dimanche 30 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 3

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 3


- Qu’est-ce que… qu’est-ce que c’est ?

Le bout de ses doigts parcourant toujours la blessure, il cherchait une réponse dans les yeux de la Viera. Seuls les reliefs irréguliers qu’il pouvait sentir et le dégoût qu’il percevait dans l’attitude de ses partenaires pouvaient lui donner une idée de la gravité de son état. Des lignes verdâtres sillonnaient sa joue, s’entrecroisant dans d’infinis méandres, invisibles à son propre regard. La panique le gagnant peu à peu, il saisit sa peau meurtrie et la tira pour tenter de la faire rentrer dans son champ de vision, mais sans résultat. Elle avait perdu de son élasticité et lorsqu’il relâcha la chair, il commença à ressentir les premières sensations véritablement désagréables. Sa joue avait gonflée et il la sentait s’appuyer contre sa mâchoire, protubérance inconfortable qui s’installait à l’intérieur de sa bouche. Mais il ne ressentait aucune douleur, comme s’il avait été anesthésié, et son sang ne coulait pas. Cependant, en promenant ses doigts plus longuement sur les veines proéminentes, il put le sentir tressaillir, comme pris de soubresauts. Vu de l’extérieur, cela pouvait ressembler à des spasmes, bien que ce ne fût pas ses muscles qui se contractaient.

Il se demandait encore comment une telle chose était possible lorsqu’Elian, restée tout ce temps immobile à le regarder, confia.
- Je ne suis pas sûre de savoir ce que c’est…
- C’est encore Jénova qui me fait ça ?
- Ne dis pas de bêtises, intervint Christy, comment est-ce qu’elle pourrait te faire ça ?
- Je n’en sais rien, comment veux-tu que je le sache ? Ce truc est bien dans mon corps et je ne sais même pas comment il y est entré, alors pourquoi pas, hein ? C’est peut-être une conséquence de cette douleur que je ressens quand ce flux bizarre, ce myste, entre en moi.
- Je ne crois pas que ce soit ça, trancha Elian.
- Tu vois ! lança Christy qui avait troqué sa grimace contre un sourire triomphant.

Un court silence s’instaura au cours duquel la jeune fille comprit que son intervention était malvenue. Gênée, son visage retrouva rapidement son air inquiet.
- Bon, qu’est-ce que c’est alors ? reprit Serge, agacé.
- Je pense que c’est cette abeille. Elle t’a touché, n’est-ce pas ?
- Euh… oui, tout à l’heure, elle m’a heurté en plein ventre. J’ai cru que j’allais mourir asphyxié ! Tu as dû voir, non ?
- Oui, j’ai vu, mais ton armure t’as protégé à ce moment. Non, je veux dire au niveau de ta blessure. Ca ne serait pas elle qui t’aurait griffé le visage avec son dard ?
- Je ne crois… attends, si, juste après, elle m’a attaqué et j’ai plongé pour l’esquiver. Mais je crois qu’elle m’a eu. Oui, c’est ça, c’est bien là qu’elle m’a touché !
- Oui, c’est ce que je pensais. Et elle t’a probablement inoculé un poison en même temps.
- Du poison ?
- Oui.
- Et qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda Christy, qui semblait véritablement anxieuse désormais.
- Je ne sais pas… Je n’ai pas les compétences pour soigner ce genre de poison. D’autant que je ne sais même pas de quel poison il s’agit. Tu ne ressens rien de désagréable ?
- Non, ça va. C’est juste enflé et un peu gênant, mais rien de plus.
- Oui, enfin, c’est quand même vachement vert ce truc ! ajouta Christy.
- Vert ?!
- Euh… oui, enfin, c’est pas si terrible que ça… le rassura-t-elle, regrettant son manque de tact.
- Comment ça vert ? insista Serge.
- Ben euh… ton sang. Il est vert. Enfin, juste un peu, autour de la plaie.
- C’est pas vrai, tu te fiches de moi ! Elian ?
- Elle a raison, c’est vrai. Désolé.
- Désolé… répéta la jeune fille.

Mais la façon dont celle-ci abordait les choses avait le don d’énerver Serge. Il venait d’être empoisonné et elle trouvait le moyen de se moquer de lui. Décidément, il ne pourrait jamais la supporter et ses excuses n’y changeraient rien.
- Bon, qu’est-ce qu’on peut faire ? questionna-t-il, impatient.
- Il faut trouver quelque chose pour soigner ça.
- Et qu’est-ce qu’on doit trouver ?
- Je ne sais pas, je t’ai dit que je ne connaissais pas suffisamment les poisons.
- Ok, et combien de temps on a, qu’est-ce qu’il va m’arriver si on ne soigne pas ça ?
- Désolé, je ne sais vraiment pas. Il y a beaucoup de poisons différents et je n’ai aucune idée duquel il s’agit.

Ils se regardèrent tandis que la colère commençait à monter en Serge. Une substance étrangère était en lui et personne ne savait comment l’aider. Il aurait tout aussi bien pu être seul, cela n’aurait rien changé. Il avait beau apprécier Elian, il s’était mis en tête qu’elle était capable de tout lui expliquer et que ce genre de chose n’avait aucun secret pour elle. Il se rendait maintenant compte que ce n’était pas le cas. A cet instant précis, il ne put réprimer de la rancœur envers elle.
- D’accord, d’accord, j’ai compris, fit-il en se levant. Allez, on y va, pas la peine de rester ici plus longtemps.
- Mais Serge, il faut que… commença Elian.
- Que quoi ? lança-t-il violemment. S’il n’y a rien à faire pour ça, on ne va pas rester là à se lamenter sur mon sort. Mon frère est toujours entre les mains de ce sale type, par ma faute qui plus est, alors je ne m’arrêterai pas tant que je ne l’aurai pas retrouvé. Vous me suivez si vous voulez, mais moi j’y vais.

Sur ces mots, il leur tourna les talons et s’éloigna d’elles. Elles s’échangèrent des regards inquiets, surprises par ce brusque changement de comportement. Ne sachant comment le calmer, elles le suivirent en silence, attendant un moment plus propice pour remettre le sujet sur la table. Elian reprit la tête du cortège, indiquant la route car elle était la seule à être véritablement capable de s’orienter dans cette forêt, ses sens de Viera lui indiquant le sud.


Ils progressaient dans le silence. La mi-flux était passée et le rouge pur caractéristique de la mi-Prima commençait à décliner, arborant un ton de plus en plus pastel. Dans une huitaine de luxances, le ciel prendrait une teinte orangée et Orana, la deuxième fluance du cycle, pourrait débuter.

La mauvaise humeur de Serge n’avait pas disparu, mais la marche et le calme qui avait saisi le groupe depuis leur départ l’avait tout de même calmé. A vrai dire, il était plutôt préoccupé par sa blessure et ne cessait de l’effleurer. Il avait la désagréable impression qu’elle avait gagné du terrain, mais il se persuadait qu’il était paranoïaque et qu’il ne fallait pas qu’il s’inquiète pour ça. Cependant, comment ne pas s’inquiéter ? Elian lui avait dit qu’il avait été empoisonné et même si elle n’en savait pas plus, cela ne présageait rien de bon. Mais pour le moment, il ne souffrait pas, ce qu’il considérait comme un bon point. Peut-être qu’il ne s’agissait en fin de compte que d’une infection minime. Pour le moment, il ne pouvait qu’attendre.

Ils avançaient en file indienne, laissant un minimum d’espace entre eux, ne voulant pas se retrouver une nouvelle fois pris par surprise et séparés par une autre bestiole surgissant de nulle part. Autour d’eux, la végétation se faisait moins dense et leur progression en était facilitée. Observant la Viera devant lui, Serge remarqua l’étrangeté de sa robe car elle semblait virevolter d’elle-même afin d’éviter les obstacles qui risquaient de s’y accrocher. Quand il y avait peu de place pour avancer, le tissu blanc se plaquait contre sa peau, tandis qu’il devenait plus ample lorsqu’il y avait plus d’espace autour d’elle. Mais à vrai dire, cela ne le surprenait pas tellement lorsqu’il considéra l’étrangeté de ses propres habits.

Alors que le garçon passait distraitement sa main sur sa joue qui se contractait au rythme des battements de son cœur, Elian s’arrêta. S’en apercevant, Serge lui demanda.
- Qui y a t-il ?
- Chut…
- Hein ?!
- Tais-toi, écoute.
Il la rejoignit et tendit l’oreille. Christy arriva à leur hauteur.
- Pourquoi vous vous êtes…
- Chut !
Tous les trois se turent, mais aucun son ne parvint aux oreilles des deux jeunes étudiants. Serge murmura.
- Tu entends quelque chose ? Que se passe-t-il ?
- Vous n’entendez rien ? Des voix. Des voix d’hommes. Suivez-moi, sans bruit. On va essayer de s’approcher.

Plus prudents que jamais, ils avancèrent à petit pas, soucieux de ne pas faire craquer la moindre brindille sous leurs pieds. Au fur et à mesure qu’ils suivaient la Viera, des voix se laissaient deviner. De plus en plus distinctes, Serge distingua des mots, puis des phrases entières.
- Allez, arrêtez de râler et magnez-vous le train !
- Oui, on arrive. Mais c’est pas la peine d’aller trop vite. Ca ne sert à rien de traverser la forêt sans chercher un minimum !
- Ecoute, nous, on nous a demandé de parcourir les sentiers pour les rattraper. S’ils ont pris ce chemin, il n’y a pas de temps à perdre. Il faut les retrouver le plus vite possible. Chercher dans les bois, c’est pas notre job. Alors bougez-vous !
- Oui, c’est bon, on a compris. Mais ça m’étonnerait fort qu’ils ne se soient pas cachés dans la forêt. Surtout s’ils ont cette créature avec eux. On nous a bien dit que la forêt, c’est son élément, non ?
- Oui, je sais, mais on exécute les ordres et puis basta. Compris ? Les autres s’occupent de fouiller la forêt.
- Ok, ok, c’est toi le chef après tout.
- Bon, maintenant, la ferme, avec le boucan que tu fais, même si on les rattrape, on va avoir du mal à mettre la main dessus. Ils vont nous entendre à des kilomètres !

Lorsque les voix avaient été suffisamment intelligibles, les trois compagnons s’étaient arrêtés pour ne plus faire de bruit et écouter attentivement. Maintenant, ils n’entendaient plus que les pas d’un groupe qui marchait sur un chemin de terre. Lorsque les hommes furent partis à une distance raisonnable, Christy osa poser une question.
- Vous croyez que c’est nous qu’ils cherchent ?
- Sans aucun doute, répondit Serge.
- Et la créature…
- C’est moi, affirma Elian. Les Vieras sont connues pour être une race très liée au myste et à la nature. C’est dans les bois que nous nous sentons le plus en harmonie. C’est pour ça qu’il a dit que j’étais dans mon élément ici.
- Mais comment peuvent-ils déjà être à notre recherche ? ajouta le garçon. Je veux dire, cela ne fait que 4 lux que nous sommes partis. Ils ne peuvent pas avoir déjà lancé des battues ! Il faudrait d’abord que quelqu’un signale notre disparition. Il est encore trop tôt pour ça !
- Je ne crois pas que cette battue soit organisée suite à l’annonce de votre disparition.
- Comment ça ? Pourquoi nous chercheraient-ils ? demanda Serge à la Viera.
- Tu as entendu ce qu’ils ont dit, non ? Ils ont plutôt l’air d’être à notre poursuite qu’à notre recherche. Et comme tu l’as dit, il serait encore trop tôt pour que vous soyez signalés disparus.
- Peut-être que quelqu’un nous a vu partir dans la forêt, proposa Christy. Faut dire qu’on n’a pas été vraiment discret en courant après ce type !
- Oui, c’est possible, approuva Elian. D’autant que dans ce monde, votre attirail et ma simple présence ne semble pas passer inaperçu. Mais je me demande tout de même comment cet homme savait tant de chose sur les Vieras.
- Toujours est-il que nous sommes sûrs qu’il ne faut pas nous promener sur ce sentier maintenant, rappela Serge.
- Oui, mais d’autres personnes fouillent la forêt. Il va falloir être sur nos gardes, plus que jamais, insista Elian.
- Ok. Mais il ne faut pas perdre de temps pour autant. Lucrécia a dit qu’il fallait être à Rosaria dans 5 fluances, ce qui fait qu’il faudrait être là-bas avant la fin d’Azura.
- Oui, si votre ville et mon Rabanastre sont bel et bien les mêmes cités, c’est faisable, mais il ne faut pas traîner.
- Tu as raison, et j’espère aussi que Rosaria est bien la même ville qu’Ozarie. Bien, allons-y.

Serge allait se remettre en route quand Elian l’arrêta.
- Juste un instant s’il te plait. Tu es parti si vite l’autre nuance que je n’ai pas eu le temps de te soigner.
- Comment ça me soigner, tu m’as dit que tu ne savais pas soigner ce poison.
- Oui, peut-être, mais tu as pris des coups et ton visage est griffé de partout. Laisse-moi arranger ça.
- D’accord. Au fait… pardon pour mon comportement. Je suis sur les nerfs en ce moment.
- Ne t’en fais pas, nous comprenons. Et à ce propos, je voulais aussi te dire, ne te rend pas responsable de ce qui est arrivé à ton frère, ce n’est pas de ta faute.
- Facile à dire… C’est moi qui l’ai laissé monter alors que tu m’avais prévenu. Je n’ai pas su le protéger !
- Arrête. Tu sais bien que d’une façon ou d’une autre, il aurait trouvé un moyen d’arriver à ses fins. Ne culpabilise pas. C’est une faiblesse que tu dois combler, ou il risque de l’utiliser contre toi. Tout ce qui compte, c’est l’amour que tu portes pour ton frère et la détermination que tu mets pour le retrouver. Et tu es vraiment épatant pour ça. Je suis fière de toi, alors ne faiblit pas.
- Merci…
La gêne se sentait dans la réponse du garçon, mais il lui était reconnaissant pour ce qu’elle lui avait dit.
- Bien, maintenant, montre-moi ton visage.

Tandis qu’ils se regardaient avec tendresse et complicité, elle fit apparaître son bâton. La lumière blanche habituelle apparut et le corps de Serge commença à rayonner. Bientôt, les blessures allaient se résorber, comme lorsque la Viera s’était soignée après avoir été martyrisée par un des habitants d’Altéa.

Mais le sort n’eut pas l’effet escompté. Au lieu de disparaître, les griffures restèrent tel quel et la balafre sur la joue se mit à rougeoyer. Une brûlure intense saisit le garçon qui ne put s’empêcher de porter sa main à sa blessure tout en grimaçant de douleur. Un long et pénible gémissement sorti de sa gorge qui ne s’arrêta que lorsque le corps cessa de briller sous l’action du sortilège. Serge, qui avait clos ses paupières lorsque la chaleur avait envahi sa plaie envenimée, les rouvrit pour découvrir Christy sous le choc et Elian interloquée. Les yeux du garçon réclamant une réponse, la Viera se ressaisit et parvint à expliquer.

- Je sais maintenant de quel poison il s’agit. C’est ce que l’on appelle un fléau.
- Un fléau ? Mais qu’est-ce que c’est que ça encore ?
- Cela signifie que tant qu’on ne t’aura pas purifié de ce venin, ton corps sera incapable de se régénérer.

dimanche 16 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 2

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 2


- Elian !
Tout en s’écriant, Serge s’élança dans la direction où la Viera avait disparu. Ignorant les doigts griffus qui se dressaient sur son passage, extrémités acérées ornant les branches et les tiges enchevêtrées, il traversait les obstacles d’un pas agile, évitant les racines noueuses et les pièges de ronces. Ses joues se fendaient d’écorchures sanguinolentes, mais il n’en avait que faire. Derrière lui, il entendait Christy qui le suivait, elle aussi plus habile que jamais pour progresser vers ce qu’ils avaient reconnus comme un appel au secours.

Jamais une distance si courte ne lui avait semblé si interminable à parcourir. Ses pas le portaient tout seul, mais il ne cessait de se demander à quelle épreuve il devrait encore faire face. "Vite ! Plus vite !". Il n’avait aucune idée de ce qui l’attendait, mais il savait qu’Elian était en danger et c’était la seule chose qui comptait. D’où lui venait cette empathie, lui qui était toujours resté seul toute sa vie, lui qui n’avait jamais cherché à lier contact avec qui que ce soit ? La question survola à peine son esprit, seule la survie de sa nouvelle amie importait désormais. Encore quelques enjambée et il aurait rejoint l’endroit où elle s’était tenue quelques fractances plus tôt.

Le son qu’il avait entendu peu de temps auparavant avait ressurgi, d’abord très lointain, puis de plus en plus distinct. En réalité, il s’en rapprochait, à mesure qu’il rejoignait sa destination. Un bourdonnement. Oui, c’était bien cela, un bourdonnement. Le bruit que pourrait faire un insecte en agitant ses ailes si vite qu’elles en devenaient invisibles. Mais jamais ce phénomène n’avait atteint une telle amplitude, un tel volume sonore. Quelle monstruosité allait-il découvrir ?

Cet arbre. Oui, c’était bien là qu’il l’avait vu pour la dernière fois. Le son. Un peu plus loin, sur la gauche. Reprise de la course effrénée.

Il ne fallut que quelques pas. A quelques mètres de lui, à moitié cachée par un arbre, il distingua le tissu blanc, contrastant étrangement avec l’écorce et le feuillage environnant. Ne stoppant à aucun instant, redoublant même d’effort maintenant que son objectif était à portée de vue, Serge fusait à travers la végétation qui ne trouvait plus aucun moyen pour gêner sa progression. Il n’était plus qu’à dix mètres de la guérisseuse, allongée au sol, le haut du corps toujours dissimulé par un tronc ancestral. En un regard, il aperçut ce qui menaçait son amie. A plus d’un mètre au dessus du sol, une abeille monstrueuse était en vol stationnaire. Son corps avait la taille d’un mouton et le dard qui menaçait la Viera aurait pu servir de pointe à un javelot.
Cinq mètres. Sur la distance qui lui restait à parcourir, peu d’obstacles risquaient de s’interposer. Dans sa main droite, un jeu de lumière éblouissant laissa la place à la même épée qui lui avait déjà servi plusieurs fois à présent.
Trois mètres. La monstruosité s’élançait vers la robe blanche. Le bois torsadé du bâton d’Elian, surgissant de derrière le vieil arbre, se dressa vers l’insecte.
Deux mètres. Un éclat surgit du bâton tandis que la créature continuait de fondre sur sa proie.
Un mètre. Serge se jeta en avant.

Le buste du garçon s’interposa entre l’éperon et le bâton. La lame argentée de l’épée ricocha sur l’aiguillon qui fut dévié et termina sa course dans le vide. Mais l’abdomen chitineux heurta de plein fouet le jeune combattant et tout deux roulèrent au sol. Dans le même instant, deux sphères cristallines apparurent. L’une autour de la Viera, toujours étalée, un coude sur la terre aride, l’autre bras tenant encore son bâton en l’air. La seconde entoura Serge et l’abeille tueuse alors que leurs deux corps venaient de s’entrechoquer. La fractance suivante, les multiples facettes qui constituaient la bulle de lumière explosèrent et s’évanouirent aussi précipitamment qu’elles étaient apparues.

Le bourdonnement n’avait jamais été si puissant, le garçon sentait les ailes s’exciter et lui heurter le visage à une vitesse hallucinante, comme une succession de gifles ininterrompues. La douleur était intense mais bien plus supportable que la désagréable impression de l’insecte se débattant pour s’échapper, ses pattes grouillantes s’articulant contre lui. Sans s’en rendre compte, il avait ceinturé la monstruosité, l’empêchant de s’envoler. Il relâcha son étreinte et sentit immédiatement le poids qui l’écrasait disparaître. L’abeille s’éloignait de lui, mais il était certain qu’elle n’abandonnait pas la partie. Il se redressa, frotta du revers de la main ses joues meurtries par les innombrables claques qu’il avait reçues et se prépara à couper en deux l’horreur qu’il allait devoir affronter. Devant lui, le monstre fit demi-tour et s’immobilisa dans les airs, les ailes transparentes et nervurées battant l’air frénétiquement, émettant toujours leur son assourdissant.

Surgissant de nulle part, une flèche atteignit le thorax de l’insecte volant. Mais l’armure naturelle de la créature était très résistante et le trait ne l’effleura que très superficiellement avant de tomber sur le sol, éjecté par le battement invisible mais bien réel des ailes du monstre. Serge jeta un coup d’œil sur la gauche, là d’où semblait provenir la flèche et reconnu Christy à travers le feuillage. Entre les deux combattants, la forme blanche parsemé de lignes rouges de la Viera se redressait.
- Merci, fit-elle, vous êtes arrivés juste à temps !

Mais ils n’eurent pas le temps de répondre car l’abeille démesurée avait déjà repris l’affrontement. Ne semblant même pas avoir remarqué l’archère, sa cible était claire et nette. Ce serait Serge qu’elle tuerait en priorité. Sans doute parce qu’il était l’adversaire qui l’avait vraiment mise en difficulté, si tant est qu’une telle créature était capable d’agir avec discernement. Mais peu importait, le garçon était prêt à se défendre et à en découdre avec cette erreur de la nature. L’abdomen strié de jaune et de noir en avant, le dard prêt à frapper, l’insecte chargea dans un vrombissement étourdissant.

Refusant de subir l’assaut sans bouger, Serge se propulsa en avant, la pointe de son épée en arrière, le plat de la lame contre son flan. A peine ses pieds eurent-ils décollé du sol, il allongea le bras devant lui et balaya l’espace dans lequel l’abeille venait de pénétrer. La pointe de son arme entra en contact avec l’aiguillon meurtrier, mais aucun des deux ne céda. L’élan précipita encore une fois les adversaires l’un contre l’autre tandis que le frottement du métal contre la carapace produisit un craquement repoussant. Une douleur élança le garçon dans le bas ventre et il se figea, le souffle coupé par le choc. Il tomba à genou, laissant son assaillant reprendre son envol.

Une boule s’était formée dans sa gorge et l’air ne trouvait plus d’accès pour emplir ses poumons. Pris de panique, il porta ses mains à sa gorge dans l’espoir que cela l’aiderait à retrouver son souffle, mais en vain. Le temps semblait ne plus avancer alors que d’infimes bouffées d’oxygène se frayaient un chemin jusqu’à ses poumons en émettant un râle rauque. Il n’avait plus aucune conscience de ce qui l’entourait, toutes les ressources de son être étant réquisitionnées pour rétablir cette fonction simple mais pourtant indispensable à sa survie. Peu à peu, il sentit l’air circuler de mieux en mieux dans son organisme, sensation qu’il n’avait jamais ressentie à ce point, ne s’en étant jamais réellement préoccupé. Son ventre se soulevait à nouveau à un rythme qui n’était toujours pas régulier bien que rassurant. Alors qu’il revenait lentement à la réalité, il entendit un cri probablement poussé par Christy.
- Attention !

Il releva la tête juste à temps pour voir le dard couleur ivoire fondre sur son visage. Réagissant instantanément, il se coucha sur le côté pour esquiver l’attaque mais sentit une griffure violente sur sa joue. Ignorant la douleur, il se redressa et chercha l’insecte des yeux. Il ne fut pas difficile à repérer. En l’observant, il s’aperçut d’une chose qu’il n’avait pas encore repérée. Tout comme on remarque un bruit de fond au moment ou il disparaît, il vit le monstre perdre de sa luminosité, comme si une source de lumière venait de s’éteindre en lui. A cet instant précis, Elian s’écria.
- Ca y est, c’est le moment, Carapace s’est dissipé !
Comme en réponse à cette annonce incompréhensible, la voix de Christy se détacha.
- J’y vais !

Serge eut tout juste le temps de voir la jeune fille décocher une flèche, mais celle-ci était différente des autres. De la pointe à l’empennage, elle émanait un halo obscur qui laissait comme une trainée derrière la trajectoire du projectile. Comme toujours, l’archère fit mouche et la cible fut atteinte en pleine tête, entre les deux antennes. Le voile sombre se propagea alors et recouvrit les grands yeux noirs de la créature. Affolée, elle commença à se tordre dans tous les sens en donnant des coups d’éperon dans le vide, incapable de voir quoi que ce soit. Elle était atteinte de cécité. Il lui était désormais impossible de garder une position stable, oscillant entre le sol et les premières branches, heurtant la terre en soulevant un nuage de poussière ou frottant ses ailes contre les branchages, lui faisant perdre son équilibre aérien. Bientôt, elle se retrouva sur le sol, cessant ses mouvements désespérés pour se repérer dans cet espace devenu invisible à ses yeux. Elle se mit à marcher sur le sol, déplaçant ses antennes avec minutie, tantôt sur la flèche qui ornait toujours son front, tantôt sur les racines qui recouvraient le sol. Serge restait immobile, observant le comportement de l’abeille gigantesque, abasourdi par ce nouveau retournement de situation.
- Qu’est-ce que tu fais Serge, magne-toi ! C’est à toi maintenant, achève-la !

C’était Christy qui venait de lui crier dessus. Reprenant conscience des évènements, il leva les yeux vers la jeune fille en guise de réponse et courut pour rejoindre le monstre. Entendant les pas précipités de son adversaire, la créature se tourna vers lui et tenta de reprendre son vol pour lui faire face. Mais Serge fut trop rapide. En un saut, il se retrouva sur le côté de l’insecte et abattit sa lame à l’endroit le plus fin de l’exosquelette, entre le thorax et l’abdomen. Le corps fut écrasé par le poids du métal, le tranchant de l’arme passant entre l’armure naturelle de l’insecte pour finalement le couper en deux. Les deux parties tombèrent lourdement sur le sol avant de disparaître, les particules élémentaires retournant à leur état primaire, invisible dans l’atmosphère de la planète. C’est du moins ce que leur avait expliqué Elian. A la place du monstre, un flux coloré apparut et s’éleva à quelques mètres au dessus du champ de bataille. Il tournoya un instant avant de se diviser en trois filaments multicolores qui rejoignirent les trois survivants de l’affrontement. Serge fit un pas en arrière, effrayé car il savait ce que cela signifiait pour lui. Mais il savait aussi qu’il ne pourrait pas y échapper et attendit que le myste s’insinuât en lui. Comme toujours, le premier contact fut rafraîchissant et envoûtant. Mais très vite, la douleur se réveilla et il ne put réprimer un grognement de douleur. L’intrus était plus que jamais présent au fond de ses entrailles et luttait contre cet influx de myste qui tentait de pénétrer à l’intérieur de son hôte. Mais Serge refusait de s’évanouir à nouveau, il savait désormais qu’il lui fallait affronter cette souffrance et tout faire pour ne pas y céder. Ses jambes flageolèrent sous lui et il ne put s’empêcher de poser un genou à terre. Mais il tenait bon et l’influx avait presque entièrement disparu sous son armure. La douleur s’apaisa et se tut complètement. Son corps crispé se détendit, son dos se courba et il posa les mains sur le sol, son cou ne supportant plus le poids de sa tête qui ballottait entre ses épaules. La respiration profonde, il entendit ses deux amies le rejoindre en courant.

- Serge, tu vas bien ?
- Répond-nous, allez ! Répond-nous !
Il ne répondit pas tout de suite, reprenant ses esprits. Des mains les secouèrent.
- S’il te plaît, répond-moi !
D’un mouvement d’épaule, il se dégagea des secousses incessantes et montra du même coup qu’il était encore lucide.
- Ouf ! Tu vas pas nous faire le coup à chaque fois pyja-gars !
Serge voulut répliquer mais il se retint, comprenant l’ironie dans la voix de Christy. Il préféra alors se prêter au jeu. Redressant la tête, il lui adressa un sourire narquois.
- Je m’améliore quand même, tu ne trouves pas ?

Mais sa réponse n’eut pas l’effet escompté. L’expression de la jeune fille s’était transformée en grimace d’horreur. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, il se tourna vers Elian qui, même si sont visage se voulait plus rassurant, ne pouvait cacher son angoisse.
- Qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce qu’il vous arrive à toutes les deux ?
- Ta… ta joue, fit Christy, désignant du doigt l’endroit qui semblait l’effrayer.

Les yeux interrogateurs, il posa sa main sous sa tempe gauche et sentit une plaie qui lui barrait la joue. Tout autour d’elle, les veines avaient gonflé et serpentaient à la surface de sa peau. Mais cette blessure n’aurait pas été si inquiétante si le sang qui circulait dans cette zone n’avait pas pris une étrange couleur verte.

samedi 1 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 1

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 1


Cela faisait déjà plusieurs luxances que le petit groupe avançait péniblement dans l’environnement hostile de la forêt. Ecartant les branchages avec de grands gestes prudents, il n’était pas rare qu’ils se griffent le visage avec les épines des ronces qui se mêlaient aux branches basses. Elian, malgré sa taille – elle dépassait d’au moins une tête ses compagnons – était de loin la plus agile des trois. La seule égratignure qu’elle avait à déplorer sur sa joue était due à un brusque retournement lorsqu’elle avait entendu Christy crier. Celle-ci s’était maladroitement prise les pieds dans une broussaille et avait trébuché, entraînant dans sa chute les plantes épineuses auxquelles elle avait désespérément essayé de se rattraper. Elle s’était affalée de tout son long sur la mousse qui, recouvrant les racines sortant ça et là de la terre sèche, avait accueilli sa chute sans réellement l’amortir. Heureusement pour elle, elle avait revêtu son habit d’archère car le short et le t-shirt qu’elle portait n’étaient guère adaptés à leur randonnée forestière. Serge aussi avait conservé son équipement magique qui remplaçait fort agréablement sa chemisette dans un tel endroit. Jusqu’à présent, ils n’avaient jamais décidé volontairement de faire apparaître leur arme et leur armure et le phénomène s’était produit sous l’effet de la colère. Mais lorsque la jeune fille tenta de se changer sur les conseils de la Viera, elle n’eut aucune difficulté à obtenir ce qu’elle souhaitait. Quant à Serge, il n’avait pas retrouvé son état normal depuis qu’il avait poursuivi M. Diguel et à aucun moment il n’eut à se préoccuper de garder cette apparence. Il réussit même à faire disparaître son épée après que son amie ait fait de même avec son arc et son carquois, toujours sur les recommandations d’Elian. Il n’avait eut qu’à le vouloir pour qu’elle se volatilise dans un léger voile lumineux.

Serge dut expliquer aux deux filles qu’ils avaient pénétré dans la forêt bien loin des sentiers aménagés par les chasseurs mais qu’ils devraient en croiser un à moment ou à un autre. Cependant, cela faisait plus de deux luxances qu’ils étaient partis et qu’ils n’avaient toujours rien vu. De toute façon, ils avaient déjà eu une discussion sur le fait de ne pas voyager à vue. En effet, Christy n’ayant de cesse de se lamenter sur l’inconfort de la situation et clamant haut et fort qu’ils auraient mieux fait de réfléchir avant de s’enfoncer dans cette forêt, Serge se creusa la cervelle pour trouver un argument assez convaincant pour la faire taire. Finalement, il en trouva un qui le convainquit au point de l’inquiéter.

- Ecoute Christy, de toute façon, mieux vaut ne pas trop se faire voir.
- Ah oui, et pourquoi ça, hein ? Dis-moi !
- Tu ne crois pas qu’on va nous rechercher quand on va découvrir que nous avons disparu ?
- Heu… oui, peut-être, fit-elle, sans rien trouver d’autre à redire à cette vérité.
- Bon, pour le moment, je pense qu’on a un peu de temps, continua-t-il pour se rassurer lui-même, mes parents rentrent très peu souvent en ce moment et même quand c’est le cas, c’est tout juste s’ils s’inquiètent de ma présence. Et les tiens, ils habitent de l’autre côté de l’Océan, ça leur est donc difficile de savoir ce que tu fais. Toujours est-il qu’il vaut mieux utiliser un minimum les sentiers fréquentés si on veut être sûr que personne ne nous voit !

Il avait réussi à la faire taire, mais à quel prix ! Maintenant qu’il avait exposé les choses clairement, il prit conscience de la réalité des faits. Ils étaient partis sans laisser le moindre mot ni la moindre explication et leur départ serait sans aucun doute assimilé à une fugue. Et si ses parents ne remarquaient pas son absence immédiatement, ils verraient forcément le lit vide de son frère. Dès que leur disparition serait signalée, des recherches seraient lancées et des battues effectuées. Ils ne devaient pas perdre de temps et prendre un maximum d’avance pour ne pas être retrouvés. Il fallait qu’ils restent cachés jusqu’à ce qu’ils retrouvent Xavier. "Xav, où es-tu ? Où est-ce que ce salaud t’as emmené ?" En y réfléchissant, il n’avait aucune idée de l’endroit où il avait pu être emmené. "Le Sud. Précis comme info !" pensa-t-il, ironique. Sans plus d’indication, il était évident qu’ils ne pourraient jamais le retrouver. Octares était un vaste continent et ils se trouvaient à l’extrême nord de celui-ci. Mais il était inconcevable qu’il laisse son frère entre les mains de cet homme ignoble qui l’avait si facilement trompé. Et il devait comprendre ce qui lui arrivait, ce qui arrivait à son monde.

- Et il y a la fac, lança Christy, sortant Serge de ses réflexions solitaires.
- Quoi la fac ?
- Ben si nos parents ne s’aperçoivent pas de notre absence, la fac s’en rendra bien compte elle !
- Je sais pas. Un élève de plus ou de moins…
Mais elle avait raison. Il avait beau se dire que l’administration ne se préoccupait pas d’eux, les absences étaient surveillées et dans une fluance ou deux, à mi-cycle s’ils avaient de la chance, le bureau de l’enseignement contacterait leurs parents par transvoc.

Serge n’avait jamais vraiment compris comment un tel engin fonctionnait. Tout ce qu’il savait, c’était que des scientifiques avaient réussi à mettre au point un appareil qui utilisait le flux pour reproduire un signal vocal. Il suffisait de mettre en liaison deux de ces machines en indiquant des coordonnées pour entrer en communication audio. Le message délivré devant l’un de ces appareils était presque immédiatement retranscrit là où se trouvait le second, la voix surgissant du néant, ou plutôt du flux qui emplissait l’air ambiant et qui entrait en vibration. Heureusement, des améliorations avaient été apportées au fil du temps comme la possibilité de refuser ou de différer la transmission, beaucoup de gens s’étant plaint d’être dérangé inopinément pendant leurs activités. Le transvoc existait depuis bien avant la naissance du garçon, mais cela restait l’une des inventions les plus utiles et les plus incroyables qui existaient à ce jour. MétaFlux, le laboratoire Altéan qui avait développé ce système et vendu le principe à de nombreuses sociétés, était maintenant l’un des instituts les plus réputés et les plus riches d’Ivalice. C’était là que travaillaient ses parents.

Tandis qu’ils continuaient à avancer au milieu de la nature sauvage, Serge pestant contre les technologies qui pourraient faciliter les actions menées pour les retrouver, Christy le questionna à nouveau.
- Après tout, c’est pas bien grave si on nous r’trouve, non ?
- Comment ça pas bien grave ?
- Ben oui, on aura qu’à leur expliquer ce qui s’passe, c’est tout !
- Oui, c’est ça, bien sûr ! On leur explique qu’on court après un type qui se balade dans une boule de lumière et qui peut faire sortir une lame de ses doigts. Tout ça pour retrouver mon frère qui est victime d’une maladie inconnue. Oui, ils nous laisseront sûrement repartir.
- Mais ils ont bien vu ce qui s’est passé à Altéa. Les loups et tout ça. Si on leur montre nos pouvoirs, ils comprendront.
- Comme ils ont compris qu’Elian était totalement inoffensive en la voyant.
Serge s’était arrêté pour faire face à Christy
- Si on leur montre quoi que ce soit des trucs bizarres qui nous arrivent, reprit-il, ils réagiront ni plus ni moins comme ils ont réagi avec Elian. Avec les coups en moins, j’espère. En tout cas, je ne crois pas qu’ils nous laisseront tranquilles.
- Mais c’est pas à eux de décider, nos parents…
- Parlons-en des parents. Tu crois franchement qu’ils ne s’inquiéteraient pas de voir leur enfant comme ça, déclara-t-il en faisant défiler ses mains de haut en bas le long de son armure de cuir. Même si les miens ne se préoccupent pas trop de moi en ce moment, tu crois vraiment qu’ils nous laisseraient partir sans comprendre ce qui nous arrive ? On leur dira quoi, hein ? Qu’on va sauver mon frère et retrouver une femme qui prétend être notre mère ?
- Non, j’sais pas, mais il ne peuvent pas nous empêcher de…
- Si, ils peuvent ! Rappelle-moi, t’as quel âge ?
- 17 cent’, rumina-t-elle.
- C’est ça, et moi 18. Et à quel âge est-on majeur ?
- Oh, ça va M. "Je-sais-tout", explosa-t-elle, c’est bon, je sais. Mais si tu es si malin, t’avais qu’à réfléchir un peu plus avant de partir !
- Quoi ! répliqua Serge. J’te signale que c’est toi qui as voulu me suivre ! Et on n’avait pas le temps de… mon frère…
- Oui, je sais, mais ça fait plus de 2 lux qu’on se balade dans cette forêt sans même savoir où l’on va, alors excuse-moi de ne pas sauter de joie !
- Eh bien si tu as une meilleure solution, te prive pas, je t’écoute.
- Oh, j’en sais rien ! Tu m’énerves ! Allez, vas-y, avance ! Elian nous attend là-bas.
Le garçon abandonna l’affrontement et se retourna. Effectivement, la Viera avait pris de l’avance et sa longue silhouette élancée les attendait un peu plus loin.

Enervé, il reprit sa marche, ne prenant plus aucune précaution pour repousser les branches qui lui barraient le passage. Comment pouvait-elle lui reprocher ce qui leur arrivait ? Ce n’était pas de sa faute s’ils avaient dû partir précipitamment ! Et c’était son frère qui avait été enlevé ! Comment osait-elle se plaindre alors que lui avait tout perdu avec la capture de Xavier ?

Tous les deux progressaient péniblement, lançant régulièrement des insultes contre les ronces qui s’accrochaient à leurs vêtements, sachant pertinemment que leur mauvaise humeur était plutôt due à leur comportement respectif qu’aux buissons épineux.

Sur le chemin pour rejoindre Elian, le regard de Serge se posa sur une mûre. Il la cueillit et l’observa un instant. Cela faisait près d’une fluance entière qu’il n’avait rien avalé et la faim ne se faisait toujours pas ressentir. La profusion des évènements récents avaient sûrement pris le dessus sur son estomac. Haussant les épaules, il jeta le fruit dans sa bouche. Un vrombissement fit vibrer ses tympans. Il tourna la tête vers l’endroit d’où semblait provenir le bruit, sur sa gauche. Le son s’évanouit aussi vite qu’il était apparu.

Se demandant ce que cela pouvait bien être, il voulut reprendre la route pour rejoindre la Viera, mais elle avait disparu de son champ de vision. Il y avait quelques instants, elle était encore à quelques mètres devant lui, dans sa robe blanche, à les attendre. Où était-elle passée ? Comme pour répondre à sa question, un cri aigu retentit au milieu des arbres centenaires.