lundi 27 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 6

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 6


Debout sur les pavés, sa sacoche noire à la main, le professeur attendait dans l’embrasure de la porte. Son sourire qui aurait normalement mis Serge en confiance donnait à l’homme un air jovial et inquiétant à la fois. Etait-ce vraiment lui qu’Elian avait senti à travers cette odeur maléfique qui se rapprochait ? Il aurait voulu qu’elle soit là à ses côtés pour le lui confirmer car il ne voulait pas le croire.

- Alors Serge, je ne t’ai pas vu ce matin. Je me suis inquiété alors j’ai décidé de venir te voir. Je suis rassuré de te trouver en pleine forme.
- Ce matin ? Il y avait cours ? Quelle luxance est-il ?
- 8 lux et demi. Oui il y avait cours, mais ce n’est pas grave, vu ton état d’hier, je préfère que tu te sois bien reposé.
- Oui, ca va mieux, merci Monsieur.
- C’est normal. Dis-moi, en venant ici, j’ai trouvé que la population était dans une sacrée effervescence. Tu sais ce qu’il y a ?
Serge fut surpris par la question de son professeur et réfléchit à toute vitesse. Soit l’homme ne savait vraiment rien et il était inoffensif, soit il feignait l’ignorance et dans ce cas, le garçon devait choisir ses mots avec prudence. Dans tous les cas, il pouvait parler de l’attaque des monstres car cela ne révélait rien sur toutes les choses étranges qui lui étaient arrivées personnellement.
- Des bêtes ont attaqué les habitants, je crois que c’était des loups.
- Des loups ! Ce n’est pas possible, il n’y a rien de tel dans la région ! Tu es sûr de ce que tu dis ?
- Je ne sais pas si c’était vraiment des loups, mais ça y ressemblait en tout cas.
- Bizarre... Tu n’as pas été blessé ?
- Non, ca va.

Monsieur Diguel était resté dehors tout ce temps, Serge ne sachant pas s’il devait le faire entrer ou non. Mais l’homme se pencha légèrement pour observer à l’intérieur de la maison et aperçut Christy qui était restée en retrait.
- Tiens, tu as une amie chez toi ? Bonjour Mademoiselle.
Se faisant, il adressa un signe de la main à la jeune fille qui lui rendit un sourire.
- Tu ne me présentes pas ton amie ? insista le professeur.
- Euh, si, entrez.
Le garçon s’effaça à contrecœur pour laisser passer son professeur qui s’avança dans le salon et s’adressa à Christy.
- Bonjour. Je suis M. Diguel, le professeur de flux de Serge.
- Bonjour, je m’appelle Iris, mentit-elle.
- Enchanté.

Serge avait faiblement tiqué à la réponse de sa nouvelle amie, mais cela était passé inaperçu. Il se demandait si cela était bien utile de cacher son prénom, mais dans le doute, mieux valait être prudent. Il saluait l’aplomb avec lequel elle avait menti et dût bien reconnaître qu’elle avait très bien joué sur ce coup là. Désormais, il devait faire attention de ne pas la trahir en dévoilant le mensonge. Elle s’appelait Iris.

Après ces brèves présentations, l’enseignant s’attarda sur l’intérieur de la maison. Il détaillait la décoration des différents coins de la pièce lorsque son regard se posa sur les bris de verre qui jonchaient le sol, là où Serge avait fait tomber le plateau au contact du bras d’Elian.
- Tiens, vous vous êtes disputés, plaisanta-t-il.
En comprenant qu’il faisait allusion aux débris sur le carrelage, Serge s’en voulut terriblement de ne pas avoir nettoyé plus tôt les dégâts qu’il avait causés. Heureusement, les verres étaient cassés en morceaux minuscules et il était impossible de distinguer leur nombre. Si l’homme avait demandé qui était le troisième invité, ils auraient encore dû inventer une explication plausible et il n’était pas bon de s’enfoncer dans un trop grand nombre de mensonges. Pour le moment, il n’était pas prêt à lui révéler la présence d’Elian ni quoi que ce soit d’autre. L’avertissement de la Viera méritait qu’il prenne ses précautions.
- Oh non, ce n’est rien, j’ai fait tomber ça juste avant que vous n’arriviez, expliqua Serge. Je n’ai pas eu le temps de m’en occuper.
- Je vais le faire, intervint Christy. Occupe-toi de ton invité, je vais ramasser tes bêtises.
- Tu es sûre ? Merci Iris, c’est gentil. Tu trouveras ce qu’il faut dans la cuisine.

La jeune fille s’éclipsa et revint quelques fractances plus tard avec une petite pelle et une balayette. Tandis qu’elle s’affairait à ramasser les éclats tranchants, M. Diguel aborda un sujet délicat.
- Alors, rien de neuf au sujet de ton frère ?
- Non…
L’étudiant avait répondu spontanément et dans les instants qui suivirent, son expression se fana. Son professeur l’avait ramené à la réalité en une seule phrase et le coup fut dur à encaisser. Comment avait-il pu délaisser Xavier si longtemps ? Un homme qui n’avait même jamais rencontré son frère s’en préoccupait plus que lui. Lui qui avait toujours été à son chevet depuis que son étrange maladie était apparue. Lui qui passait son temps à ses côtés, espérant une guérison miraculeuse, bien qu’il n’y croyait plus vraiment. Il l’avait laissé tomber. Comment avait-il pu placer ses propres problèmes devant ceux de son petit frère ? Un sentiment de honte s’empara de Serge et il n’osait plus regarder son interlocuteur en face. Voyant le mal être du garçon, l’homme tint à s’excuser.
- Désolé de t’avoir parlé de ça, tu n’avais surement pas besoin que je te rappelle tes soucis.
- Non, ce n’est pas de votre faute. C’est gentil de votre part de vous inquiéter pour lui.

Christy avait fini de ramasser les morceaux de verre et écoutait avec attention la conversation, la pelle à la main.
- Il n’y a toujours aucun remède ? reprit l’enseignant.
- Non, nous n’avons rien trouvé…
- Et tes parents ?
- Ils passent presque tout leur temps au labo. Je ne les vois pratiquement plus. Je crois qu’ils n’arrivent pas à accepter la vérité. Ils cherchent un remède fluance après fluance, mais je pense surtout qu’ils fuient la réalité et se réfugient dans leur travail.
- Je comprends ce que tu ressens, mais tu ne peux pas dire ça. Je suis persuadé qu’ils font tout leur possible pour trouver une solution.
- Peut-être bien et de toute façon, je ne peux rien leur reprocher. Ce n’est pas en restant à ses côtés à ne rien faire que je vais l’aider.
- Ne dis pas ça non plus. Ta présence n’est pas inutile, j’en suis sûr. On ne sait pas quel niveau de conscience il a, peut-être même qu’il t’entend !
- Peut-être… Mais de toute façon, il faudrait un miracle maintenant.

Un miracle oui. C’était bien le seul espoir qu’il avait désormais. Et soudain, une idée lui traversa l’esprit. Et si ce miracle qu’il attendait n’était rien d’autre que la magie dont parlait Elian et dont il avait vu l’efficacité à plusieurs reprises ? Si cette femme d’une autre espèce était celle qui pouvait l’aider ? Il se trouva bien bête de ne pas y avoir pensé plus tôt. Encore une preuve qu’il avait délaissé son petit frère. Mais pour le moment, il ne pouvait rien tenter. Rien tant que M. Diguel était chez lui. Même s’il semblait inoffensif, il ne pouvait pas prendre le risque de lui présenter la Viera.

- Où est-il en ce moment ? demanda le professeur.
- Dans sa chambre, répondit-il distraitement.
Au moment précis où il lui fit cette réponse, Serge comprit qu’il n’allait pas se débarrasser de l’homme si facilement. Il aurait voulu qu’il s’en aille le plus vite possible pour qu’il puisse parler de Xavier à Elian et qu’elle examine son cas.
- Tu crois que je peux aller le voir ?
- Je ne sais pas, ce n’est peut-être pas une bonne idée. Mieux vaut qu’il reste au calme.
- Ne t’en fais pas, je veux juste le voir, je ne vais pas le déranger. Peut-être que je pourrais trouver quelque chose et en parler à des collègues. Il est possible qu’ils puissent l’aider tu sais, je connais des gens vraiment très calés sur le flux et ses mystères.
- Non mais vous savez, des médecins sont déjà venus le voir et ils n’ont rien trouvé.
- Raison de plus ! La médecine s’attarde uniquement sur les problèmes organiques, elle ne se préoccupe que très peu des effets du flux. Je crois vraiment que je devrais le voir, on ne sait jamais, ce serait idiot de ne pas tenter le coup.
- Je ne sais pas…
- De toute façon, ça ne coûte rien. Je rentre, je l’examine un peu et puis c’est tout. Soit j’ai une piste que je pourrais ensuite explorer avec mes collègues, soit je lui aurais juste rendu une petite visite. Tu as l’air très méfiant, j’ai raison ?
- Non pas du tout. C’est juste que personne ne lui a rendu visite depuis tout ce temps, je veux dire, à part les docteurs et quelques uns de ses amis au début. Ca me fait bizarre que quelqu’un veuille le voir.
- Je vois. Eh bien dans ce cas, considère-moi comme un ami qui lui rend visite !
L’homme avait dit ça avec un grand sourire et Serge comprit qu’il ne partirait pas tant qu’il n’aurait pas vu Xavier. Il se résigna alors à l’accompagner dans sa chambre, non sans rester sur ses gardes. Il n’était toujours pas certain des véritables raisons de sa présence ici.
- D’accord, suivez-moi.

Il lui désigna les escaliers et le fit passer devant lui. Tout en montant les marches, il vit Christy poser la pelle sur la table basse et se diriger vers le bureau, la pièce où s’était cachée Elian. Une fois à l’étage, le garçon le guida jusqu’à la chambre de son frère qui était toujours tétanisé au fond de son lit. M. Diguel s’approcha de lui, posa sa mallette contre le chevet et s’agenouilla à côté du malade. Sous la surveillance de Serge, il posa ses mains sur le torse froid de l’enfant et murmura quelques mots que l’étudiant parvint à saisir.
- C’est donc ça, je m’étais bien trompé.
- Que dites-vous ?
- Oh rien ! Juste que je m’étais trompé, je ne crois pas pouvoir faire grand-chose pour ton frère, désolé.
Alors que l’homme se relevait et saisissait sa sacoche, des pas précipités se firent entendre sur les marches en bois de l’escalier. Christy débarqua en trombe devant la chambre suivie de près par Elian.
- C’est lui ! hurla la jeune fille.
- Que se passe-t-il ? leur demanda-t-il.
- C’est lui la chose qu’Elian a sentie !

En entendant ces mots, il se tourna précipitamment vers le professeur qui semblait surpris par cette agitation soudaine.
- Que se passe-t-il Serge ?
- Eloignez-vous de lui ! avertit l’étudiant avec une assurance qui l’étonna lui-même.
- Qu’y a-t-il, je ne comprends pas. Pourquoi tu…
En apercevant la femme aux allures de lapin, M. Diguel s’arrêta net avant de changer d’attitude.
- Une Viera, commenta-t-il. Dans ce cas, ce n’est pas la peine que je me cache. Tant pis. De toute façon, ma tache est accomplie.
- Qui êtes-vous ? questionna Elian avec vigueur.
- Peu importe qui je suis, laissez-moi partir et tout ira bien.
- Certainement pas ! s’énerva Serge. Vous allez me dire ce que vous faites chez moi et ce que vous voulez à mon frère !
- Ton frère ? Oh, rien, je ne vois pas ce que je pourrais bien vouloir à quelqu’un d’aussi commun que lui. Franchement, je m’étonne encore de m’être trompé à son sujet. Enfin, pas la peine de s’attarder là-dessus. Allez, laissez-moi sortir !

L’homme gardait un calme étrangement perturbant. Il était coincé à l’intérieur d’une chambre dont la seule issue était bloquée par leur trio et il semblait totalement serein. Christy s’emporta à son tour.
- On n’vous laissera pas partir tant que vous ne nous aurez pas expliqué ce que vous faîtes là !
- Ah oui ? Et sinon ? Vous pensez pouvoir faire quelque chose contre moi ?
- Je ne suis pas celle que vous croyez !
Sur ces mots, une lumière éblouissante émana d’elle et la fractance suivante, elle se retrouva dans sa tenue d’archère, un arc et une flèche à la main. L’instant d’après, la corde était tendue et la pointe acérée pointée sur l’intrus. Pour la première fois, M. Diguel fut véritablement déstabilisé.
- Quoi ! Qui es-tu ? Tu es l’une d’entre eux ! Lucrécia a donc déjà…
- Que sais-tu sur Lucrécia ? le coupa Serge.
- Oh, trois fois rien, mais vous permettez ?
En un mouvement rapide et agile, l’homme saisit Xavier et l’utilisa pour se protéger d’une attaque impromptue. Au bout de son index, son ongle s’allongea pour former une lame aiguisée qu’il posa sur la gorge du corps inanimé.

- Lâchez-le ! hurla Serge dans un accès de colère.
Accompagnant ses mots, un nouvel éclat blanc emplit la pièce et le garçon se retrouva équipé de l’épée et de l’armure qu’il avait déjà portées. Cette fois-ci, l’agresseur parut encore plus stupéfait.
- Comment est-ce possible ! Je t’ai pourtant neutralisé ! Ce n’est pas vrai, était-ce trop tard ?
- Lâchez-le, répéta le jeune homme à présent armé.
- Je ne crois pas, non. C’est ma meilleure assurance vie pour le moment. Baissez-vos armes immédiatement, ou sinon, je ne donne pas cher de sa peau.
La main crispée sur la poignée de sa lame, Serge prit conscience de la situation. Il n’avait plus du tout l’avantage et la vie de son frère était en danger. A contre cœur, il abaissa son arme et regarda Christy. Elle lut le message dans son regard et l’imita.

- Très bien, je préfère ça. Bon, je vois que l’on s’est tout dit, alors excusez-moi, mais je vais prendre congé de vous. J’ai du travail qui m’attend.
- On ne vous laissera pas faire !
- Oui probablement, c’est pour ça que je ne vais pas vous demander votre permission.
C’est alors qu’une sphère lumineuse pénétra dans la pièce en traversant la vitre de la fenêtre et s’arrêta juste devant M. Diguel.
- A la prochaine ! lança-t-il alors que la boule blanche grandit d’un coup pour l’envelopper entièrement.

Serge eut à peine le temps d’esquisser un mouvement que la sphère avait repris sa taille initiale et traversait la vitre en sens inverse. L’homme avait disparu en entrainant Xavier avec lui. Serge s’élança pour ouvrir la fenêtre et voir le point de lumière disparaître vers le sud, en direction de la forêt. Sans réfléchir une fractance de plus, il s’élança à travers l’ouverture et se laissa tomber du premier étage. Se réceptionnant au sol comme s’il avait sauté d’un simple muret, il reprit sa course et traversa les quartiers de plus en plus pauvres de la ville. Sur son passage, les habitants se retournèrent, n’en croyant pas leurs yeux. Mais le garçon les ignora. La seule chose qui comptait était de rattraper cet homme et de retrouver son frère. Il courut ainsi pendant une vingtaine de nuances à travers les rues dont les pavés se transformaient peu à peu en terre battue. Son parcours le mena à la frontière de la ville, là où les dernières maisons bordaient la lisière de la forêt. Devant ce mur de végétation, Serge s’arrêta enfin. L’endroit était désert. A peine essoufflé, il s’effondra à genou sur le sol, désespéré par la disparition de son frère. Ses mains se posèrent sur les touffes d’herbes qui poussaient ça et là sur la terre asséchée. Serrant les poings, il arracha les pousses de verdure et des larmes de détresse vinrent arroser la poussière. Toute sa colère fut relâchée dans un cri.

- Je te retrouverai salopard ! Tu verras, je te ferai payer !

Ses bras cédèrent et ses coudes vinrent heurter le sol aride. Le dos voûté, il prit sa tête dans ses mains et pleura sans retenue, le visage plaqué contre ses avant-bras. Lorsqu’Elian et Christy le rejoignirent, il était toujours dans cette position mais ses larmes avaient cessé de couler. Les joues encore humides, il releva la tête lorsque la Viera posa sa main sur son épaule. Voyant que les deux filles l’avaient suivi, il se releva et les regarda tour à tour. Avant même qu’il ne puisse dire un mot, Christy lui parla d’une voix douce et rassurante.
- On va les retrouver, assura-t-elle. Je te le promets.
- Merci, mais ce n’est pas ton problème. Tu n’as pas besoin de te mêler à ça.
- Si, au contraire. Je veux comprendre ce qui nous arrive et tu es le seul que je connaisse qui subisse les mêmes effets que moi.
- C’est trop dangereux, tu as vu ce qu’il a fait avec sa main ?
- Oui, j’ai vu. Mais j’ai aussi vu ce dont on est capable tous les deux. Et au passage, je n’crois pas que je sois plus faible que toi, pyja-gars, fit-elle en lui adressant un clin d’œil complice.
Serge eut un bref sourire. Il n’insista pas plus longtemps pour la dissuader. Après tout, elle avait raison et il comprenait qu’elle veuille l’accompagner. Et de toute façon, elle était bien trop bornée pour qu’il puisse la faire changer d’avis.

- Je viens aussi.
C’était Elian qui venait de s’exprimer.
- Vous êtes ma seule attache à ce monde et moi aussi je veux découvrir ce qu’il m’arrive. Ce qu’il nous arrive.
Les deux jeunes amis s’étaient tournés vers elle et lui sourirent sincèrement.
- D’accord, allons-y ensemble, conclut le jeune homme, touché par la détermination dont faisant preuve ces deux femmes.
- La sphère de téléportation est partie vers le sud, de l’autre côté de la forêt, nota Elian.
- Oui, et c’est dans la même direction qu’Ozarie, autrement dit Rosaria, ajouta Christy. C’est là que nous a donné rendez-vous Lucrécia.
- Dans ce cas, il n’y a pas à hésiter, fit Serge, ragaillardit par la motivation de ses compagnes de route. Les deux seules pistes que nous ayons nous guident vers le même chemin.
- Ouaip ! Allons-y ! lança la jeune fille dont les cheveux blonds brillaient sous la lumière éclatante du flux rouge de prima.

Les trois silhouettes prêtes à partir vers leur destin tournèrent le dos à la cité et firent face à l’épaisse forêt luxuriante. D’un même pas, ils quittèrent Altéa pour disparaître sous les branchages des grands arbres de Mirkwood.

dimanche 19 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 5

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 5


- Que voulez-vous dire par là ? demanda Serge avec intérêt. Je n’en ai jamais entendu parler.

Malgré les nouvelles interrogations que suscitait cette révélation, le garçon n’était pas vraiment étonné par ce qu’Elian venait de lui révéler. Après tout ce qu’elle leur avait déjà dit, il était prêt à tout entendre.

- Et bien dans mon monde, Lucrécia fait partie du Grand Conseil. Tout le monde la connaît.
En voyant l’air sceptique des deux jeunes gens, Elian comprit qu’elle n’était pas au bout de ses peines pour leur apprendre tout ce qu’elle savait.
- C’est vrai que s’il n’existe que des Humes dans ce monde, il ne peut pas y avoir de Grand Conseil. En réalité, c’est une assemblée constituée d’un membre de chaque race existante. Ils se réunissent régulièrement pour discuter de différents problèmes afin de les résoudre.
- D’accord, fit Serge, c’est un peu comme notre gouvernement alors. Enfin, ils y font la même chose apparemment.
- Oui, ajouta Christy d’une voix amusée. Enfin le tien Serge, il se tourne pas mal les pouces ! Vous avez vachement moins de soucis que par chez moi, en Oriares. Y’a qu’à voir Altéa, c’est un paradis comparé à Arates. En même temps, comme il ne se passe jamais rien de grave ici, ton gouvernement est vachement moins réactif. J’sais pas ce qu’il ferait si…
- Si tu le dis… coupa Serge. On peut se concentrer sur le vrai problème ? Merci.

Interloquée, la jeune fille ne sut comment réagir et ne trouva aucun mot pour rétorquer. Le jeune homme devenait de plus en plus désagréable avec elle. Il s’en voulait un peu et regrettait d’avoir réagi ainsi, mais il ne supportait plus ses dérives verbales qui l’empêchaient de réfléchir. Il avait tout de même conscience de ne pas avoir été très correct avec elle et il se promit de faire des efforts par la suite. Cependant, il s’excuserait plus tard car il ne voulait pas remettre en cause son comportement vis-à-vis d’elle pour le moment.

- Donc, fit-il en s’adressant exclusivement à Elian, si j’ai bien compris, Lucrécia représente les Humes dans ce Grand Conseil.
Elian hocha de la tête pour approuver. Elle esquissa un regard vers Christy qui semblait toujours très déstabilisée par la réaction du garçon. L’atmosphère était devenue pesante et la Viera aurait voulu rassurer la jeune fille qui ne savait plus où se mettre. Après quelques instants de réflexions, Serge reprit la parole.
- Il y a un truc qui me gêne dans tout ça. Nos deux mondes, s’il s’agit bien de deux mondes, sont si proches et si différents à la fois. Et puis je ne comprends toujours pas pourquoi cette femme prétend être notre mère. Et cette histoire de mille centycles. Qui pourrait bien vivre si longtemps ?
- Oui, cela n’a aucun sens. La même personne vivant dans deux mondes différents et à des moments différents. Je n’ai jamais entendu parler de ça. Remarque, peut-être que nous nous trompons complètement et qu’il ne s’agit pas du tout de la même personne.

Cette remarque provoqua un nouveau silence tant elle était pertinente. Ils avaient commencé à s’imaginer des tas de scénarios sur des bases totalement incertaines. Mieux valait laisser ces questions pour plus tard et se concentrer sur ce qu’ils savaient réellement. C’était tout du moins l’approche que souhaitait désormais adopter Serge. En essayant de rassembler tout ce qui avait été dit jusqu’à présent dans son esprit, il remarqua une coïncidence à laquelle il n’avait pas prêté attention jusqu’à présent. Il s’était tellement focalisé sur toutes les informations surprenantes qu’il avait apprises que ce point commun était passé inaperçu.

- Dans ce cas, ce n’est pas la peine de débattre plus longtemps là-dessus, conclut Serge. Par contre, j’ai noté quelque chose d’intéressant. Ton monde, tu l’as bien appelé Ivalice, n’est-ce pas Elian ?
- Oui, c’est bien ça.
- Et bien c’est également le nom que nous donnons à notre planète. J’ai du mal à croire que ce soit une simple coïncidence.
- C’est vrai ? Pourtant, je n’ai jamais entendu parler d’Altéa, ni des autres noms que vous avez cités.
Christy s’était renfermée sur elle-même depuis que Serge l’avait remise à sa place, mais elle n’avait pas cessé de suivre la conversation pour autant. Hésitante et sur un ton d’excuse, elle osa faire une proposition.
- Euh… Serge ?
- Oui ?
- Est-ce que tu aurais une carte du monde chez toi ?
- Oui, bien sûr. Pourqu… mais oui, t’as raison, c’est une super idée ! Je reviens !

Serge s’éclipsa en courant dans une pièce située derrière l’escalier. Elian se tourna vers la jeune fille.
- Ca va ?
- Heu, oui, pourquoi ?
- Serge a été un peu sec avec toi.
- Ah, oui… c’est pas grave. Il a raison, fit-elle avec un sourire forcé.
- Comment ça ?
- Je l’ai !
Serge était de retour dans le salon avec un gros livre qu’il portait à bout de bras, tendu au dessus de sa tête. Sur l’épaisse couverture bleue était inscrit "Encyclopédie Universelle" et une image représentait la planète sous la forme d’une gigantesque sphère. Il déposa le manuel sur la table basse et l’ouvrit directement à la fin. Sur la double page était dessiné un planisphère d’Ivalice. On y reconnaissait aisément les quatre continents principaux. A l’ouest on trouvait le plus imposant de tous, Octares, qui parcourait la carte du nord au sud. C’est sur ce continent que l’on trouvait Altéa. Les trois autres terres émergées portaient les noms d’Ontares, d’Oriares et de Faltares. Au milieu de ces quatre continents reposait l’océan Midares.

- Voilà à quoi ressemble notre planète, Elian, annonça le jeune homme.
- Tu as raison, c’est exactement les mêmes terres que dans mon Ivalice.
Les yeux de la Viera parcouraient la carte dans tous les sens. Elle découvrait enfin quelque chose qui lui était familier. Mais les noms des régions du monde qui y étaient inscrits ne ressemblaient en rien à ceux qu’elle connaissait. De plus, l’échelle était bien trop petite pour que les villes y soient représentées.
- Où est-ce qu’on se trouve, là ? demanda-t-elle.

Enchantée de voir que son idée faisait l'unanimité, Christy reprit un peu confiance en elle et désigna Altéa sur la carte.
- C’est ici, juste en dessous des montagnes.
- Quoi ! Mais ce n’est pas possible ! C’est chez moi ! Rabanastre ! C’est pile à l’endroit que tu me montres.
- Tu veux dire qu’Altéa et Rabanastre sont une seule et même ville ?
- Je ne sais pas. Je n’ai vraiment rien reconnu quand j’étais dans les rues de votre ville l’autre nuance. Je n’ai pas eu l’occasion de m’y attarder longtemps, mais j’aurais quand même dû reconnaître quelque chose !
- C’est bizarre, commenta Serge. Mais on n’est plus à une bizarrerie près. Dis-moi, tu peux nous donner d’autres noms de villes qui existent dans ton monde ?
- Oui, bien sûr ! Il y a les capitales des trois autres continents, Esthar, Archadès et Lindblum.
- Ca ne me dit rien. Et toi Christy ?
- Non, rien du tout. Il y a d’autres villes importantes ?
- Oui, Alexandrie, Tréno, et au sud d’ici, il y a Rosaria.
- Rosaria ? répéta Serge. Ca me dit quelque chose.
- Oui, continua l’étudiante en géographie, j’ai déjà entendu ce nom. Mais où ça ?
- Il faut absolument s’en rappeler ! C’est peut-être important !

Les deux jeunes gens se turent un instant pour réfléchir. Pendant ce temps, Elian continuait de dévorer le planisphère.
- Ca y est, s’écria Christy, je sais !
- C’est vrai ? firent les deux autres en cœur.
- Oui, c’est Lucrécia qui nous a parlé de Rosaria. C’est juste après que ce cri ait retenti dans la caverne. Je n’avais rien compris à ce qu’elle racontait et je n’avais pas fait très attention, mais je me souviens maintenant de sa dernière phrase ! Elle nous demandait de nous rendre à Rosaria dans cinq fluances. Elle a aussi dit qu’on la reverrait là-bas.
- Oui, je me souviens maintenant ! Je ne m’en rappelais pas, mais maintenant que tu le dis. Bien joué Christy !

Il se tourna vers elle et lui fit un sourire comme il ne lui en avait encore jamais fait. La jeune fille était ravie et se sentait un peu mieux. Dans son élan de gaîté, elle voulut lui répondre à sa façon.
- Ah, tu vois, tu ne peux vraiment… commença-t-elle avant de ravaler ses mots.
- Quoi ? lui demanda le garçon.
- Euh non, rien, c’est pas important.
Serge comprit qu’elle s’était retenue pour ne pas le vexer et n’insista pas. Il était content qu’elle ait retrouvé son entrain et ne voulait pas la mettre à nouveau mal à l’aise. Il s’adressa alors à Elian.
- Et alors, où ça se trouve Rosaria ?

La Viera semblait elle aussi heureuse qu’ils se soient réconciliés si rapidement et se laissa gagner par la bonne humeur ambiante.
- C’est juste ici, de l’autre côté de la forêt, au bord du lac de Macalania.
- Je vois, comprit Christy, ça à l’air de correspondre à l’emplacement d’Ozarie. Et ben dis donc, ça fait du bien de comprendre un peu ce qui se passe ! Pas vrai Serge ?

Mais Serge ne l’écoutait plus. Il observait Elian qui venait de se figer, les yeux fermés et le visage sans expression. Ses narines se retroussaient et s’agitaient comme si elle était en train de renifler l’air. Une grimace se dessina sur ses lèvres et elle rouvrit les paupières.
- Quelque chose approche ! Quelque chose de mauvais. Son odeur est nauséabonde. Elle se rapproche fortement de celle qui émane de toi Serge, mais en beaucoup plus fort.
A peine eut-elle le temps de finir sa phrase que quelqu’un frappa à la porte.
- Vite, va te cacher dans le bureau Elian, juste derrière l’escalier. Si quelqu’un te voit ici, on ne sait pas comment ça va finir ! Il y a une armoire, tu devrais pouvoir te glisser dedans.
- Et toi ?
- Je vais aller voir qui c’est. Christy, tu peux rester là si tu veux.
- Ok, fit la jeune fille.

La Viera courut rejoindre la cachette que lui avait indiquée le jeune homme tandis que celui-ci s’approcha de la porte d’entrée. Il regarda par l’œilleton et fut surpris par ce qu’il y vit. Après un court moment d’hésitation, il ouvrit la porte pour accueillir le nouveau venu.
- Bonjour M. Diguel.

samedi 11 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 4

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 4

Serge et Elian se dévisagèrent longuement. La Viera commença peu à peu à relâcher son attitude défensive en constatant que le garçon n’était pas dangereux pour elle, tout du moins tant qu’ils n’entraient pas en contact direct. En le regardant attentivement, elle fut persuadée qu’il était sincère lorsqu’il affirmait ne pas comprendre ce qu’il lui arrivait. Elle-même n’était pas bien sûr de savoir ce qu’il se passait.

- Comment ça Jénova ? lui demanda-t-il. Qu’est-ce qu’il m’arrive ?

Les yeux du jeune homme semblaient supplier pour obtenir une réponse satisfaisante. Il cherchait désespérément une explication à tous les mystères qui lui étaient tombés dessus depuis le début de ce nouveau cycle. Ses questionnements étaient compréhensibles et sa peur légitime. Elle aurait bien voulu le rassurer, mais mieux valait être honnête. Elle lui dirait tout ce dont elle était capable.

- Je ne sais pas comment cela est possible, mais j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de Jénova en toi. Plus j’y pense, plus je suis persuadée que c’est la même odeur.
- Mais qu’est-ce que cette chose fait en moi ?
- Je n’en ai aucune idée. Mais elle semble repousser tout contact avec le myste. J’ai senti une grande force répulsive quand nos bras se sont touchés. Quelque chose de vraiment très puissant.
- Mais pourtant, ce n’est pas la première fois que je vous touche !
- Oui, c’est vrai. Mais tu portais ton armure et tes gantelets à ce moment là, ils ont dû faire barrière. Je pense qu’il faut que le myste rentre directement en contact avec toi pour que ce qui est dans ton corps réagisse.
- C’était donc ça ? Du myste. Ce flux multicolore qui est entré en moi.
- Cela t’est déjà arrivé ?
- Oui, deux fois.
- C’est vrai, je l’ai vu tombé à terre en hurlant lorsque le flux, le myste est entré en nous après le combat contre les loups.

C’était Christy qui venait de prendre la parole. Elle était restée muette depuis tout ce temps, observant attentivement la scène et ne perdant aucune miette de ce qu'ils se disaient.

- Et quand on était dans la grotte, il y a eu un cri. Je voyais pas bien ce qui se passait, mais je l’ai entendu juste après que le flux commence à entrer en moi. C’était bizarre. Mais maintenant, je comprends mieux ce qui s’est passé. Il y avait ce cri horrible mais je me sentais tellement bien que je ne m’en suis pas vraiment inquiétée. Et puis la femme a dit quelque chose que je n’ai pas compris juste avant de disparaître. Le flot d’énergie a cessé de pénétrer mon corps et je me suis retrouvée dans ce champ blanc qui m’a ramenée dans ma chambre. Enfin, tout ça pour dire que je comprends maintenant que ce cri venait de toi. Ou plutôt de ton corps, parce que ce n’était pas ta voix. Comme si c’était cette chose qui hurlait.
- Mais pourquoi je suis le seul à ressentir cette douleur ? Pourquoi est-ce que ce truc est en moi ?

Le désespoir avait envahi Serge. La peur de l’inconnu prenait le dessus et il commençait à ne plus tenir en place. Des larmes cherchaient à couler mais la confusion dans son esprit les retenait au bord des yeux.

- Calme-toi, reprit Elian. Je comprends ton mal-être mais ça ne sert à rien de s’exciter comme ça. Racontez-moi plutôt ce qu’il vous est arrivé. Je pourrai peut-être vous aider à trouver une explication à tout ceci.

Les deux jeunes gens commencèrent alors leur récit. C’était la première fois qu’ils entendaient ce qu'il était arrivé à chacun d’eux avant leur rencontre sur la place. Les évènements qu’ils avaient vécus étaient très semblables à quelques points près. Serge fut très surpris quand Christy raconta sa transformation en archère. Contrairement à lui, elle avait immédiatement su se défendre. N’en rajoutait-elle pas un peu ? Après tout, cela n’avait pas grande importance et il ne voulait pas entamer une nouvelle discussion avec elle. Il commençait à la connaître suffisamment pour savoir que s’il lui faisait une quelconque remarque là-dessus, il y avait de grandes chances pour qu’elle lui fasse subir ses railleries.

Elian écoutait attentivement leur histoire et resta silencieuse tout ce temps. Elle ne voulait pas les interrompre et répondrait à leurs interrogations, du moins celles dont elle avait la réponse, lorsqu’ils auraient fini. Pour ce qui était des explications qu’elle espérait obtenir sur son arrivée soudaine dans cette ville, elle n’en eut aucune. Lorsqu’ils eurent terminé, de nombreuses questions restèrent en suspend pour elle. Mais avant d’essayer d’en apprendre plus, elle s’attacha à leur expliquer d’où leur venait leur pouvoir.

- Eh bien, il y a encore pas mal de mystères autour de tout ceci et j’avoue ne pas y voir beaucoup plus clair. Mais je peux au moins vous aider à comprendre ce qu’il vous arrive. Apparemment, vous n’aviez aucune conscience de l’existence du myste et des possibilités qui en résultent. Je vais essayer de vous expliquer comment fonctionnent les facultés qui se sont réveillées en vous. Par contre, j’ai encore du mal à comprendre leurs origines, mais on y reviendra plus tard. En fait, en tant qu’Humes, vous ne dépendez pas du myste, mais vous êtes capables de le manipuler. Nous, les Mystiliens, pouvons utiliser le myste, mais pas dans les mêmes proportions. L’une des principales caractéristiques du myste est de pouvoir être matérialisé sous différentes formes. C’est grâce à lui que l’on peut créer des sorts, comme le Soin que j’ai lancé tout à l’heure. De la même façon, il est possible de faire apparaître des flammes, des cristaux de glace et bien d’autres choses encore. Mais le myste peut aussi renforcer nos conditions physiques et nous rendre plus endurant ou plus rapide. Les possibilités sont innombrables et dans l’absolu, seule l’imagination limite son emploi. Cependant, les faits sont tout autre et la maîtrise de nouvelles techniques n’est pas si évidente. La théorie là-dessus est assez compliquée. En gros, chacun développe ses pouvoirs en fonction de son vécu et des situations auxquelles il fait face. Mais sans influx de myste, il est impossible d’apprendre quoi que ce soit.

- Un influx de myste ? questionna Serge qui buvait ses paroles à l’instar de Christy.

- Oui, c’est ce qu’il vous est arrivé lorsque vous avez vaincu les loups. Il s’agissait de monstres créés par un myste chargé d’émotions malveillantes. En les tuant, vous avez brisé le lien entre leur corps et le myste qui les avait créés. Le corps est revenu à l’état de particules élémentaires et le myste a été purifié et libéré. A nouveau totalement sain, il a rejoint vos corps. C’est cela que l’on appelle un influx. Lorsque le myste nouvellement acquis est dans l’organisme en quantité suffisante, il est possible de l’utiliser comme support pour y inscrire une nouvelle connaissance, comme un sort ou une technique particulière. Après, le fonctionnement précis m’échappe. D’ailleurs, les Humes et les Mystiliens ne l’utilisent pas vraiment de la même façon. Chez nous, le myste est toujours actif. Au contraire, comme c’est le mako qui maintient les Humes en vie, vous pouvez utiliser le myste comme une ressource secondaire, plus facilement manipulable. Il vous est donc possible de mettre le myste en sommeil. C’est cela qui s’est passé quand ton armure a disparu et que tu t’es retrouvé en pyjama. Voilà, je crois vous avoir à peu près tout dit. J’espère que j’ai été assez claire.

- Euh… ben oui, enfin c’est pas évident tout ça, mais je crois que je comprends mieux maintenant. C’est fou, j’ai du mal à y croire ! Alors c’est le myste qui nous donne toute cette force ! C’est dingue ! Mais je comprends toujours pas ce qui se passe. Tout ça n’existait pas il y a encore quelques lux.

Comme à son habitude, Christy montrait une excitation non contenue mais pour une fois, Serge la comprenait. Ils devaient assimiler tant de nouvelles informations toutes plus incroyables les unes que les autres qu’ils ne pouvaient pas rester de marbre. Mais Elian ne leur laissa pas le temps de réfléchir plus longtemps.

- Pour ma part, c’est cette faible concentration de myste qui m’inquiète. Et mon arrivée dans cette ville m’est toujours aussi mystérieuse. Vous pourriez m’en dire plus sur cette femme que vous avez rencontrée dans cette grotte, après la téléportation ?
- Comme on vous l’a dit, on était quatre dont Serge et moi autour d’elle et elle a posé un cristal par terre. Et puis on a vu du myste entrer dans ce cristal et le flux s’est dirigé vers nous et a pénétré dans nos corps. C’était vraiment très agréable, je ne m’étais jamais sentie aussi bien.
- Et elle vous a parlé ?
- Oui, mais je ne me rappelle pas bien de ce qu’elle a dit. Elle nous appelait ses enfants. Ca m’a marqué parce qu’elle n’avait rien à voir avec ma mère. A part qu’elle était aussi belle, c’est de famille ça !
- Elle a dit autre chose, ajouta Serge, les traits tirés par la concentration. Si je me souviens bien, elle a dit qu’il y a plus de mille centycles, elle nous avait pris nos pouvoirs et qu’elle devait nous les rendre maintenant. C’est là que le flux est sorti du sol. Après ce que vous nous avez raconté, je comprends mieux maintenant. Ce devait être un influx de myste.
- Peut-être, mais je ne vois pas d’où pouvait bien sortir ce myste. Je n’ai jamais entendu parler d’un influx qui sorte du sol. Y’a-t-il encore d’autres choses que vous ne m’avez pas dites ?
- Non, je ne crois pas.
- Et vous n’avez vraiment aucune idée de son identité ?
- La seule info qu’elle nous a donnée, c’est qu’elle prétendait être notre mère. Et qu’elle s’appelait Lucrécia.
- Lucrécia ?
Elian eut un sursaut en entendant ce nom.
- Vous êtes bien sûrs qu’elle s’est fait appeler Lucrécia ?
- Oui, pourquoi ?
- Juste parce que, à moins que ce ne soit une coïncidence, votre soi-disant mère est l’Hume la plus puissante et la plus respectée d’Ivalice.

mardi 7 octobre 2008

Chapitre 3 - Partie 3

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Chapitre 3 : Le départ
Partie 3


Laissant Christy en compagnie de leur nouvelle connaissance, Serge se précipita dans les escaliers pour rejoindre sa chambre. Au passage, il s’arrêta devant celle de son frère dont il avait laissé la porte ouverte. Xavier était toujours là, allongé dans la même posture, le teint livide. Il ne pouvait toujours rien faire pour lui et cela le désolait. Mais tous les derniers évènements qui venaient chambouler sa vie avaient pris le dessus sur la tristesse qu’il avait accumulée depuis tout ce temps. Une excitation inhabituelle s’était emparée de lui et il ne resta pas plus de trois fractances à observer le corps immobile. Il était trop pressé de rejoindre Elian pour en apprendre plus.

Une fois dans sa chambre, il se changea rapidement tout en prenant soin d’enfiler des vêtements qu’il considérait comme étant suffisamment présentables. Il n’avait aucune envie de subir encore une fois les sarcasmes de Christy. Avant de redescendre, il fit d’ailleurs un détour jusqu’à la glace de la salle de bain, chose qu’il ne faisait jamais en temps normal. Un jeans foncé, une chemisette marron et des chaussettes sombres. Sa pierrelle, suspendue au bout d’une petite chainette dorée, pendait autour de son cou en émettant une douce lueur rouge-matinale. Il ne voyait rien à redire à son look et passa furtivement les mains dans ses cheveux pour les remettre en place. Après avoir plaqué un dernier épi, il rejoignit ses invités qui l’attendaient en bas.

La jeune fille et la femme aux longues oreilles étaient en pleine conversation. En entendant ses pas dans l’escalier, elles se tournèrent vers lui pour le voir arriver.
- Viens écouter ça Serge, c’est fou tout ce que me raconte Elian. Dis donc, t’en as mis du temps à te changer, t’es passé chez l’esthéticienne ou quoi ? Enfin bon, t’as l’air moins endormi maintenant. En tout cas, j’ai appris plein de trucs bizarres. Il parait qu’il existe plein de races différentes, enfin, je veux dire, pas comme les chiens ou les chats, mais des êtres proches des humains mais qui n’en sont pas vraiment. Il parait que les gens comme nous sont des Humes et qu’Elian fait partie des Vieras. Et puis il y a les Vangas qui ressemblent à de grands lézards à taille humaine et qui marchent debout ! Et il y en a plein d’autres comme ça ! Mais je ne comprends pas, j’ai jamais vu de trucs pareils ! Enfin, de gens je veux dire… s’excusa Christy en se tournant vers l’autre femme.
- Tu veux bien la laisser parler ? put finalement placer Serge alors que Christy semblait terriblement gênée d’avoir traitée Elian de "truc".
Le jeune homme s’était arrêté sur les dernières marches de l’escalier pour écouter son acolyte débiter son nouveau flot de paroles. Celle-ci s’étant enfin tue, il se rapprocha des deux femmes.
- Vous voulez boire quelque chose ? demanda Serge en se tournant vers la Viera.
- Oui, avec plaisir, lui répondit-elle.

Il se dirigea vers la cuisine, prit trois verres dans le placard et sortit une grande bouteille de jus d’orange du décondenseur. Cet appareil pouvait réduire la concentration du flux circulant à l’intérieur des compartiments pour conserver les aliments froids. Il plaça tout ceci sur un plateau qu’il transporta jusque dans le salon. Après avoir invité ses hôtes à s’asseoir dans le canapé, il posa les verres sur la table basse et les remplit abondamment du liquide rafraîchissant. Une fois que chacun eut son verre à la main, il s’assit face à elles dans un petit fauteuil de velours. Il fut alors le premier à reprendre la parole.
- J’avoue que je ne comprends toujours pas trop ce qu’il se passe. Comment êtes-vous arrivée ici ?
- Je n’en sais rien… la dernière chose dont je me rappelle avant de me retrouver dans cette rue, c’est d’être chez moi, à Rabanastre. J’ai entendu une grande déflagration et j’ai senti le myste se condenser comme jamais. Et puis d’un coup, je me suis retrouvée ici et très vite, tous ces Humes m’ont encerclée sans que j’ai le temps de comprendre ce qui venait de m’arriver.
- Le myste ? Qu’est-ce que c’est ? questionna Serge.
- C’est un flot d’énergie qui circule dans la terre, dans l’air et dans nos corps. C’est lui qui nous donne la vie. Et c’est aussi lui qui est à l’origine de la magie, comme le sort de soin que j’ai lancé il y a quelques nuances pour me soigner. Ton Premier soin aussi utilise la force du myste.
- J’ai l’impression que cela ressemble beaucoup à notre flux. C’est peut-être ça. Sauf que je n’avais encore jamais vu de magie avant.
- J’ai cru comprendre en voyant vos têtes quand j’ai lancé le sort. Normalement, cette magie blanche n’a rien d’extraordinaire. Mais quelque chose m’inquiète. Je ne sens que très peu de myste par ici. Et j’ai aussi l’impression qu’une énergie maligne rôde dans les parages. Nous, les Vieras, ressentons très précisément les mouvements du myste et les sentiments dont il est chargé. Et il se fait très rare dans cette ville. Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas pour ça qu’il n’y a pas plus de Mystiliens.
- Des Mystiliens ?
- Des êtres du myste. Ce sont tous ceux qui sont créés par le myste et qui vivent grâce à lui. J’en fais partie. Pour ce qui est des Humes comme vous, ce sont des êtres intelligents qui ne dépendent pas du myste mais du mako.
- Le mako… ce doit être lui, notre flux, conclut Serge.

Un court silence s’instaura puis Elian reprit la parole.
- Dites-moi, avez-vous déjà entendu parler de Jénova ?
- Jénova ? fit Christy, non jamais, pourquoi ? Qu’est-ce que c’est ?
- Serge ? Qu’y a-t-il ? demanda la Viera.
En effet, le garçon était plongé dans ses pensées, comme cela lui arrivait souvent. Jénova. Il avait déjà entendu ce nom. Lorsque la voix l’avait prononcé pour la première fois, il pensait encore qu’il était en plein rêve. Mais maintenant, il savait qu’il n’en était rien. Ce mot était bien réel.
- Oui, j’en déjà entendu ce nom. Mais je n’ai aucune idée de qui c’est.
- Si vous ne savez pas ce qu’est Jénova, c’est qu’il se passe vraiment quelque chose que je ne comprends pas. J’ai l’impression que tout ce qui existait dans mon monde a disparu. Comment est-ce possible, comme ça, en une fractance ?
- Elian, dites-nous qui est Jénova. Peut-être est-ce comme pour le flux, nous n’utilisons juste pas les mêmes mots.
- D’accord. Jénova est une entité qui est apparue il y a un demi centycle et qui dévaste tout sur son passage. En réalité, personne ne sait vraiment ce qu’elle est. Tout ce que je sais, c’est qu’elle peut prendre toutes les formes qu’elle souhaite et que sa taille est inimaginable. J’ai déjà eu l’occasion de la voir de mes propres yeux, mais je serai incapable de la décrire. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’elle dégage une odeur de myste phénoménale et qu’elle sent le mal sous toutes ses formes. Depuis son arrivée, Ivalice est plongé dans le chaos et personne ne sait comment l’arrêter.
- Je n’ai jamais rien entendu de tel, affirma Serge. Et toi Christy ?
- Non, moi non plus, fit-elle dubitative.
- Si une telle chose existait dans votre monde, vous le sauriez.
- Dans notre monde ? s’étonna Serge. Vous pensez que nous sommes de deux mondes différents ?
- Je ne sais pas, c’est la seule explication que j’ai pour le moment. Mais je n’ai aucune idée de la façon dont je me suis retrouvée ici. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a énormément de différences entre l’endroit d’où je viens et ici. Que ce soit en ce qui concerne l’absence de Jénova, mais aussi la faible quantité de myste que je ressens dans l’air.
Elian prit quelques instants pour réfléchir et finit d’une seule traite le jus d’orange qui restait au fond de son verre. Les deux autres avaient déjà fini le leur et Serge commença à rassembler la vaisselle sur le plateau. C’est à ce moment qu’il frôla le bras de la Viera.

Une douleur atroce et maintenant familière lui traversa la poitrine. Un cri. Mais cette fois-ci, il ne retentit pas dans sa tête. Ce fut la voix d’Elian qui résonna dans la pièce. Le garçon vacilla. Le plateau glissa de ses mains et les verres vinrent se briser sur le carrelage. Titubant en arrière, il se laissa tomber et se retrouva assis au milieu du salon. La douleur se calma.

Se relevant brutalement du canapé, la femme recula pour s’éloigner de Serge tout en lui faisant face. Entre les deux, Christy était restée assise et cachait sa bouche derrière ses mains pour réprimer un cri de frayeur. La Viera était en pleine crise de panique.
- Ce n’est pas possible ! Qu’est-ce que tu es ? Sur le myste, je n’ai jamais ressenti une sensation aussi violente !
Au sol, Serge n’avait déjà plus mal. S’habituait-il à cette horrible sensation qui le parcourait ? Qu’est-ce qui pouvait bien l’avoir déclenchée cette fois-ci ? Le contact avec le bras de cette étrange femme venue de nulle part ? Pourquoi ? Tant de questions se chamboulaient dans sa tête qu’il lui était impossible de s’arrêter sur l’une d’elles pour y réfléchir correctement. Et Elian semblait tout aussi déstabilisée que lui, peut-être même plus.
- Qu’y a-t-il ? osa demander Serge. Que s’est-il passé ?
- Cette sensation, cette haine… je n’ai jamais ressenti ça avant. Si ce n’est… non, ce n’est pas possible !
- Quoi ?
- J’ai déjà senti quelque chose d’approchant, bien que la source était plus éloignée de moi.
- Et qu’est-ce que c’était ?
- Jénova…