.
- Quelque chose approche ! Quelque chose de mauvais. Son odeur est nauséabonde. Elle se rapproche fortement de celle qui émane de toi Serge, mais en beaucoup plus fort.
A peine eut-elle le temps de finir sa phrase que quelqu’un frappa à la porte.
- Vite, va te cacher dans le bureau Elian, juste derrière l’escalier. Si quelqu’un te voit ici, on ne sait pas comment ça va finir ! Il y a une armoire, tu devrais pouvoir te glisser dedans.
- Et toi ?
- Je vais aller voir qui c’est. Christy, tu peux rester là si tu veux.
- Ok, fit la jeune fille.

La Viera courut rejoindre la cachette que lui avait indiquée le jeune homme tandis que celui-ci s’approcha de la porte d’entrée. Il regarda par l’œilleton et fut surpris par ce qu’il y vit. Après un court moment d’hésitation, il ouvrit la porte pour accueillir le nouveau venu.
- Bonjour M. Diguel.

samedi 11 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 4

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 4

Serge et Elian se dévisagèrent longuement. La Viera commença peu à peu à relâcher son attitude défensive en constatant que le garçon n’était pas dangereux pour elle, tout du moins tant qu’ils n’entraient pas en contact direct. En le regardant attentivement, elle fut persuadée qu’il était sincère lorsqu’il affirmait ne pas comprendre ce qu’il lui arrivait. Elle-même n’était pas bien sûr de savoir ce qu’il se passait.

- Comment ça Jénova ? lui demanda-t-il. Qu’est-ce qu’il m’arrive ?

Les yeux du jeune homme semblaient supplier pour obtenir une réponse satisfaisante. Il cherchait désespérément une explication à tous les mystères qui lui étaient tombés dessus depuis le début de ce nouveau cycle. Ses questionnements étaient compréhensibles et sa peur légitime. Elle aurait bien voulu le rassurer, mais mieux valait être honnête. Elle lui dirait tout ce dont elle était capable.

- Je ne sais pas comment cela est possible, mais j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de Jénova en toi. Plus j’y pense, plus je suis persuadée que c’est la même odeur.
- Mais qu’est-ce que cette chose fait en moi ?
- Je n’en ai aucune idée. Mais elle semble repousser tout contact avec le myste. J’ai senti une grande force répulsive quand nos bras se sont touchés. Quelque chose de vraiment très puissant.
- Mais pourtant, ce n’est pas la première fois que je vous touche !
- Oui, c’est vrai. Mais tu portais ton armure et tes gantelets à ce moment là, ils ont dû faire barrière. Je pense qu’il faut que le myste rentre directement en contact avec toi pour que ce qui est dans ton corps réagisse.
- C’était donc ça ? Du myste. Ce flux multicolore qui est entré en moi.
- Cela t’est déjà arrivé ?
- Oui, deux fois.
- C’est vrai, je l’ai vu tombé à terre en hurlant lorsque le flux, le myste est entré en nous après le combat contre les loups.

C’était Christy qui venait de prendre la parole. Elle était restée muette depuis tout ce temps, observant attentivement la scène et ne perdant aucune miette de ce qu'ils se disaient.

- Et quand on était dans la grotte, il y a eu un cri. Je voyais pas bien ce qui se passait, mais je l’ai entendu juste après que le flux commence à entrer en moi. C’était bizarre. Mais maintenant, je comprends mieux ce qui s’est passé. Il y avait ce cri horrible mais je me sentais tellement bien que je ne m’en suis pas vraiment inquiétée. Et puis la femme a dit quelque chose que je n’ai pas compris juste avant de disparaître. Le flot d’énergie a cessé de pénétrer mon corps et je me suis retrouvée dans ce champ blanc qui m’a ramenée dans ma chambre. Enfin, tout ça pour dire que je comprends maintenant que ce cri venait de toi. Ou plutôt de ton corps, parce que ce n’était pas ta voix. Comme si c’était cette chose qui hurlait.
- Mais pourquoi je suis le seul à ressentir cette douleur ? Pourquoi est-ce que ce truc est en moi ?

Le désespoir avait envahi Serge. La peur de l’inconnu prenait le dessus et il commençait à ne plus tenir en place. Des larmes cherchaient à couler mais la confusion dans son esprit les retenait au bord des yeux.

- Calme-toi, reprit Elian. Je comprends ton mal-être mais ça ne sert à rien de s’exciter comme ça. Racontez-moi plutôt ce qu’il vous est arrivé. Je pourrai peut-être vous aider à trouver une explication à tout ceci.

Les deux jeunes gens commencèrent alors leur récit. C’était la première fois qu’ils entendaient ce qu'il était arrivé à chacun d’eux avant leur rencontre sur la place. Les évènements qu’ils avaient vécus étaient très semblables à quelques points près. Serge fut très surpris quand Christy raconta sa transformation en archère. Contrairement à lui, elle avait immédiatement su se défendre. N’en rajoutait-elle pas un peu ? Après tout, cela n’avait pas grande importance et il ne voulait pas entamer une nouvelle discussion avec elle. Il commençait à la connaître suffisamment pour savoir que s’il lui faisait une quelconque remarque là-dessus, il y avait de grandes chances pour qu’elle lui fasse subir ses railleries.

Elian écoutait attentivement leur histoire et resta silencieuse tout ce temps. Elle ne voulait pas les interrompre et répondrait à leurs interrogations, du moins celles dont elle avait la réponse, lorsqu’ils auraient fini. Pour ce qui était des explications qu’elle espérait obtenir sur son arrivée soudaine dans cette ville, elle n’en eut aucune. Lorsqu’ils eurent terminé, de nombreuses questions restèrent en suspend pour elle. Mais avant d’essayer d’en apprendre plus, elle s’attacha à leur expliquer d’où leur venait leur pouvoir.

- Eh bien, il y a encore pas mal de mystères autour de tout ceci et j’avoue ne pas y voir beaucoup plus clair. Mais je peux au moins vous aider à comprendre ce qu’il vous arrive. Apparemment, vous n’aviez aucune conscience de l’existence du myste et des possibilités qui en résultent. Je vais essayer de vous expliquer comment fonctionnent les facultés qui se sont réveillées en vous. Par contre, j’ai encore du mal à comprendre leurs origines, mais on y reviendra plus tard. En fait, en tant qu’Humes, vous ne dépendez pas du myste, mais vous êtes capables de le manipuler. Nous, les Mystiliens, pouvons utiliser le myste, mais pas dans les mêmes proportions. L’une des principales caractéristiques du myste est de pouvoir être matérialisé sous différentes formes. C’est grâce à lui que l’on peut créer des sorts, comme le Soin que j’ai lancé tout à l’heure. De la même façon, il est possible de faire apparaître des flammes, des cristaux de glace et bien d’autres choses encore. Mais le myste peut aussi renforcer nos conditions physiques et nous rendre plus endurant ou plus rapide. Les possibilités sont innombrables et dans l’absolu, seule l’imagination limite son emploi. Cependant, les faits sont tout autre et la maîtrise de nouvelles techniques n’est pas si évidente. La théorie là-dessus est assez compliquée. En gros, chacun développe ses pouvoirs en fonction de son vécu et des situations auxquelles il fait face. Mais sans influx de myste, il est impossible d’apprendre quoi que ce soit.

- Un influx de myste ? questionna Serge qui buvait ses paroles à l’instar de Christy.

- Oui, c’est ce qu’il vous est arrivé lorsque vous avez vaincu les loups. Il s’agissait de monstres créés par un myste chargé d’émotions malveillantes. En les tuant, vous avez brisé le lien entre leur corps et le myste qui les avait créés. Le corps est revenu à l’état de particules élémentaires et le myste a été purifié et libéré. A nouveau totalement sain, il a rejoint vos corps. C’est cela que l’on appelle un influx. Lorsque le myste nouvellement acquis est dans l’organisme en quantité suffisante, il est possible de l’utiliser comme support pour y inscrire une nouvelle connaissance, comme un sort ou une technique particulière. Après, le fonctionnement précis m’échappe. D’ailleurs, les Humes et les Mystiliens ne l’utilisent pas vraiment de la même façon. Chez nous, le myste est toujours actif. Au contraire, comme c’est le mako qui maintient les Humes en vie, vous pouvez utiliser le myste comme une ressource secondaire, plus facilement manipulable. Il vous est donc possible de mettre le myste en sommeil. C’est cela qui s’est passé quand ton armure a disparu et que tu t’es retrouvé en pyjama. Voilà, je crois vous avoir à peu près tout dit. J’espère que j’ai été assez claire.

- Euh… ben oui, enfin c’est pas évident tout ça, mais je crois que je comprends mieux maintenant. C’est fou, j’ai du mal à y croire ! Alors c’est le myste qui nous donne toute cette force ! C’est dingue ! Mais je comprends toujours pas ce qui se passe. Tout ça n’existait pas il y a encore quelques lux.

Comme à son habitude, Christy montrait une excitation non contenue mais pour une fois, Serge la comprenait. Ils devaient assimiler tant de nouvelles informations toutes plus incroyables les unes que les autres qu’ils ne pouvaient pas rester de marbre. Mais Elian ne leur laissa pas le temps de réfléchir plus longtemps.

- Pour ma part, c’est cette faible concentration de myste qui m’inquiète. Et mon arrivée dans cette ville m’est toujours aussi mystérieuse. Vous pourriez m’en dire plus sur cette femme que vous avez rencontrée dans cette grotte, après la téléportation ?
- Comme on vous l’a dit, on était quatre dont Serge et moi autour d’elle et elle a posé un cristal par terre. Et puis on a vu du myste entrer dans ce cristal et le flux s’est dirigé vers nous et a pénétré dans nos corps. C’était vraiment très agréable, je ne m’étais jamais sentie aussi bien.
- Et elle vous a parlé ?
- Oui, mais je ne me rappelle pas bien de ce qu’elle a dit. Elle nous appelait ses enfants. Ca m’a marqué parce qu’elle n’avait rien à voir avec ma mère. A part qu’elle était aussi belle, c’est de famille ça !
- Elle a dit autre chose, ajouta Serge, les traits tirés par la concentration. Si je me souviens bien, elle a dit qu’il y a plus de mille centycles, elle nous avait pris nos pouvoirs et qu’elle devait nous les rendre maintenant. C’est là que le flux est sorti du sol. Après ce que vous nous avez raconté, je comprends mieux maintenant. Ce devait être un influx de myste.
- Peut-être, mais je ne vois pas d’où pouvait bien sortir ce myste. Je n’ai jamais entendu parler d’un influx qui sorte du sol. Y’a-t-il encore d’autres choses que vous ne m’avez pas dites ?
- Non, je ne crois pas.
- Et vous n’avez vraiment aucune idée de son identité ?
- La seule info qu’elle nous a donnée, c’est qu’elle prétendait être notre mère. Et qu’elle s’appelait Lucrécia.
- Lucrécia ?
Elian eut un sursaut en entendant ce nom.
- Vous êtes bien sûrs qu’elle s’est fait appeler Lucrécia ?
- Oui, pourquoi ?
- Juste parce que, à moins que ce ne soit une coïncidence, votre soi-disant mère est l’Hume la plus puissante et la plus respectée d’Ivalice.

mardi 7 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 3

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 3


Laissant Christy en compagnie de leur nouvelle connaissance, Serge se précipita dans les escaliers pour rejoindre sa chambre. Au passage, il s’arrêta devant celle de son frère dont il avait laissé la porte ouverte. Xavier était toujours là, allongé dans la même posture, le teint livide. Il ne pouvait toujours rien faire pour lui et cela le désolait. Mais tous les derniers évènements qui venaient chambouler sa vie avaient pris le dessus sur la tristesse qu’il avait accumulée depuis tout ce temps. Une excitation inhabituelle s’était emparée de lui et il ne resta pas plus de trois fractances à observer le corps immobile. Il était trop pressé de rejoindre Elian pour en apprendre plus.

Une fois dans sa chambre, il se changea rapidement tout en prenant soin d’enfiler des vêtements qu’il considérait comme étant suffisamment présentables. Il n’avait aucune envie de subir encore une fois les sarcasmes de Christy. Avant de redescendre, il fit d’ailleurs un détour jusqu’à la glace de la salle de bain, chose qu’il ne faisait jamais en temps normal. Un jeans foncé, une chemisette marron et des chaussettes sombres. Sa pierrelle, suspendue au bout d’une petite chainette dorée, pendait autour de son cou en émettant une douce lueur rouge-matinale. Il ne voyait rien à redire à son look et passa furtivement les mains dans ses cheveux pour les remettre en place. Après avoir plaqué un dernier épi, il rejoignit ses invités qui l’attendaient en bas.

La jeune fille et la femme aux longues oreilles étaient en pleine conversation. En entendant ses pas dans l’escalier, elles se tournèrent vers lui pour le voir arriver.
- Viens écouter ça Serge, c’est fou tout ce que me raconte Elian. Dis donc, t’en as mis du temps à te changer, t’es passé chez l’esthéticienne ou quoi ? Enfin bon, t’as l’air moins endormi maintenant. En tout cas, j’ai appris plein de trucs bizarres. Il parait qu’il existe plein de races différentes, enfin, je veux dire, pas comme les chiens ou les chats, mais des êtres proches des humains mais qui n’en sont pas vraiment. Il parait que les gens comme nous sont des Humes et qu’Elian fait partie des Vieras. Et puis il y a les Vangas qui ressemblent à de grands lézards à taille humaine et qui marchent debout ! Et il y en a plein d’autres comme ça ! Mais je ne comprends pas, j’ai jamais vu de trucs pareils ! Enfin, de gens je veux dire… s’excusa Christy en se tournant vers l’autre femme.
- Tu veux bien la laisser parler ? put finalement placer Serge alors que Christy semblait terriblement gênée d’avoir traitée Elian de "truc".
Le jeune homme s’était arrêté sur les dernières marches de l’escalier pour écouter son acolyte débiter son nouveau flot de paroles. Celle-ci s’étant enfin tue, il se rapprocha des deux femmes.
- Vous voulez boire quelque chose ? demanda Serge en se tournant vers la Viera.
- Oui, avec plaisir, lui répondit-elle.

Il se dirigea vers la cuisine, prit trois verres dans le placard et sortit une grande bouteille de jus d’orange du décondenseur. Cet appareil pouvait réduire la concentration du flux circulant à l’intérieur des compartiments pour conserver les aliments froids. Il plaça tout ceci sur un plateau qu’il transporta jusque dans le salon. Après avoir invité ses hôtes à s’asseoir dans le canapé, il posa les verres sur la table basse et les remplit abondamment du liquide rafraîchissant. Une fois que chacun eut son verre à la main, il s’assit face à elles dans un petit fauteuil de velours. Il fut alors le premier à reprendre la parole.
- J’avoue que je ne comprends toujours pas trop ce qu’il se passe. Comment êtes-vous arrivée ici ?
- Je n’en sais rien… la dernière chose dont je me rappelle avant de me retrouver dans cette rue, c’est d’être chez moi, à Rabanastre. J’ai entendu une grande déflagration et j’ai senti le myste se condenser comme jamais. Et puis d’un coup, je me suis retrouvée ici et très vite, tous ces Humes m’ont encerclée sans que j’ai le temps de comprendre ce qui venait de m’arriver.
- Le myste ? Qu’est-ce que c’est ? questionna Serge.
- C’est un flot d’énergie qui circule dans la terre, dans l’air et dans nos corps. C’est lui qui nous donne la vie. Et c’est aussi lui qui est à l’origine de la magie, comme le sort de soin que j’ai lancé il y a quelques nuances pour me soigner. Ton Premier soin aussi utilise la force du myste.
- J’ai l’impression que cela ressemble beaucoup à notre flux. C’est peut-être ça. Sauf que je n’avais encore jamais vu de magie avant.
- J’ai cru comprendre en voyant vos têtes quand j’ai lancé le sort. Normalement, cette magie blanche n’a rien d’extraordinaire. Mais quelque chose m’inquiète. Je ne sens que très peu de myste par ici. Et j’ai aussi l’impression qu’une énergie maligne rôde dans les parages. Nous, les Vieras, ressentons très précisément les mouvements du myste et les sentiments dont il est chargé. Et il se fait très rare dans cette ville. Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas plus de Mystiliens.
- Des Mystiliens ?
- Des êtres du myste. Ce sont tous ceux qui sont créés par le myste et qui vivent grâce à lui. J’en fais partie. Pour ce qui est des Humes comme vous, ce sont des êtres intelligents qui ne dépendent pas du myste mais du mako.
- Le mako… ce doit être lui, notre flux, conclut Serge.

Un court silence s’instaura puis Elian reprit la parole.
- Dites-moi, avez-vous déjà entendu parler de Jénova ?
- Jénova ? fit Christy, non jamais, pourquoi ? Qu’est-ce que c’est ?
- Serge ? Qu’y a-t-il ? demanda la Viera.
En effet, le garçon était plongé dans ses pensées, comme cela lui arrivait souvent. Jénova. Il avait déjà entendu ce nom. Lorsque la voix l’avait prononcé pour la première fois, il pensait encore qu’il était en plein rêve. Mais maintenant, il savait qu’il n’en était rien. Ce mot était bien réel.
- Oui, j’en déjà entendu ce nom. Mais je n’ai aucune idée de qui c’est.
- Si vous ne savez pas ce qu’est Jénova, c’est qu’il se passe vraiment quelque chose que je ne comprends pas. J’ai l’impression que tout ce qui existait dans mon monde a disparu. Comment est-ce possible, comme ça, en une fractance ?
- Elian, dites-nous qui est Jénova. Peut-être est-ce comme pour le flux, nous n’utilisons juste pas les mêmes mots.
- D’accord. Jénova est une entité qui est apparue il y a un demi centycle et qui dévaste tout sur son passage. En réalité, personne ne sait vraiment ce qu’elle est. Tout ce que je sais, c’est qu’elle peut prendre toutes les formes qu’elle souhaite et que sa taille est inimaginable. J’ai déjà eu l’occasion de la voir de mes propres yeux, mais je serai incapable de la décrire. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle dégage une odeur de myste phénoménale et qu’elle sent le mal sous toutes ses formes. Depuis son arrivée, Ivalice est plongé dans le chaos et personne ne sait comment l’arrêter.
- Je n’ai jamais rien entendu de tel, affirma Serge. Et toi Christy ?
- Non, moi non plus, fit-elle dubitative.
- Si une telle chose existait dans votre monde, vous le sauriez.
- Dans notre monde ? s’étonna Serge. Vous pensez que nous sommes de deux mondes différents ?
- Je ne sais pas, c’est la seule explication que j’ai pour le moment. Mais je n’ai aucune idée de la façon dont je me suis retrouvée ici. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a énormément de différences entre l’endroit d’où je viens et ici. Que ce soit en ce qui concerne l’absence de Jénova, mais aussi la faible quantité de myste que je ressens dans l’air.
Elian prit quelques instants pour réfléchir et finit d’une seule traite le jus d’orange qui restait au fond de son verre. Les deux autres avaient déjà fini le leur et Serge commença à rassembler la vaisselle sur le plateau. C’est à ce moment qu’il frôla le bras de la Viera.

Une douleur atroce et maintenant familière lui traversa la poitrine. Un cri. Mais cette fois-ci, il ne retentit pas dans sa tête. Ce fut la voix d’Elian qui résonna dans la pièce. Le garçon vacilla. Le plateau glissa de ses mains et les verres vinrent se briser sur le carrelage. Titubant en arrière, il se laissa tomber et se retrouva assis au milieu du salon. La douleur se calma.

Se relevant brutalement du canapé, la femme recula pour s’éloigner de Serge tout en lui faisant face. Entre les deux, Christy était restée assise et cachait sa bouche derrière ses mains pour réprimer un cri de frayeur. La Viera était en pleine crise de panique.
- Ce n’est pas possible ! Qu’est-ce que tu es ? Sur le myste, je n’ai jamais ressenti une sensation aussi violente !
Au sol, Serge n’avait déjà plus mal. S’habituait-il à cette horrible sensation qui le parcourait ? Qu’est-ce qui pouvait bien l’avoir déclenchée cette fois-ci ? Le contact avec le bras de cette étrange femme venue de nulle part ? Pourquoi ? Tant de questions se chamboulaient dans sa tête qu’il lui était impossible de s’arrêter sur l’une d’elles pour y réfléchir correctement. Et Elian semblait tout aussi déstabilisée que lui, peut-être même plus.
- Qu’y a-t-il ? osa demander Serge. Que s’est-il passé ?
- Cette sensation, cette haine… je n’ai jamais ressenti ça avant. Si ce n’est… non, ce n’est pas possible !
- Quoi ?
- J’ai déjà senti quelque chose d’approchant, bien que la source était plus éloignée de moi.
- Et qu’est-ce que c’était ?
- Jénova…