samedi 28 février 2009

Chapitre 5 - Partie 3

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 3


A peine eut-il pénétré dans la clairière qu’un éclat de lumière blanche prenant naissance dans le creux de sa main laissa place à son épée argentée. Ses pas le portaient à une vitesse incroyable, semblable à celle qu’il avait atteinte lorsqu’il avait poursuivi Diguel dans Altéa. Plus déterminé que jamais dans son habit de soldat, le garçon avait laissé sa peur derrière lui et se ruait vers le danger sans avoir conscience un seul instant des risques qu’il encourait. Si ce n’était pour son frère, Serge n’avait encore jamais ressenti une telle envie de protéger quelqu’un à tout prix. Ce genre de sentiments étaient nouveau pour lui, lui qui avait toujours vécu avec la solitude comme meilleure amie. Pourtant, cette fougue et ce rapport à l’autre lui semblait presque familier. Comme si ce caractère si différent de ce qu’il était habituellement dormait au fond de lui et n’attendait que ces évènements pour se réveiller.

Le glouton qui tenait toujours le chocobo captif était désormais à quatre-vingts mètres et la vitalierra à seulement quelques enjambées. Le géant n’avait toujours rien remarqué, toujours occupé avec son jouet qui était destiné à lui servir de repas. La plante, elle, continuait à avancer à une allure modérée, ses tentacules végétaux ondulant dans l’air, chahutant le corps de Christy dans tous les sens. Cette créature non plus ne semblait pas se rendre compte qu’un jeune homme empli de haine à son égard se rapprochait dangereusement.

Alors qu’il se laissait porter par ses jambes, Serge commença à préparer son attaque. Son objectif était de libérer la jeune fille de l’emprise étouffante de ces lierres maléfiques. Un coup du tranchant de sa lame devrait suffire à sectionner les lianes entre le bourgeon et sa prisonnière. Pour l’instant, son plan s’arrêtait là et il était maintenant trop près de sa cible pour pouvoir réfléchir davantage. La créature ne devait d’ailleurs pas être très intelligente puisqu’elle n’avait toujours pas montré un seul signe d’attention envers son poursuivant.

Il y était. Serge avait rejoint l’extrémité de la plante qui détenait Christy et il pouvait voir ses vêtements d’archère à travers l’enchevêtrement de lierre. Au moment où il dépassa la captive, il éleva son arme et l’abattit violemment vers les tentacules qui ne cessaient de gesticuler. Mais le monstre n’était probablement pas si bête que cela puisqu’il réagit instantanément en ondulant ses appendices qui esquivèrent sans difficulté le coup qui aurait dû les trancher net. Dans le même mouvement, la vitalierra éloigna sa proie de son assaillant et, avant même que celui-ci n’ait eu le temps de se rétablir, elle la propulsa sur lui à une vitesse inouïe. Toujours emprisonnée dans ce méandre de verdure, Christy percuta le jeune homme de plein fouet et il fut propulsé dans les airs avant de retomber au sol quelques mètres plus loin.

Complètement sonné par la violence du coup, Serge resta allongé quelques secondes. Il avait été frappé en plein visage et sa mâchoire lui faisait atrocement mal. Il avait l’impression qu’elle avait été arrachée mais une rapide vérification lui prouva le contraire. Elle était toujours présente et fonctionnait apparemment très bien. Mais alors qu’il passait sa main sur sa joue meurtrie, ses doigts effleurèrent la blessure verdâtre que lui avait laissée son précédent adversaire. La douleur combinée à la rancœur qu’il éprouvait fit monter en lui un sentiment de haine indescriptible qu’il n’avait alors jusque-là jamais ressenti. Comme si quelque chose brûlait en lui, un désir de vengeance irrépressible qui le consumait. Sa colère était tellement forte qu’il entendit à peine la voix d’Elian derrière lui.

- Serge ! Ca va ? Peux-tu te relever ?
Accompagnant ses paroles, elle se pencha pour l’aider à se redresser mais il lui fit barrage de son bras gauche pour l’empêcher d’approcher. Dans son geste, son biceps effleura la peau bronzée de la Viera et à son contact, il ne put retenir un cri tandis que la femme fit trois pas en arrière, une grimace de dégoût déformant son visage. "Jenova" pensa-t-il. Cela n’était pas pour le calmer. Cette chose était toujours en lui et cette pensée renforça tout son ressentiment. Il se releva, ignorant les appels d’Elian qui répétait son prénom sans cesse, espérant une réponse de sa part. Son regard se posa sur la créature qui avait enlevé son amie et qui l’avait si brusquement assommé. Il n’avait désormais qu’une seule idée à l’esprit. "Brûle, brûle, brûle". Ce mot résonnait en boucle dans son crâne alors que la vitalierra s’éloignait de sa même démarche ondulante, exhibant sa proie comme un trophée. Tandis que Serge fixait la plante sans relâche, ne pouvant extirper son envie de la voir brûler de sa tête, le géant détourna son attention de son jouet-chocobo pour observer l’arrivée de son prochain déjeuner, servi sur un plateau par son monstrueux majordome. C’est à cet instant précis que le miracle se produisit.

Comme si les yeux du jeune homme projetaient des flammes invisibles, le bourgeon prit feu, sujet à une improbable combustion spontanée. Des flammèches rougeoyantes commencèrent à valser tout autour de la créature, consumant son corps végétal qui se mit à pousser des cris abominables, produisant un son atrocement aigu et chevrotant, proche du cochon que l’on égorge. Les flammes léchèrent le bulbe jusqu’à le recouvrir tout entier et commencèrent à s’attaquer aux lianes qui s’agitaient, comme prises de folie. L’unes après l’autres, elles relâchèrent l’étreinte qu’elles exerçaient sur Christy, la libérant de leur emprise mortelle. La jeune fille que plus rien ne retenait fit une chute de plus d’un étage et atterrit sans ménagement sur l’herbe verte. Les tentacules, quant à elles, se livraient à une danse frénétique qui traduisait la terreur qui les submergeait. Puis, les gesticulations ralentirent pour finalement s’arrêter complètement. Les lianes qui se trouvaient encore en l’air s’affaissèrent et s’éparpillèrent sur le sol. Les flammes disparurent aussi soudainement qu’elles étaient apparues, laissant place à un amas calciné entouré de lierre qui n’avait maintenant plus rien d’effrayant. Tel un nuage de fumée formé par l'extinction de braises ardentes, du myste s’extirpa des cendres et resta suspendu à quelques mètres au dessus du sol, laissant s’épanouir de radieuses couleurs.

Il avait réussi. Tout du moins pour le moment. Cet incendie improvisé avait mis fin à l’existence improbable de cette plante. Etait-ce vraiment lui qui avait déclenché ce phénomène ? Serge avait du mal à le croire et pourtant, ça ne pouvait pas être une coïncidence. Il avait tellement souhaité voir cette créature s’enflammer et l’instant d’après, son désir était devenu réalité. Cependant, le temps de se poser plus de questions n’était pas venu et Elian le ramena à la réalité.

- Il faut sortir Christy de là ! Serge, il faut faire quelque chose !

En effet, la jeune fille était toujours sur le sol, là où les lianes l’avaient abandonnée. Le garçon se sentit soulagé lorsqu’il la vit se redresser pour se mettre à genoux. Mais le danger n’était pas écarté et se présentait sous la forme d’un monstre bien plus imposant que la vitalierra. Le glouton qui n’avait jusqu’à présent pas réagi, observant son domestique se consumer sous ses petits yeux jaunes, sembla soudain se réveiller et émit un grognement rauque qui fit frémir le jeune homme sous son armure de cuir. Le géant tenait le chocobo d’une main, mais il ne s’en préoccupait plus du tout. Christy s’était effondrée à soixante-dix mètres devant lui et reposait au milieu des restes calcinés de la plante. Serge profita de cette absence d’initiative de la part du monstre pour se précipiter au secours de son amie.

Le glouton se décida alors à agir. Fou de rage, il se débarrassa du volatile qu'il n'avait toujours pas avalé et l’envoya rouler sur l’herbe, le laissant inanimé au milieu de la clairière. Se faisant, il poussa un hurlement caverneux, ouvrant grand sa gueule et laissant apparaître une longue langue violette dégoulinante de bave. Ecartant ses bras semblables à deux citernes, il forma deux barrières de chaque côté de son corps et se mit à courir en direction de la jeune fille qui ne put retenir un cri en le voyant. Un mur vivant qui faisait trembler le sol sous ses pas se précipitait sur elle, prêt à tout écraser sur son passage. Ses jambes dépourvues de genoux n’étaient pas propices à la marche mais il en était tout autre pour la course. Se propulsant d’une patte sur l’autre, faisant des bonds impressionnants, il se rapprochait dangereusement. Christy essaya de se lever, mais lorsqu’elle essaya de s’appuyer sur sa jambe droite, une douleur fulgurante l’élança à la cheville et elle se retrouva à nouveau à terre. Décidée à ne pas se laisser faire, elle fit apparaître son arc et, s’appuyant sur sa jambe valide, décocha une flèche en un instant. Mais elle ne vit jamais où celle-ci avait touché son adversaire ni si elle lui avait fait un quelconque effet. Au moment même où elle lâcha la corde, elle se sentit tirée vers le haut et se retrouva debout à côté de Serge, s’appuyant contre lui, un bras autour de son cou. Pendant une fractance, elle fut soulagée, mais très vite, elle reprit conscience de la situation.

- Qu’est-ce que tu fais, lâche-moi !
Le jeune homme ne lui répondit pas, tentant de s’éloigner le plus rapidement possible du géant en clopinant car, à eux deux, ils formaient une créature qui n’avait que trois jambes valides sur quatre.
- Lâche-moi, on n’arrivera jamais à le semer avec ma cheville. Sauve-toi ! hurla Christy.
Et elle avait raison. Le glouton se rapprochait d’eux à une vitesse fulgurante et ils allaient bientôt être tous les deux à sa merci. Ils sentaient le sol vibrer sous leurs pieds et les secousses se faisaient de plus en plus inquiétantes. Fuyant la créature, ils ne pouvaient voir à quelle distance elle se trouvait bien qu'ils étaient sûrs qu’elle allait bientôt les rattraper et qu'ils n'auraient jamais le temps de rejoindre la forêt. Si seulement Elian pouvait soigner la blessure de Christy. Mais Serge ne la voyait nulle part et de toute façon, ils n’auraient pas eu le temps pour ça. Mais il refusait de laisser la jeune fille se faire tuer, cela était inconcevable.
- Je ne te laisserai pas ! cria-t-il avec plus de détermination qu’il n’en avait jamais eue.

A ces mots, il s’arrêta net et se tourna face au monstre, forçant son amie à faire la même chose. Le colosse était à peine à cinq mètres d’eux et Serge eut tout juste le temps de voir ses bras puissants se rapprocher comme deux massues, bien décidés à faire d’eux une bouillie innommable lorsque les poings se seraient rejoints, écrasant leurs proies comme de vulgaires moucherons. Plongeant en avant, serrant Christy contre lui pour être certain qu’elle ne le lâcherait pas, il précipita leurs deux corps contre le sol et sentit les muscles gonflés des avant-bras du glouton lui passer à quelques millimètres au dessus du dos. Les mains rocailleuses du colosse s’entrechoquèrent dans un fracas qui fit résonner tout l’air environnant. Ne perdant pas une fractance, il se redressa, supportant toujours le poids de sa partenaire, et courut aussi vite qu’il le pût entre les pattes du géant, se penchant pour pouvoir passer sous la tête monstrueuse qui ne les avait pas vu s’échapper.

Lorsque le glouton écarta ses poings pour contempler le massacre qu’il avait accompli, il ne vit pas les deux pantins sans vie qu’il s’attendait à découvrir. Tandis que les deux rescapés s’échappaient en boitant aussi peu que possible, un rugissement d’une puissance effrayante retentit derrière eux. Mais ils ne se retournèrent pas et continuèrent leur course désespérée pour s’en éloigner le plus rapidement possible. Face à eux, ils reconnurent le corps recouvert de plumes jaunes du chocobo et les oreilles d’Elian qui dépassaient derrière l’animal. De cet endroit surgit un flash blanc et l’oiseau rayonna d’une douce lumière apaisante.

Fou de rage, le colosse bleu s’évertuait à se retourner. Cela n’était pas aisé pour lui, ses articulations ne lui facilitant pas la tâche, mais il réussit finalement à avoir les deux miraculés dans son champ de vision. Refusant de les laisser s’échapper, il se remit à leur poursuite, martelant le sol de ses pattes griffues, aplatissant l’herbe et laissant sur son chemin de gigantesques empreintes.

Les tremblements de terre répétés indiquaient aux fuyards que le glouton avait repris sa charge frénétique et ils savaient qu’il les aurait très vite rejoints. Leur seule chance de survie était de s’enfoncer dans la forêt, là où le géant ne pourrait pas les suivre. Mais que faisait Elian ? Serge avait bien compris son intention, mais avait-elle le temps pour ça ? Qu’avait-elle derrière la tête ?

Au dessus du cadavre calciné de la vitalierra, le nuage de myste s’excitait. Les deux jeunes Humes, dans leur fuite vers les arbres protecteurs de Mirkwood, allaient bientôt le rejoindre.

L'épiderme du jeune homme, qui n’avait pas cessé d’émettre un léger rayonnement doré, synonyme de la protection prodiguée par la mage blanche, reprit sa couleur habituelle.

Serge et Christy venait d’atteindre l’endroit où la plante s’était consumée. Aucun d’eux ne vit le myste se mettre en mouvement et se diviser en trois filaments distincts. L’un s’éloigna pour rejoindre la Viera tandis que les deux autres se dirigèrent vers le duo de survivants. Derrière eux, le glouton se rapprochait inexorablement.

Le contact fut surprenant. Quand l’influx eut lieu, Serge n’avait aucune idée de ce qu’il lui arrivait. Il n’avait pas vu le myste s’insinuer dans son corps. A peine eut-il compris ce qu’il se produisait que la douleur prit le dessus. Ne pouvant plus soutenir le poids de son amie blessée, il s’effondra, entraînant Christy dans sa chute.

Au tréfonds de ses entrailles, la lutte contre ces deux puissances étrangères commença. Malgré cela, il put sentir le sol vibrer contre son torse. Le monstre était très proche. Maintenant, il se sentait traîné sur l’herbe. Quelqu’un tentait de le tirer, de l’éloigner du colosse. Christy. Au fond de lui, le tourbillon qui lui brûlait l’estomac continuait de faire des ravages. Tous ses muscles étaient crispés et il ne pouvait plus faire un seul geste. Quelqu’un criait à côté de lui mais il ne put reconnaître aucun mot. Son corps avait cessé de glisser, on ne s’occupait plus de l’écarter du danger. Peu à peu, la douleur se faisait moins prenante. Bientôt, il allait pouvoir rouvrir les yeux. Mais à quoi bon ? Son destin était scellé. Le glouton n’était plus qu’à quelques pas, il pouvait le sentir. Au fond de lui, le combat se terminait. Le myste avait réussi à se faire une place, comme d’habitude. Reprenant le contrôle de son corps, il entrouvrit les paupières et eut juste le temps de se retourner pour voir une masse marron s’abattre sur lui.

Le choc fut violent mais pas mortel. Avec le peu de conscience qu’il lui restait, Serge comprit qu’il était prisonnier du poing de la créature et qu’elle n’avait plus qu’à le serrer pour lui briser les os. Complètement sonné par le coup qu’il venait de subir, son esprit s’embruma et sa vue se brouilla. Face à lui, sur la terre ferme, il crut distinguer Christy, ses cheveux blonds brillants sous le rayonnement du flux. Souhaitant de toutes ses forces qu’elle puisse s’en sortir et accordant une dernière pensée à son frère disparu, il s’évanouit tandis qu’un éclair noir traversait son champ de vision.

mardi 10 février 2009

Chapitre 5 - Partie 2

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 2


Saisis sur place à la vue de ce spectacle atroce, Serge et Christy ne purent esquisser un mouvement. Toute leur attention était dirigée sur cette scène irréelle. Le monstre devait faire dans les cinq mètres de haut, mais ce n’était pas ce qui était le plus impressionnant. Son allure générale était pour le moins déconcertante. En effet, il ne semblait pas posséder de torse à proprement parler. Son corps, dont la peau rugueuse était teintée d’un bleu clair étonnant, n’était constitué que d’une gigantesque gueule dont les dents sales et usées témoignaient de la cruauté dont elles avaient déjà dû faire preuve. Un large nez aplati surplombait la mâchoire supérieure et deux petits points jaunes révélaient l’emplacement des yeux de la créature. A l’arrière de cette tête qui défiait toutes les lois de la proportion, deux long bras puissants s’étendaient, prenant naissance là où des oreilles auraient dû se trouver. Chacun des avant-bras se terminaient par une main dont les trois doigts étaient dotés de griffes redoutables. A partir du poignet jusqu’aux extrémités acérées, la peau prenait une couleur brune et avait l’aspect d’une carapace dont les anneaux paraissaient durs comme de la pierre. Chacun de ces bras devaient faire dans les six mètres, ce qui donnait à ce spécimen incroyable une envergure avoisinant les seize mètres. Les épaules quant à elles étaient recouvertes d’une ossature dont la forme et la coloration rappelaient les plaques d’une armure de bronze. Deux larges cuisses soutenaient la créature, directement rattachées à l’arrière de la tête, juste sous les bras. Contrairement à ceux-ci, ces jambes dénuées de mollets étaient très courtes et maintenaient la gueule à seulement un mètre du sol, ce qui étaient peu en comparaison de la taille du prédateur. Les pattes qui supportaient tout le poids du monstre étaient semblables en tout point aux mains à ceci prêt que les orteils étaient plus espacés pour assurer une meilleure stabilité mais également moins articulés. Serré dans son poing droit, le chocobo avait cessé de se débattre.

Serge qui s’attendait à découvrir l’oiseau jaune à la merci d’une de ces abeilles démesurées ne sut comment réagir face à ce nouvel adversaire. Christy aussi était sous le choc et ce ne fut que grâce à la vivacité d’Elian qui les tira en arrière qu’ils se retrouvèrent à nouveau à couvert.
- Vous êtes fous ! Pourquoi êtes vous partis à leur poursuite ? murmura la Viera, leur faisant comprendre son mécontentement.
- Tu as vu ce truc ? questionna le jeune fille, trop abasourdie par ce qu’elle venait de voir pour pouvoir écouter les reproches qui lui étaient faits. C’est énorme !
- Oui, c’est un glouton. Un carnassier violent qui dévore toutes les créatures qui sont assez petites pour rentrer dans son gosier. Vous auriez pu vous faire tuer, vous êtes totalement inconscients !
- Oui, pardon… s’excusa finalement l’étudiante. Mais on pensait qu’il n’y aurait qu’une abeille. Je croyais que ça ne poserait pas de problème. On sait comment faire maintenant.
- Détrompe-toi, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver et chaque affrontement est différent. Ta technique aveuglante ne fonctionnera pas à tous les coups, alors ne soit pas trop sûre de toi. Et toi Serge, je t’avais dit de ne pas te lancer dans la bataille sans réfléchir ! Tu as oublié l’infection que tu as contractée ?

Elian s’était tournée vers le garçon, souhaitant lui faire les remontrances qu’elle jugeait utiles, mais celui-ci ne l’écoutait pas. Il était tourné vers la clairière et observait, horrifié, le monstre à travers les branchages. Il jouait avec le chocobo, le prenant par une patte et le balançant comme un vulgaire bout de viande dont il comptait bien faire son futur repas. Le volatile, vidé de toutes ses forces, tentait désespérément de se libérer en étendant ses ailes, mais cela se résumait à quelques faibles battements tant son bourreau l’avait torturé. La Viera supportait elle aussi très mal le spectacle, mais elle savait pertinemment qu’ils ne pouvaient rien y faire et elle interpella à nouveau le jeune homme afin de le détourner de cette atrocité.

- Serge ! Ecoute-moi.
Pas de réponse.
- Serge !
- On ne peut pas laisser faire ça ! finit-il par annoncer.
- Nous n’avons pourtant pas le choix. Ce glouton est bien trop fort pour nous.
- Mais regarde ce qu’il est en train de faire !
- Je sais, c’est horrible, mais c’est la nature. Crois bien que je souhaite de tout mon cœur que ce chocobo s’en sorte, mais nous n’y pouvons rien. Surtout que mes sorts de guérison sont toujours inefficaces sur toi. Qui ira sauver ton frère si tu te fais tuer ?

En entendant ces dernières paroles, Serge détourna la tête et ferma les paupières en serrant les poings de toutes ses forces. Il se sentait impuissant et ressentait toute l’injustice dont ce monde pouvait être fait. L’image de son frère lui traversa l’esprit et il comprit qu’il ne pouvait pas le trahir, qu’il ne pouvait pas l’abandonner en risquant sa propre vie dans un combat perdu d’avance. Pourtant, quelque chose en lui se refusait à prendre la décision d’abandonner l’animal à son triste sort. Il ressentait le besoin de se lancer dans la bataille Une réaction absurde quand on sait que deux fluances plus tôt, il n’avait encore jamais tenu une arme entre ses mains. Sachant pertinemment que son argument n’aurait aucune valeur, il essaya une dernière fois de convaincre la Viera, cherchant ainsi à se prouver qu’il avait tout tenté avant de reprendre leur chemin.
- Xav’ adorait les animaux. Il voudrait que j’intervienne.
- Tu as sans doute raison, acquiesça-t-elle, tu le connais mieux que moi. Mais les gens cherchent trop souvent à être héroïques dans de telles situations. Combien de personne ont risqué leur vie sans raison juste pour prouver qu’ils étaient vertueux. La vie de ton frère est plus importante à tes yeux que celle de ce chocobo. Alors ne suis pas ces pulsions qui te poussent à prendre des risques inconsidérés.

Elian avait dit tout cela avec une douceur inouïe et apaisante qui aida sans aucun doute à le raisonner, même si au fond de lui, il était déjà convaincu. Il jeta un dernier coup d’œil vers la clairière où il aperçut le géant s’amuser en tenant l’oiseau par chacune de ses ailes, prêt à l’écarteler. Avec tous les remords du monde, il s’en détourna et dit d’une voix qu’il voulait déterminée.
- Allons-y.

Il commença à faire demi-tour à l’instant même où il entendit Christy pousser un hurlement. Elle qui s’était faite si discrète pendant qu’Elian s’occupait de Serge n’avait pu retenir un cri lorsqu’elle vit ce qui était en train de lui arriver. Des tiges ramifiées de centaines de feuilles étoilées étaient en train d’entraver ses mouvements en s’enroulant autour de ses jambes et de ses bras. Les longues lianes semblaient se mouvoir par leur propre volonté et ni Serge ni la Viera n’eurent le temps de réagir. En une fractance, la jeune fille était totalement ligotée et incapable de se débattre. L’instant d’après, elle fut tirée vers le haut, disparaissant dans les feuillages à quelques mètres au dessus d’eux sans qu’ils ne puissent venir à son secours.

- Christy ! hurla Serge, incapable de réprimer sa terreur malgré le glouton qui se trouvait de l'autre côté de la clairière. Mais son appel ne fut pas vain puisqu’il obtint une réponse dont le timbre de la voix traduisait un affolement extrême.
- Serge ! Au secours ! Aide-moi !
Et les cris continuèrent, emplis d’une peur plus poignante que jamais. Le jeune homme, totalement démuni, resta sur place sans trouver d’autres solutions que de répéter le prénom de l’étudiante, comme si cela pouvait la ramener. Mais Christy avait disparu et il ne l’entendait même plus crier. La cherchant désespérément des yeux dans les hauteurs de la forêt, le garçon ne découvrit ce qu’elle était devenue que lorsqu’Elian attira son attention en un tout autre endroit.
- Regarde. Elle est là. Une vitalierra l’a capturée !

Serge suivit la trajectoire de son doigt qui désignait la direction de la clairière. Il ne comprit pas tout de suite ce qu’il devait voir, puis découvrit à sa grande stupeur une masse verte qui ondulait sur l’herbe. Prise au piège dans un enchevêtrement de lierre, il reconnut la silhouette de la jeune fille. Son corps était totalement recouvert par une couche végétale et il n’y avait guère plus que ses cheveux dorés qui demeuraient visibles. Les extrémités des lianes meurtrières se rejoignaient au sommet d’une petite boule verdâtre semblable à un bourgeon éclot à ceci près qu’il se déplaçait sur quatre paires de petites pattes d’insecte. Tout en avançant, elle trainait sa prise derrière elle, l’agitant dans tous les sens. Son déplacement était précis et sa destination ne faisait aucun doute. La plante livrait sa prisonnière au géant qui s’amusait toujours avec sa précédente proie. En voyant ce serviteur apporter son repas au glouton, Serge comprit comment une créature aussi grosse avait pu se saisir d’un animal aussi rapide que ce chocobo. Mais il ne s’attarda pas sur ces considérations. Il avait été capable de se contenir lorsque ce n’était que le volatile qui était menacé. Cette fois-ci, la situation était différente et rien ne pouvait le faire changer d’avis. Elian en était parfaitement consciente et elle était de toute façon incapable de laisser cette enfant se faire dévorer. Sachant qu’elle ne pourrait pas arrêter le garçon une fois celui-ci parti à l’assaut, elle fit apparaître son bâton et ne perdit pas une fractance. Instantanément, l’éclat blanc habituel fit son office et deux sphères taillées de multiples facettes apparurent autour d’eux avant de se disperser dans une explosion qui provoqua un son clair et presque inaudible. Sur le coup, Serge fut surpris puis comprit très vite ce qui s’était passé. Sa peau luisait désormais d’un faible éclat doré. Il se tourna vers celle qui venait de lui attribuer cette protection, lui exprima sa reconnaissance par un regard et s’élança sur ce qui devait bientôt devenir un nouveau champ de bataille.