samedi 4 juillet 2009

Dernier post, mais l'aventure continue !!!

Bonjour à tous !

Ceci n'est pas une nouvelle partie de mon roman, malheureusement. Vous avez pu remarquer que je n'ai pas publié depuis un bout de temps. Ceci s'explique facilement. Je n'ai pas arrêté l'écriture, mais je vais cependant arrêter de publier sur ce blog, ceci pour diverses raisons qui me sont propres. Le blog servira désormais d'avant-goût aux lecteurs qui, tout comme vous, pourraient tomber dessus et ainsi découvrir l'univers et le début de l'intrigue. Si cela vous plait, il y a un moyen de lire la suite. Contactez-moi par e-mail à l'adresse que vous trouverez dans mon profil accessible par la colonne de gauche. De cette façon, je pourrais vous faire parvenir la suite de façon plus personnelle. J'espère que ce changement ne vous dérangera pas trop.

Avec toutes mes amitiés et en espérant que vous avez apprécié le début des aventures de Serge et Cie au moins autant que moi,

Julien

samedi 4 avril 2009

Chapitre 5 - Partie 6

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 6


Christy ressentit la désormais familière sensation de fraîcheur et de bien être lorsque l’influx pénétra son abdomen, s’immisçant à travers les fibres de sa chemise de coton comme si elles ne constituaient qu’un filet aux mailles bien trop larges pour lui opposer une quelconque résistance. Elle eut l’impression d’être à nouveau en pleine forme, peut-être même plus qu’elle ne l’avait jamais été. Les quelques instants durant lesquels le myste s’installa en elle semblaient déconnectés de toute réalité, hors du temps. Pourtant, lorsque Serge cessa de la supporter, elle comprit qu’elle n’était toujours pas capable de se maintenir debout par elle-même. Bien que la douleur ait totalement disparu, ses jambes fléchirent et elle ne put rien faire d’autre que de se laisser tomber à terre lorsque le jeune homme s’effondra.

La fraîcheur bienfaisante qui inondait les moindres recoins de son organisme se dissipa rapidement et la première sensation réelle qu’elle éprouva fut le retour de la douleur qui saisissait sa cheville. N’ayant pas oublié un seul instant l’urgence de la situation, elle se ressaisit et se retourna pour faire face à l’énorme créature qui se ruait vers eux. Assise dans l’herbe, elle sentait le terrain trembler sous elle, conséquence du martellement impitoyable des puissantes pattes du glouton contre le sol de la clairière. Sans réfléchir plus longtemps, elle attrapa les bras du garçon qui gisait à ses côtés, le ramena contre elle et s’efforça de le tirer le plus loin possible du monstre. L’entreprise était difficile, la jeune fille n’ayant qu’une seule jambe valide pour traîner le poids cumulé de leurs deux corps. Un sillon formé de verdure arrachée se dessinait sous leur passage, preuve de leur pénible reptation. Fesses contre terre, elle ramenait son pied gauche contre sa cuisse pour l’enfoncer dans le sol et pousser de toutes ses forces avant de recommencer. Chaque mouvement les faisait progresser de quelques dizaines de centimètres seulement, bien trop peu pour espérer échapper au géant qui se rapprochait à vive allure. Tenter de s’enfuir dans de telles conditions défiait toute logique rationnelle, mais la logique n’avait plus rien à voir là-dedans. Une seule chose comptait. Le sauver. Elle ne le laisserait pas mourir sans avoir tout tenté pour le sortir de là. Après ce qu’il avait fait pour elle, elle ne pouvait se résoudre à l’abandonner. Pourtant, elle ne voyait aucune issue et elle comprit finalement qu’elle ne pouvait pas espérer sortir de cette impasse de cette manière. Désespérée, ne voyant plus qu’une chose à faire, elle cessa sa vaine retraite et relâcha les aisselles du jeune homme. Le regardant avec toute la reconnaissance qu’elle lui devait, elle était plus déterminée que jamais. D’une voix forte, proche du cri, elle exprima sa volonté de le sauver, ne sachant pas s’il pouvait l’entendre ou non.

- Je ne te laisserai pas, Serge ! Je ne t’abandonnerai pas, quoi qu’il en coûte ! On s’en sortira, je te le promets !
Libérer ces quelques mots lui fit l’effet d’un coup de fouet et elle se sentit gagnée par un courage sans précédent. Relevant la tête et gardant un genou à terre, elle se redressa, fixa la créature en signe de défi et se prépara à l’inévitable.

Les fibres de lumière blanche tournoyèrent et s’emmêlèrent lorsqu’elle fit apparaître son arme argentée entre ses doigts. Une flèche y était déjà encochée, mais avant de lâcher la corde, Christy laissa exploser sa colère.
- Crève !
Le trait s’envola dans les airs, se recouvrant d’une fine couche d’obscurité au moment même où l’arc lui rendait sa liberté. Recouvert de son voile noir, il traça une ligne droite entre l’archère et sa cible, se déplaçant à une telle vitesse qu’il ne laissa aucune chance au glouton de lui échapper. Il percuta le monstre en plein milieu du front et y resta planté, libérant le halo aveuglant qui se dirigea vers les yeux du géant. Cependant, au lieu de se fixer devant les deux minuscules points jaunes, le voile obscur perdit de sa consistance jusqu’à se dissiper complètement avant d’avoir pu atteindre son objectif. La cécité que Christy espérait tant ne frappa pas la créature qui n’avait rien senti. A aucun instant elle ne freina sa course frénétique et elle n’était plus qu’à quelques enjambées de ses proies impuissantes.

La jeune fille eut à peine le temps de comprendre que son attaque avait échoué que le glouton était déjà sur eux. Baissant le regard vers Serge, elle le vit reprendre connaissance et se retourner péniblement. C’est à ce moment qu’un énorme rocher s’abattit sur lui avec une violence époustouflante. Elle n’eut pas l’occasion d’esquisser un seul mouvement, figée sur place à quelques centimètres du poing gigantesque qui venait d’écraser celui qu’elle avait juré de protéger. Puis elle vit les doigts aux griffes acérées se déplier et saisir le garçon, enveloppant son corps inanimé dans une main à la chair brune et dure comme de la pierre. L’élevant dans les airs, seule la tête du garçon restait visible. Christy contempla la scène sans pouvoir faire le moindre geste. Ses yeux se plongèrent dans ceux de Serge, mais elle n’y décela aucune trace de vie. Une terreur inconsidérée s’empara d’elle, les pires craintes dévorant son esprit. C’est à cet instant, alors qu’elle allait sombrer dans un profond désespoir, qu’elle prit conscience de l’indicible rage qui l’habitait. Une colère immense l’avait envahie tandis qu’elle contemplait la scène la plus tragique de son existence. Au fin fond de son être, elle ressentait une aversion sans pareil contre cet être pitoyable qui venait de broyer celui qui avait donné sa vie pour sauver la sienne. Agissant sans même se rendre compte de ses mouvements, elle se releva entièrement, sans aucune considération pour sa cheville blessée, ignorant tout ce qui pourrait l’empêcher de déferler sa rancœur envers son ennemi. D’un geste simple, rapide et sans défaut, elle s’empara d’une nouvelle flèche dans son carquois et l’encocha sur son arc. Alors qu’elle procédait à ce geste machinal, un crépitement se fit entendre tout autour d’elle. Lentement, elle ramena son bras en arrière, tirant sur la corde alors qu’une énergie rayonnante d’un noir de jais s’engouffrait dans le profil rectiligne qui s’apprêtait à être décoché. La tension qui résidait dans la corde était considérable et une puissance hors du commun attendait d’être libérée. Le visage de l’archère était quasiment sans expression, ses émotions étant trop intenses pour prendre une quelconque forme physique. Désormais, plus rien d’autre n’existait qu’elle, son arme et le géant qui se tenait devant elle. Relevant la pointe de son arme vers son adversaire, elle ajusta son tir et lâcha la corde.

Le projectile fusa droit vers l’épaule gauche du glouton, laissant derrière lui une trainée obscure qui persistait telle une brume noire impénétrable. La flèche rencontra la peau de la créature et s’insinua dans cette armure avec une facilité époustouflante, n’étant en aucune façon ralentie par cet obstacle. Traversant le monstre de part en part, le trait continua sa course sur quelques mètres avant de se figer dans l’air comme planté dans une surface invisible flottant en plein milieu du ciel. Le géant ne poussa aucun cri mais la surprise stoppa littéralement tous ses mouvements. Une ligne ténébreuse, brouillard insaisissable, reliait la flèche à l’arc qui l’avait propulsée et passait à travers la base du bras qui tenait le corps inerte du jeune homme. Le temps semblait être entré en état de stase lorsqu’un sifflement aigu commença à résonner dans l’atmosphère. Indéniablement issu de la brume mystérieuse, il s’amplifiait peu à peu et pouvait être comparé au son émis par un verre de cristal dont on effleurerait la surface avec le doigt. C’est alors que, en un instant, l’obscure matière vaporeuse changea brusquement d’état et se condensa en un pilier dur comme le diamant. Le phénomène fut accompagné d’un bruit cristallin et la sombre colonne déchira la chair du glouton en lui brisant l’omoplate et la clavicule aussi facilement que des allumettes. L’épaule transpercée par ce javelot incroyable, le monstre poussa un cri de douleur effroyable et lâcha sa prise, incapable de maintenir son étreinte. Serge, semblable à un pantin sans âme, fit une chute de plusieurs mètres et s’abattit sur le sol comme si les ficelles qui lui donnaient la vie avaient été coupées, laissant son corps inanimé.

Devant Christy, un pilier de ténèbres à la surface mate et irrégulière venait de prendre forme, transperçant la carapace du glouton. Tout autour de la blessure, des filets de sang commencèrent à s’écouler. Brusquement, dans un bruit de bris de glace, la colonne vola en éclat et chaque petit morceau se volatilisèrent, ne laissant aucune trace de leur précédente existence. A cet instant précis, la jeune fille, comme à bout de force, s’effondra et se retrouva à genoux. La plaie béante qui trônait sous l’épaule du monstre saignait abondamment et la créature avait perdu l’usage de son bras gauche. Pourtant, elle ne capitula pas et tourna son regard vers Christy en poussant un hurlement de rage. La gueule grande ouverte, il ne lui fallut faire que quelques pas pour rejoindre sa victime. L’archère, épuisée, ne put faire un geste lorsqu’elle vit le poing valide de son impitoyable ennemi se lever dans les airs, prêt à s’abattre sur elle.

- Kwoaaa !!!
Alors que la masse gigantesque commençait sa chute destructrice, la jeune fille entendit ce long cri et n’eut pas l’occasion de se poser plus de questions. Les yeux fermés, attendant la fin, elle se sentit agrippée par le bras et quitter la terre ferme. Un bruit retentissant agressa ses tympans tandis qu’elle se sentait portée par le vent. Lorsqu’elle ouvrit les paupières, tout défilait très vite sous ses yeux. Au loin, le glouton venait d’écraser tout ce qui se trouvait sous ses doigts, mais Christy n’en faisait pas partie. Au lieu de ça, elle contemplait la scène qui s’éloignait à une vitesse inouïe, toujours suspendue au dessus du sol, avec l’étrange sensation de voler. Puis, elle se sentit tirer vers le haut ce qui la fit regarder dans cette direction. Une main aux doigts longs et fins agrippait son poignet avant d’être rejoint par une seconde. Derrière ces mains, un mur jaune constitué d’une multitude de plumes se dressait. A peine comprenait-elle ce qu’il lui arrivait qu’elle vit deux grandes oreilles blanches qui dépassaient du mur de plume. L’instant suivant, c’était la tête entière d’Elian qui se penchait vers elle.
- Monte !

La rescapée joignit ses efforts à ceux de la Viera pour se hisser à ses côtés. Cela ne fut pas si aisé, mais elle se retrouva finalement assise derrière Elian, sur le dos rondouillard d’un chocobo. Ne s’étonnant pas plus longtemps de la situation, elle se rappela du danger qui n’était toujours pas écarté.
- Serge ! Il faut retourner le chercher !
- Je sais, on y est presque !
Les bras ceinturant le ventre de la Viera, elle se pencha légèrement sur le côté pour voir où ils se trouvaient. Face à elle, elle vit le glouton se rapprocher incroyablement vite, mais cette fois-ci, ce n’était plus lui qui courait, mais l’animal qu’elle chevauchait. Pendant qu’elle s’était efforcée de grimper sur le volatile, celui-ci avait amorcé un demi-tour et fonçait sur le monstre qui voulait l’aplatir quelques fractances plus tôt. Le géant avait à peine compris que sa proie lui avait échappé, regardant le dessous de son poing exempt de toute trace de chair bouillie. Il n’avait visiblement pas saisi ce qu’il s’était passé et ne voyait pas le chocobo qui cavalait vers lui. Christy sentait le vent s’engouffrer sous ses vêtements et gonfler ses cheveux pourtant retenus par son bandeau. Si les circonstances n’étaient pas si critiques, elle aurait certainement apprécié cette incroyable impression de liberté que constituait une telle chevauchée. Mais pour le moment, elle cherchait des yeux le corps de Serge et finit par le découvrir, à moitié caché par une des jambes du glouton. Celui-ci était toujours déconcerté, mais il finit par voir l’animal qui lui fonçait dessus ainsi que ses deux cavalières. Avec son horrible cri bestial, il se tourna face à eux et attendit qu’ils se rapprochent, décidé à les faucher s’ils s’approchaient trop près. Mais la monture au plumage doré savait qu’elle avait l’avantage et que ce mastodonte désormais handicapé ne pouvait rien contre lui tant qu’il restait en mouvement. Courant sur ses hautes pattes de poulet d’un brun orangé, il s’approcha sans hésitation du géant qui tenta de le percuter d’un geste circulaire du bras, mais l’oiseau fit un bon impressionnant et esquiva l’attaque sans difficulté. Au sommet de ce saut qui le porta à plus de trois mètres de haut, il produisit quelques battements d’ailes qui le maintinrent en l’air sur quelques distances supplémentaires. Il dépassa le monstre qui ne put réagir et atterrit derrière lui, à quelques enjambées de Serge qui gisait toujours inanimé sur l’herbe verte. Voyant à quelle vitesse ils se rapprochaient du jeune homme, Christy s’écria.
- Il faut ralentir, on ne pourra jamais le récupérer si on ne ralentit pas !
- Laisse-le faire ! se contenta de répondre Elian.

Ne comprenant pas ce qu’elle voulait dire par là elle ne put qu’observer la scène, n’ayant pas le temps d’effectuer une quelconque manœuvre qui lui aurait permis d’attraper son compagnon d’arme au passage. Cependant, elle put voir le cou de l’animal s’abaisser et sa tête disparaître. Lorsqu’il se redressa, le chocobo tenait dans son large bec un sac de cuir et de métal que Christy reconnut très vite comme étant l’uniforme de Serge. A l’intérieur de ses vêtements, le garçon était immobile. Tout en continuant sa course que rien ne semblait capable d’arrêter, l’oiseau tourna son visage serti de deux grands yeux noirs vers les deux passagères et leur confia le paquet qu’il venait de saisir. Elian l’empoigna et, au prix de très grands efforts, réussit à le déposer derrière elle, juste devant la jeune fille qui ne put exprimer sa joie de le retrouver. Ne pouvant détacher son regard du corps inerte qui était allongé en travers de l’animal, elle ne cessa de s’assurer qu’il ne risquait pas de basculer d’un côté ou de l’autre. Le ventre du garçon reposant sur l’échine de l’animal, sa tête ballotant sur un flanc et ses jambes sur l’autre, les incroyables foulées du chocobo les menèrent loin de cette ignoble créature qui hurlait sa rage. En l’espace de quelques nuances, elle avait perdu l’usage d’un de ses bras et laissé s’échapper son déjeuner. Cependant, les pertes étaient lourdes dans les deux camps et aucun d’eux ne sortait victorieux de ce combat sur lequel l’ombre de la mort planait toujours. Malgré les inlassables tentatives de Christy pour le réveiller, Serge ne donnait aucun signe de vie.

vendredi 27 mars 2009

Chapitre 5 - Partie 5

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 5


Serge se réveilla un court instant, sentant son corps meurtri balloté dans un sens puis dans l’autre sans aucune logique apparente. Il n’avait aucune notion de l’espace qui l’entourait ni même de la position relative de ses membres. Ses yeux s’ouvrirent sur un paysage qui n’en était pas un. Seul un flou jaune vif s’imprima sur sa rétine. Sa conscience ne pouvant plus supporter la douleur cuisante qui le parcourait tout entier, il s’évanouit à nouveau.

mercredi 25 mars 2009

Chapitre 5 - Partie 4

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 4

Il grimpait les marches taillées dans la roche brute une à une, l’esprit égaré, cherchant une solution qui pourrait les sortir de cette situation. Il aurait pu aisément se téléporter au sommet de la tour pour effectuer sa tâche, mais il aimait prendre son temps quand il le pouvait. Il devait si souvent partir en mission à l’autre bout d’Ivalice qu’il en oubliait les choses simples de la vie. Et puis les moments où il pouvait réfléchir sérieusement à la situation étaient plutôt rares.

Les escaliers en colimaçon s’élevaient à plus de trois cents mètres au dessus du sol et les murs de grés témoignaient de l’ancienneté du monument. Mais cela rendait le bâtiment vraiment authentique et unique, rien à voir avec la multitude de structures modernes qui abondaient désormais dans tout Rabanastre. A son goût, ces édifices d’acier et de verre, semblables à de gigantesques cristaux, manquaient de personnalité malgré leur indéniable beauté. Mais il fallait bien avouer que les technologies mystiques simplifiaient largement la vie des Ivaliens. Tout du moins, ceux qui n’avaient pas passé leur existence à s’entraîner à contrôler le myste comme lui l’avait fait. Heureusement, le Grand Conseil avait décrété que le rempart extérieur ainsi que les quatre tours de guet devaient être conservés au nom de la préservation du patrimoine historique. D’après les registres officiels, ces fortifications avaient été érigées par les Espers en 37 254 après la Création, lors de la première guerre de race contre les Varunas. Un véritable chef-d’œuvre du passé qui avait résisté aux milliers de centycles qui s’étaient écoulés depuis ce temps révolu.

Ces vestiges étaient si vieux comparés à ses trente-quatre centycles. Pourtant, il avait l’impression d’avoir vécu tellement de choses depuis sa naissance. Trente-quatre centycles. Quiconque le rencontrerait sans le connaître ne lui donnerait que vingt-cinq centycles, vingt-huit tout au plus. Cette apparente jeunesse était sans doute due à tout ce temps consacré à l’entrainement qui fortifiait son corps. Et aussi, même s’il l’acceptait plus difficilement, grâce aux privilèges accordés aux personnes de son rang. Les vêtements richement décorés qu’il portait étaient la preuve qu’il faisait partie de la haute société. La coupe de ses habits était simple mais réalisée sur mesure et de fait permettait une exceptionnelle liberté de mouvement. Des liserés de fils d’or couraient tout au long des coutures et un éclat rouge ambré émanait des tissus. Mais plus que tout ceci, c’était l’emblème qu’il arborait à la poitrine qui trahissait ses origines. Une épée, témoignage du courage des braves, une hache, synonyme de force brute, une flèche, illustrant la perspicacité par la perfection de sa trajectoire, et un bâton de mage, porteur de la sagesse et de la connaissance du monde. Tous les quatre s’entrecroisaient et formaient ainsi une étoile à huit branches. En son centre, un ruban bleu liait chacune des armes et était disposé de façon à représenter le symbole de l’infinité. Ce blason qui était cousu sur son cœur se retrouvait également à sa ceinture en tant que boucle d’argent mais aussi sur ses bottes de cuir sous la forme d’une gravure noire. Les manches courtes de sa chemise laissaient apparaître des muscles bien formés garantissant une force indéniable, même si la constitution physique n’avait pas grand-chose à voir avec les véritables performances d’un guerrier. La stature de cet homme n’était pas impressionnante, mais du haut de son mètre soixante-quinze, il inspirait un respect indéniable. Ses cheveux, mélange de mèches rousses et châtains, tombaient sur son front et s’arrêtaient juste au dessus de ses yeux bleus.

Il avait beau se creuser la tête, toutes ses réflexions ne le menaient nulle part. Cela faisait plus de quarante cycles que cette calamité était arrivée et personne ne savait comment s’en débarrasser. Si seulement Thanas était là. Malgré toute la répulsion que lui inspirait ce sombre individu, il était probablement le mieux placé pour les aider dans un moment pareil. Mais cette vermine n’avait pas donné signe de vie depuis que la menace était apparue. Où s’était-il donc caché ? Peut-être était-il mort en cette nuance. Cependant, une telle hypothèse était difficile à envisager. Thanas, mort ! Il avait beau être haï de tous, il restait un membre du Grand Conseil et par conséquent, ses talents n’étaient plus à prouver. Pourtant, ils devaient compter sans son aide. Les aurait-il aidés de toute façon ? Rien n’était moins sûr. Il était réputé pour sa perfidie et son dégoût des autres races. Sans doute se serait-il réjoui de les voir tous paniquer et le supplier de leur venir en aide. Cependant, dans l’état actuel des choses, sa propre espèce était menacée au même titre que les autres.

Cela faisait près d’un quart de luxance qu’il montait les marches de pierre et il en avait bientôt atteint le sommet. Une fois là-haut, il aurait une vue imprenable sur les alentours et sur la ville elle-même. Sa tâche était simple. Il devait rejoindre la vigie et demander au soldat en service de lui faire part de toute anomalie qu’il aurait pu détecter. En vérité, cela n’avait pas de réelle utilité puisque, si tel était le cas, la sentinelle avait pour consigne de tirer immédiatement la corde d’alarme. Le véritable but de sa visite était de montrer sa reconnaissance à cet homme ainsi qu’à tous ceux qui attendaient de prendre le relais dans la pièce commune. Ils se partageaient ce poste d’observation tout au long de la fluance et avaient besoin de ses encouragements pour garder leur motivation intacte. Il ne s’agissait peut-être que d’une poignée d’hommes, mais leur travail, aussi ingrat fût-il, était l’un des plus importants dans les conditions actuelles. Les mots d’un personnage de son rang avaient toujours été d’un extrême réconfort pour les troupes du Grand Conseil. Et c’était bien l’une des seules satisfactions qu’il retirait de son statut. Aider son prochain et lui redonner de l’espoir, voilà ce pourquoi il était fait. Et si son nom pouvait contribuer à cela, tant mieux. Malheureusement, cela n’était valable que dans le cadre de l’armée qui était habituée à le côtoyer. En dehors, depuis l’arrivée de cette calamité, l’influence du Grand Conseil était devenue telle sur Ivalice que les membres de l’assise ainsi que les haut-gradés comme lui souffraient d’une popularité sans pareille. Le peuple plaçait tellement d’illusions en eux qu’ils étaient presque considérés comme des dieux. A peine se montraient-ils en public qu’une foule d’adorateurs se prosternait à leurs pieds, attendant une réponse de leur part, la promesse qu’ils mettraient fin à ce calvaire avant que la mort ne les attrape. Mais la solution, il ne l’avait pas. Ni lui, ni personne d’autre. Il ne pouvait rien faire pour eux, ni pour les rassurer, ni pour les sauver. Et si tous ces gens l’idolâtraient tant, c’était uniquement dû au sang de sa mère qui coulait dans ses veines et au statut privilégié que sa naissance lui avait conféré. Rien de rationnel, rien qui ne justifie qu’on l’admire à ce point. C’est pourquoi il avait décidé d’agir dans l’anonymat. Faire tout son possible pour aider son prochain sans qu’on ne le vénère à chaque instant. Sous le casque obscur qui voilait ses traits, seuls ses actes importaient.

Sa longue ascension tirait à sa fin et il pouvait maintenant voir le ciel au dessus de sa tête. A la teinte vert foncé qu’il arborait, il estima qu’il lui avait fallu quatorze nuances pour monter jusqu’ici et qu’il était bientôt dix lux. Une fois les dernières marches franchies, il aperçut le soldat qu’il était venu voir. Il était debout, accoudé contre le rempart et surveillait l’horizon. Au milieu de la tour se trouvait la scruteuse, normalement sensée s’occuper du travail de vigie, envoyant les images et les sons captés à l’unité d’analyse autonome, plus communément appelée l’U2A. Cette unité était située au sous-sol du bâtiment principal du Grand Conseil, au centre de Rabanastre. Malheureusement, depuis le dernier passage de cette terrifiante entité, tous les systèmes de la ville fonctionnant à l’énergie mystique – autant dire la quasi-totalité des technologies existantes – étaient hors-service et l’U2A ne faisait pas exception. Ils avaient donc dû se résoudre à envoyer des jeunes recrues faire le travail des machines défaillantes. Cela paraissait vraiment archaïque, mais ils n’avaient pas le choix. Toutefois, la barrière de protection magique mise en place avant l’attaque avait permis de limiter les dégâts et très peu d’habitations avaient été détruites par la catastrophe.

- Soldat, au rapport.
L’homme, qui ne l’avait pas encore vu, se redressa instantanément et se tourna, la main gauche sur le cœur et la droite sur la garde de son épée. La posture était plutôt réussie, même s’il s’était pris à deux fois pour placer sa main sur son torse, ce qui trahissait son manque d’expérience. De toute façon, son jeune âge – il devait avoir dans les seize centycles – suffisait à comprendre qu’il n’avait rejoint l’armée que depuis peu. Sûrement s’était-il engagé suite aux récents évènements, comme c’était le cas pour beaucoup d’adolescents ces derniers cycles.
- Oui, général ! fit la recrue d’une voix forte et assurée.
Il n’aimait pas toutes ces formules officielles, mais il devait les employer au risque de déstabiliser le jeune homme qui lui faisait face. Il avait d’ailleurs beaucoup de respect pour lui. S’engager de sa propre initiative, cela montrait un réel courage. Lui n’avait jamais vraiment eu le choix, sa vie était toute tracée. Où était le mérite dans tout cela ?
- Jenova n’a montré aucune preuve de sa présence sur le territoire. Aucun mouvement du côté du mont Nibel, rien à signaler non plus du côté de l’océan. Les cockatrices ne montrent aucun signe d’agitation particulier. Le vent souffle nord-nord-ouest depuis ce matin, aucune odeur ni aucun son suspect n’ont été détectés. Le compte-rendu complet des observations de la fluance est dans la réserve et mon rapport y sera consigné dès la fin de mon service, à onze lux précisément. Le matricule G.1267 prendra le relais.
- Merci soldat, repos.
Le jeune homme relâcha alors ses muscles et retira sa main de son torse.
- Comment t’appelles-tu ?
- Dinard, Général.
- Très bien Dinard, ton rapport était parfait, merci pour ton travail exemplaire.
- Merci, Général.

Général... Le gradé eut un petit sourire en répétant ce mot dans sa tête. C’est bien ce qu’il était, mais si seulement on pouvait l’appeler par son vrai nom. Il avait peu d’espoir que cela arrive avec ce jeune homme, mais il tenta tout de même de rendre les choses moins formelles.
- Tu peux m’appeler par mon prénom tu sais, ton rapport est terminé.
Le soldat cilla à peine, mais il était évident qu’il contenait sa surprise.
- Non, Général, je ne peux pas, Général.
Cette fois-ci, la jeune recrue ne put cacher son étonnement. Devant lui, son supérieur venait d’éclater de rire. Un rire qu’il n’avait pas pu retenir, mais qu’il contrôla rapidement. Conservant un large sourire sur le visage, il reprit la parole.
- Excuse-moi Dinard, je n’ai rien contre toi. C’est juste que... non, laisse tomber. Général, ça me convient.
- Oui, Général.
Toujours amusé par cette tentative de fraternisation qui avait avorté plus rapidement qu’il aurait pu l’imaginer, il rejoignit le rempart et s’appuya sur la pierre blanche d’un créneau. A quelques pas de lui, le soldat reprit son poste, visiblement toujours déstabilisé par ce qu’il venait de lui arriver.

Une légère brise soufflait effectivement vers les montagnes, là où la roche rejoignait la côte pour se précipiter dans les profondeurs de l’océan. "Ce garçon est perspicace" se dit-il, "il a noté tous les points importants sans se perdre dans des détails inutiles. Il est encore jeune, mais il fera un bon second dans quelques centycles. A moins qu’ils ne l’envoient en mission d’ici là. J’espère qu’il ne regrettera pas son choix. Que sa famille ne regrettera pas son choix...". Mais ces derniers temps, la vie était ainsi. Remplie de sacrifice. De nombreux soldats, qu’ils soient expérimentés ou novices, étaient désignés pour rejoindre quelques territoires dévastés et éradiquer les créatures laissées par Jenova après son passage. Et il était de plus en plus courant que les troupes ne reviennent pas.

Comme signalé, les cockatrices étaient calmes tout comme à leur habitude. D’ici, elles n’étaient que de petits points marrons mais il les connaissait bien et il pouvait imaginer leur corps rond comme un ballon se déplacer sur leur larges pattes de poulet. Elles ne possédaient pas vraiment de tête mais un bec et des yeux étaient plantés en plein milieu de leur buste dont la partie inférieure était couvert d’un duvet blanc. Deux petits appendices, étranges pattes de rats parcourues d’épines, agrémentaient les côtés de cette boule presque parfaite recouverte de plumes.

Il se retourna, ne s’attardant pas plus longtemps sur ce troupeau dont la principale occupation était de picorer les quelques malheureux vers qui s’aventuraient trop près de la surface. Face à lui s’étendait la cité, resplendissante sous les éclats mutuels des flux qui emplissaient l’atmosphère. Ces constructions n’avaient pas le charme des anciens monuments de pierre, mais il devait bien reconnaître que les toitures de verres multicolores étaient splendides et reflétaient la puissance qu’Ivalice avait accumulée tout au long de l’histoire. Au centre, le bâtiment principal du Grand Conseil était un joyau inestimable parmi la multitude de pierres précieuses que les autres édifices de la ville constituaient. Construit à partir d’un vieux château fort, rien de l’ancienne bâtisse n’avait été détruit. Au contraire, l’architecture originale avait été conservée et sublimée par une couche de verre mystique qui recouvrait chaque mur. Le myste contenu dans cette parure étincelante semblait glisser sur les façades rustiques comme un voile d’eau aux milles couleurs ignorant les lois de la gravité, contournant les obstacles dans le sens qui lui plaisait. Bien plus qu’un magnifique habit de lumière, cela constituait une armure impénétrable qui rendait le bâtiment imprenable.

Ce spectacle saisissant pour quiconque le découvrait pour la première fois ne retint pas son attention très longtemps et il se concentra un court instant avant de penser au prénom de sa sœur.
- Ata ?
Il n’attendit pas plus de deux fractances avant que la réponse n’atteigne son esprit.
- Oui Lyen. Tout va bien de ton côté ?
Depuis leur plus tendre enfance, elle ne l’avait jamais appelé par son vrai prénom. Elle avait sorti ce nom d’un de ses livres chimériques qu’elle lisait depuis qu’elle avait cinq centycles mais n’avait jamais voulu lui dire lequel. Il ne le savait d’ailleurs toujours pas en cette fluance. A l’époque, il n’avait aucune idée de s’il s’agissait d’un compliment ou d’une raillerie, mais désormais, il ne s’en préoccupait plus. Ce surnom était devenu très affectif et en aucun cas il ne voulait qu’elle change son habitude.
- Oui, tout va bien, aucun signe de Jenova dans la zone nord.
- Pareil pour moi. Rien à signaler dans le secteur sud.
- Très bien. J’espère que la résistance que nous avons opposée lors de la dernière attaque dissuadera Jenova de revenir pendant quelques temps.
- J’espère aussi Lyen. Dis-moi, j’ai entendu dire qu’un chevalier noir a soigné un groupe de mercenaires à la guilde ouest la prima dernière. Tu ne saurais pas qui c’est par hasard ?
questionna-t-elle avec une pointe d’ironie dans sa pensée.
- Moi ? Non, aucune idée. Comment veux-tu que je le sache ? répondit-il avec aplomb.
- Hum. Je ne sais pas, je me disais que tu y étais peut-être pour quelque chose. Mais c’est vrai que tu es comme moi, tu ne supportes pas d’apparaître en public en ce moment.
- N’est-ce pas. En tout cas, quel qu’il soit, il mérite d’être récompensé à la mesure de son talent ! Un chevalier noir guérisseur, on ne voit pas ça toutes les fluances. Ce doit être un grand guerrier !

- Ca va les chevilles ou tu veux que j’en rajoute ?
- Non, ça va, merci,
fit-il en riant ouvertement, ce qui lui valu un regard furtif de la vigie. Je me débrouille pas mal tout seul !
- En tout cas, bravo. Tu as apporté un sacré coup de main aux mages blancs. Ils racontent tout autour d’eux que sans ton intervention, ils n’auraient jamais réussi à guérir tous les blessés à temps. Tout le monde parle du mystérieux sauveur noir en ville !

- Merci Ata, mais tu sais très bien ce que je pense, fit-il, visiblement refroidi par ce qu’il venait d’entendre. Il avait plaisanté sur le fait de glorifier ce personnage, mais c’était bien la dernière chose qu’il souhaitait.
- Oui, je sais, tu ne fais pas ça pour la gloire, patati patata. Mais tu devrais être content, ton nom n’est pas associé à tout ça. Ils t’apprécient pour ce que tu fais, pas pour le reste. C’est bien ce que tu n’arrêtes pas de me dire, non ? Que tu veux être reconnu pour autre chose que pour ton nom.
- Je ne veux pas être reconnu, je veux juste aider. La popularité, je connais, alors merci bien.
- Ecoute, tu ne peux pas reprocher aux gens de t’admirer pour ce que tu fais. Ils ont besoin de ça, de quelqu’un qui leur redonne de l’espoir en l’avenir.
- Oh arrête, on dirait un de tes bouquins sur les héros chimériques ou je ne sais quelle autre bêtise. Je ne suis pas un héros et la réalité n’a rien à voir avec tes histoires invraisemblables.
- Pourtant, ces derniers temps, ça y ressemble de plus en plus. Jenova n’a rien de réel, tu ne trouves pas ?
- Oui, c’est vrai. Il n’empêche que je ne veux pas créer un nouveau personnage idolâtré par tout le monde.
- Peut-être que tu n’as pas le choix. Si tu veux vraiment aider les gens, c’est peut-être la seule solution.


Un court silence s’instaura dans leur conversation télépathique.
- Ecoute Lyen, si tu veux, je viendrai avec toi la prochaine fois.
- Où ça ?
- Ne fais pas l’innocent, je sais que tu vas y retourner.
- C’est vrai, j’y songeais. On ne peut rien te cacher !
- Faux, "tu" ne peux rien me cacher !
- Oui, si tu veux. Mais tu veux vraiment venir ? Tu détestes sortir en ville !
- C’est vrai, tous ces gens qui s’agglutinent pour nous voir, j’ai du mal à le supporter. Mais c’est pareil pour toi, non ? Alors je vais te piquer ta technique. Il faut juste que je trouve quelque chose à me mettre pour qu’on ne me reconnaisse pas et le tour est joué ! Bon, je n’ai pas d’armure comme la tienne dans mon inventaire, mais je devrai quand même pouvoir trouver quelque chose qui fasse l’affaire. Ca fait tellement longtemps que nous n’avons rien fait ensemble, juste tous les deux, en dehors des missions !
- C’est vrai, tu as raison
, concéda-t-il, son moral réconforté par l’entrain de sa sœur. Marché conclu, rendez-vous à douze lux dans ma chambre.
- Cette fluance ?
- Oui, pourquoi attendre !
- Génial ! J’ai hâte d’y être ! J’ai tellement envie de...


A cet instant, une troisième voix se mêla à leur discussion, une voix qu’ils connaissaient très bien mais qui ne les rassura pas tant la panique recouvrait chacun de ses mots.
- Hynn, Atalette ! Alerte dans la zone ouest ! Une présence se rapproche, elle progresse sous l’océan !
Alors que leur frère leur annonçait la nouvelle, ils entendirent une cloche d’alarme retentir, cette fois-ci non à travers leur pensée mais par leurs propres oreilles.
- Galdos, tu es sûr de toi ?
- Oui, quelque chose d’énorme approche. Aucun doute, ce ne peut être que Jenova.

Hynn rompit alors le lien télépathique et fit apparaître une sphère de téléportation dans laquelle il s’engouffra en songeant à sa destination. L’instant d’après, il apparaissait au sommet d’une autre tour, le regard tourné vers l’infinité de l’océan qui s’étendait au-delà des terres de l’ouest. Au loin, une tâche minuscule obscurcissait l’étendue bleue turquoise habituellement si limpide. Mais il savait bien que la créature était encore à des centaines de kilomètres et que très vite, elle grossirait, dépassant de loin la superficie de Rabanastre.

samedi 28 février 2009

Chapitre 5 - Partie 3

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 3


A peine eut-il pénétré dans la clairière qu’un éclat de lumière blanche prenant naissance dans le creux de sa main laissa place à son épée argentée. Ses pas le portaient à une vitesse incroyable, semblable à celle qu’il avait atteinte lorsqu’il avait poursuivi Diguel dans Altéa. Plus déterminé que jamais dans son habit de soldat, le garçon avait laissé sa peur derrière lui et se ruait vers le danger sans avoir conscience un seul instant des risques qu’il encourait. Si ce n’était pour son frère, Serge n’avait encore jamais ressenti une telle envie de protéger quelqu’un à tout prix. Ce genre de sentiments étaient nouveau pour lui, lui qui avait toujours vécu avec la solitude comme meilleure amie. Pourtant, cette fougue et ce rapport à l’autre lui semblait presque familier. Comme si ce caractère si différent de ce qu’il était habituellement dormait au fond de lui et n’attendait que ces évènements pour se réveiller.

Le glouton qui tenait toujours le chocobo captif était désormais à quatre-vingts mètres et la vitalierra à seulement quelques enjambées. Le géant n’avait toujours rien remarqué, toujours occupé avec son jouet qui était destiné à lui servir de repas. La plante, elle, continuait à avancer à une allure modérée, ses tentacules végétaux ondulant dans l’air, chahutant le corps de Christy dans tous les sens. Cette créature non plus ne semblait pas se rendre compte qu’un jeune homme empli de haine à son égard se rapprochait dangereusement.

Alors qu’il se laissait porter par ses jambes, Serge commença à préparer son attaque. Son objectif était de libérer la jeune fille de l’emprise étouffante de ces lierres maléfiques. Un coup du tranchant de sa lame devrait suffire à sectionner les lianes entre le bourgeon et sa prisonnière. Pour l’instant, son plan s’arrêtait là et il était maintenant trop près de sa cible pour pouvoir réfléchir davantage. La créature ne devait d’ailleurs pas être très intelligente puisqu’elle n’avait toujours pas montré un seul signe d’attention envers son poursuivant.

Il y était. Serge avait rejoint l’extrémité de la plante qui détenait Christy et il pouvait voir ses vêtements d’archère à travers l’enchevêtrement de lierre. Au moment où il dépassa la captive, il éleva son arme et l’abattit violemment vers les tentacules qui ne cessaient de gesticuler. Mais le monstre n’était probablement pas si bête que cela puisqu’il réagit instantanément en ondulant ses appendices qui esquivèrent sans difficulté le coup qui aurait dû les trancher net. Dans le même mouvement, la vitalierra éloigna sa proie de son assaillant et, avant même que celui-ci n’ait eu le temps de se rétablir, elle la propulsa sur lui à une vitesse inouïe. Toujours emprisonnée dans ce méandre de verdure, Christy percuta le jeune homme de plein fouet et il fut propulsé dans les airs avant de retomber au sol quelques mètres plus loin.

Complètement sonné par la violence du coup, Serge resta allongé quelques secondes. Il avait été frappé en plein visage et sa mâchoire lui faisait atrocement mal. Il avait l’impression qu’elle avait été arrachée mais une rapide vérification lui prouva le contraire. Elle était toujours présente et fonctionnait apparemment très bien. Mais alors qu’il passait sa main sur sa joue meurtrie, ses doigts effleurèrent la blessure verdâtre que lui avait laissée son précédent adversaire. La douleur combinée à la rancœur qu’il éprouvait fit monter en lui un sentiment de haine indescriptible qu’il n’avait alors jusque-là jamais ressenti. Comme si quelque chose brûlait en lui, un désir de vengeance irrépressible qui le consumait. Sa colère était tellement forte qu’il entendit à peine la voix d’Elian derrière lui.

- Serge ! Ca va ? Peux-tu te relever ?
Accompagnant ses paroles, elle se pencha pour l’aider à se redresser mais il lui fit barrage de son bras gauche pour l’empêcher d’approcher. Dans son geste, son biceps effleura la peau bronzée de la Viera et à son contact, il ne put retenir un cri tandis que la femme fit trois pas en arrière, une grimace de dégoût déformant son visage. "Jenova" pensa-t-il. Cela n’était pas pour le calmer. Cette chose était toujours en lui et cette pensée renforça tout son ressentiment. Il se releva, ignorant les appels d’Elian qui répétait son prénom sans cesse, espérant une réponse de sa part. Son regard se posa sur la créature qui avait enlevé son amie et qui l’avait si brusquement assommé. Il n’avait désormais qu’une seule idée à l’esprit. "Brûle, brûle, brûle". Ce mot résonnait en boucle dans son crâne alors que la vitalierra s’éloignait de sa même démarche ondulante, exhibant sa proie comme un trophée. Tandis que Serge fixait la plante sans relâche, ne pouvant extirper son envie de la voir brûler de sa tête, le géant détourna son attention de son jouet-chocobo pour observer l’arrivée de son prochain déjeuner, servi sur un plateau par son monstrueux majordome. C’est à cet instant précis que le miracle se produisit.

Comme si les yeux du jeune homme projetaient des flammes invisibles, le bourgeon prit feu, sujet à une improbable combustion spontanée. Des flammèches rougeoyantes commencèrent à valser tout autour de la créature, consumant son corps végétal qui se mit à pousser des cris abominables, produisant un son atrocement aigu et chevrotant, proche du cochon que l’on égorge. Les flammes léchèrent le bulbe jusqu’à le recouvrir tout entier et commencèrent à s’attaquer aux lianes qui s’agitaient, comme prises de folie. L’unes après l’autres, elles relâchèrent l’étreinte qu’elles exerçaient sur Christy, la libérant de leur emprise mortelle. La jeune fille que plus rien ne retenait fit une chute de plus d’un étage et atterrit sans ménagement sur l’herbe verte. Les tentacules, quant à elles, se livraient à une danse frénétique qui traduisait la terreur qui les submergeait. Puis, les gesticulations ralentirent pour finalement s’arrêter complètement. Les lianes qui se trouvaient encore en l’air s’affaissèrent et s’éparpillèrent sur le sol. Les flammes disparurent aussi soudainement qu’elles étaient apparues, laissant place à un amas calciné entouré de lierre qui n’avait maintenant plus rien d’effrayant. Tel un nuage de fumée formé par l'extinction de braises ardentes, du myste s’extirpa des cendres et resta suspendu à quelques mètres au dessus du sol, laissant s’épanouir de radieuses couleurs.

Il avait réussi. Tout du moins pour le moment. Cet incendie improvisé avait mis fin à l’existence improbable de cette plante. Etait-ce vraiment lui qui avait déclenché ce phénomène ? Serge avait du mal à le croire et pourtant, ça ne pouvait pas être une coïncidence. Il avait tellement souhaité voir cette créature s’enflammer et l’instant d’après, son désir était devenu réalité. Cependant, le temps de se poser plus de questions n’était pas venu et Elian le ramena à la réalité.

- Il faut sortir Christy de là ! Serge, il faut faire quelque chose !

En effet, la jeune fille était toujours sur le sol, là où les lianes l’avaient abandonnée. Le garçon se sentit soulagé lorsqu’il la vit se redresser pour se mettre à genoux. Mais le danger n’était pas écarté et se présentait sous la forme d’un monstre bien plus imposant que la vitalierra. Le glouton qui n’avait jusqu’à présent pas réagi, observant son domestique se consumer sous ses petits yeux jaunes, sembla soudain se réveiller et émit un grognement rauque qui fit frémir le jeune homme sous son armure de cuir. Le géant tenait le chocobo d’une main, mais il ne s’en préoccupait plus du tout. Christy s’était effondrée à soixante-dix mètres devant lui et reposait au milieu des restes calcinés de la plante. Serge profita de cette absence d’initiative de la part du monstre pour se précipiter au secours de son amie.

Le glouton se décida alors à agir. Fou de rage, il se débarrassa du volatile qu'il n'avait toujours pas avalé et l’envoya rouler sur l’herbe, le laissant inanimé au milieu de la clairière. Se faisant, il poussa un hurlement caverneux, ouvrant grand sa gueule et laissant apparaître une longue langue violette dégoulinante de bave. Ecartant ses bras semblables à deux citernes, il forma deux barrières de chaque côté de son corps et se mit à courir en direction de la jeune fille qui ne put retenir un cri en le voyant. Un mur vivant qui faisait trembler le sol sous ses pas se précipitait sur elle, prêt à tout écraser sur son passage. Ses jambes dépourvues de genoux n’étaient pas propices à la marche mais il en était tout autre pour la course. Se propulsant d’une patte sur l’autre, faisant des bonds impressionnants, il se rapprochait dangereusement. Christy essaya de se lever, mais lorsqu’elle essaya de s’appuyer sur sa jambe droite, une douleur fulgurante l’élança à la cheville et elle se retrouva à nouveau à terre. Décidée à ne pas se laisser faire, elle fit apparaître son arc et, s’appuyant sur sa jambe valide, décocha une flèche en un instant. Mais elle ne vit jamais où celle-ci avait touché son adversaire ni si elle lui avait fait un quelconque effet. Au moment même où elle lâcha la corde, elle se sentit tirée vers le haut et se retrouva debout à côté de Serge, s’appuyant contre lui, un bras autour de son cou. Pendant une fractance, elle fut soulagée, mais très vite, elle reprit conscience de la situation.

- Qu’est-ce que tu fais, lâche-moi !
Le jeune homme ne lui répondit pas, tentant de s’éloigner le plus rapidement possible du géant en clopinant car, à eux deux, ils formaient une créature qui n’avait que trois jambes valides sur quatre.
- Lâche-moi, on n’arrivera jamais à le semer avec ma cheville. Sauve-toi ! hurla Christy.
Et elle avait raison. Le glouton se rapprochait d’eux à une vitesse fulgurante et ils allaient bientôt être tous les deux à sa merci. Ils sentaient le sol vibrer sous leurs pieds et les secousses se faisaient de plus en plus inquiétantes. Fuyant la créature, ils ne pouvaient voir à quelle distance elle se trouvait bien qu'ils étaient sûrs qu’elle allait bientôt les rattraper et qu'ils n'auraient jamais le temps de rejoindre la forêt. Si seulement Elian pouvait soigner la blessure de Christy. Mais Serge ne la voyait nulle part et de toute façon, ils n’auraient pas eu le temps pour ça. Mais il refusait de laisser la jeune fille se faire tuer, cela était inconcevable.
- Je ne te laisserai pas ! cria-t-il avec plus de détermination qu’il n’en avait jamais eue.

A ces mots, il s’arrêta net et se tourna face au monstre, forçant son amie à faire la même chose. Le colosse était à peine à cinq mètres d’eux et Serge eut tout juste le temps de voir ses bras puissants se rapprocher comme deux massues, bien décidés à faire d’eux une bouillie innommable lorsque les poings se seraient rejoints, écrasant leurs proies comme de vulgaires moucherons. Plongeant en avant, serrant Christy contre lui pour être certain qu’elle ne le lâcherait pas, il précipita leurs deux corps contre le sol et sentit les muscles gonflés des avant-bras du glouton lui passer à quelques millimètres au dessus du dos. Les mains rocailleuses du colosse s’entrechoquèrent dans un fracas qui fit résonner tout l’air environnant. Ne perdant pas une fractance, il se redressa, supportant toujours le poids de sa partenaire, et courut aussi vite qu’il le pût entre les pattes du géant, se penchant pour pouvoir passer sous la tête monstrueuse qui ne les avait pas vu s’échapper.

Lorsque le glouton écarta ses poings pour contempler le massacre qu’il avait accompli, il ne vit pas les deux pantins sans vie qu’il s’attendait à découvrir. Tandis que les deux rescapés s’échappaient en boitant aussi peu que possible, un rugissement d’une puissance effrayante retentit derrière eux. Mais ils ne se retournèrent pas et continuèrent leur course désespérée pour s’en éloigner le plus rapidement possible. Face à eux, ils reconnurent le corps recouvert de plumes jaunes du chocobo et les oreilles d’Elian qui dépassaient derrière l’animal. De cet endroit surgit un flash blanc et l’oiseau rayonna d’une douce lumière apaisante.

Fou de rage, le colosse bleu s’évertuait à se retourner. Cela n’était pas aisé pour lui, ses articulations ne lui facilitant pas la tâche, mais il réussit finalement à avoir les deux miraculés dans son champ de vision. Refusant de les laisser s’échapper, il se remit à leur poursuite, martelant le sol de ses pattes griffues, aplatissant l’herbe et laissant sur son chemin de gigantesques empreintes.

Les tremblements de terre répétés indiquaient aux fuyards que le glouton avait repris sa charge frénétique et ils savaient qu’il les aurait très vite rejoints. Leur seule chance de survie était de s’enfoncer dans la forêt, là où le géant ne pourrait pas les suivre. Mais que faisait Elian ? Serge avait bien compris son intention, mais avait-elle le temps pour ça ? Qu’avait-elle derrière la tête ?

Au dessus du cadavre calciné de la vitalierra, le nuage de myste s’excitait. Les deux jeunes Humes, dans leur fuite vers les arbres protecteurs de Mirkwood, allaient bientôt le rejoindre.

L'épiderme du jeune homme, qui n’avait pas cessé d’émettre un léger rayonnement doré, synonyme de la protection prodiguée par la mage blanche, reprit sa couleur habituelle.

Serge et Christy venait d’atteindre l’endroit où la plante s’était consumée. Aucun d’eux ne vit le myste se mettre en mouvement et se diviser en trois filaments distincts. L’un s’éloigna pour rejoindre la Viera tandis que les deux autres se dirigèrent vers le duo de survivants. Derrière eux, le glouton se rapprochait inexorablement.

Le contact fut surprenant. Quand l’influx eut lieu, Serge n’avait aucune idée de ce qu’il lui arrivait. Il n’avait pas vu le myste s’insinuer dans son corps. A peine eut-il compris ce qu’il se produisait que la douleur prit le dessus. Ne pouvant plus soutenir le poids de son amie blessée, il s’effondra, entraînant Christy dans sa chute.

Au tréfonds de ses entrailles, la lutte contre ces deux puissances étrangères commença. Malgré cela, il put sentir le sol vibrer contre son torse. Le monstre était très proche. Maintenant, il se sentait traîné sur l’herbe. Quelqu’un tentait de le tirer, de l’éloigner du colosse. Christy. Au fond de lui, le tourbillon qui lui brûlait l’estomac continuait de faire des ravages. Tous ses muscles étaient crispés et il ne pouvait plus faire un seul geste. Quelqu’un criait à côté de lui mais il ne put reconnaître aucun mot. Son corps avait cessé de glisser, on ne s’occupait plus de l’écarter du danger. Peu à peu, la douleur se faisait moins prenante. Bientôt, il allait pouvoir rouvrir les yeux. Mais à quoi bon ? Son destin était scellé. Le glouton n’était plus qu’à quelques pas, il pouvait le sentir. Au fond de lui, le combat se terminait. Le myste avait réussi à se faire une place, comme d’habitude. Reprenant le contrôle de son corps, il entrouvrit les paupières et eut juste le temps de se retourner pour voir une masse marron s’abattre sur lui.

Le choc fut violent mais pas mortel. Avec le peu de conscience qu’il lui restait, Serge comprit qu’il était prisonnier du poing de la créature et qu’elle n’avait plus qu’à le serrer pour lui briser les os. Complètement sonné par le coup qu’il venait de subir, son esprit s’embruma et sa vue se brouilla. Face à lui, sur la terre ferme, il crut distinguer Christy, ses cheveux blonds brillants sous le rayonnement du flux. Souhaitant de toutes ses forces qu’elle puisse s’en sortir et accordant une dernière pensée à son frère disparu, il s’évanouit tandis qu’un éclair noir traversait son champ de vision.

mardi 10 février 2009

Chapitre 5 - Partie 2

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 2


Saisis sur place à la vue de ce spectacle atroce, Serge et Christy ne purent esquisser un mouvement. Toute leur attention était dirigée sur cette scène irréelle. Le monstre devait faire dans les cinq mètres de haut, mais ce n’était pas ce qui était le plus impressionnant. Son allure générale était pour le moins déconcertante. En effet, il ne semblait pas posséder de torse à proprement parler. Son corps, dont la peau rugueuse était teintée d’un bleu clair étonnant, n’était constitué que d’une gigantesque gueule dont les dents sales et usées témoignaient de la cruauté dont elles avaient déjà dû faire preuve. Un large nez aplati surplombait la mâchoire supérieure et deux petits points jaunes révélaient l’emplacement des yeux de la créature. A l’arrière de cette tête qui défiait toutes les lois de la proportion, deux long bras puissants s’étendaient, prenant naissance là où des oreilles auraient dû se trouver. Chacun des avant-bras se terminaient par une main dont les trois doigts étaient dotés de griffes redoutables. A partir du poignet jusqu’aux extrémités acérées, la peau prenait une couleur brune et avait l’aspect d’une carapace dont les anneaux paraissaient durs comme de la pierre. Chacun de ces bras devaient faire dans les six mètres, ce qui donnait à ce spécimen incroyable une envergure avoisinant les seize mètres. Les épaules quant à elles étaient recouvertes d’une ossature dont la forme et la coloration rappelaient les plaques d’une armure de bronze. Deux larges cuisses soutenaient la créature, directement rattachées à l’arrière de la tête, juste sous les bras. Contrairement à ceux-ci, ces jambes dénuées de mollets étaient très courtes et maintenaient la gueule à seulement un mètre du sol, ce qui étaient peu en comparaison de la taille du prédateur. Les pattes qui supportaient tout le poids du monstre étaient semblables en tout point aux mains à ceci prêt que les orteils étaient plus espacés pour assurer une meilleure stabilité mais également moins articulés. Serré dans son poing droit, le chocobo avait cessé de se débattre.

Serge qui s’attendait à découvrir l’oiseau jaune à la merci d’une de ces abeilles démesurées ne sut comment réagir face à ce nouvel adversaire. Christy aussi était sous le choc et ce ne fut que grâce à la vivacité d’Elian qui les tira en arrière qu’ils se retrouvèrent à nouveau à couvert.
- Vous êtes fous ! Pourquoi êtes vous partis à leur poursuite ? murmura la Viera, leur faisant comprendre son mécontentement.
- Tu as vu ce truc ? questionna le jeune fille, trop abasourdie par ce qu’elle venait de voir pour pouvoir écouter les reproches qui lui étaient faits. C’est énorme !
- Oui, c’est un glouton. Un carnassier violent qui dévore toutes les créatures qui sont assez petites pour rentrer dans son gosier. Vous auriez pu vous faire tuer, vous êtes totalement inconscients !
- Oui, pardon… s’excusa finalement l’étudiante. Mais on pensait qu’il n’y aurait qu’une abeille. Je croyais que ça ne poserait pas de problème. On sait comment faire maintenant.
- Détrompe-toi, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver et chaque affrontement est différent. Ta technique aveuglante ne fonctionnera pas à tous les coups, alors ne soit pas trop sûre de toi. Et toi Serge, je t’avais dit de ne pas te lancer dans la bataille sans réfléchir ! Tu as oublié l’infection que tu as contractée ?

Elian s’était tournée vers le garçon, souhaitant lui faire les remontrances qu’elle jugeait utiles, mais celui-ci ne l’écoutait pas. Il était tourné vers la clairière et observait, horrifié, le monstre à travers les branchages. Il jouait avec le chocobo, le prenant par une patte et le balançant comme un vulgaire bout de viande dont il comptait bien faire son futur repas. Le volatile, vidé de toutes ses forces, tentait désespérément de se libérer en étendant ses ailes, mais cela se résumait à quelques faibles battements tant son bourreau l’avait torturé. La Viera supportait elle aussi très mal le spectacle, mais elle savait pertinemment qu’ils ne pouvaient rien y faire et elle interpella à nouveau le jeune homme afin de le détourner de cette atrocité.

- Serge ! Ecoute-moi.
Pas de réponse.
- Serge !
- On ne peut pas laisser faire ça ! finit-il par annoncer.
- Nous n’avons pourtant pas le choix. Ce glouton est bien trop fort pour nous.
- Mais regarde ce qu’il est en train de faire !
- Je sais, c’est horrible, mais c’est la nature. Crois bien que je souhaite de tout mon cœur que ce chocobo s’en sorte, mais nous n’y pouvons rien. Surtout que mes sorts de guérison sont toujours inefficaces sur toi. Qui ira sauver ton frère si tu te fais tuer ?

En entendant ces dernières paroles, Serge détourna la tête et ferma les paupières en serrant les poings de toutes ses forces. Il se sentait impuissant et ressentait toute l’injustice dont ce monde pouvait être fait. L’image de son frère lui traversa l’esprit et il comprit qu’il ne pouvait pas le trahir, qu’il ne pouvait pas l’abandonner en risquant sa propre vie dans un combat perdu d’avance. Pourtant, quelque chose en lui se refusait à prendre la décision d’abandonner l’animal à son triste sort. Il ressentait le besoin de se lancer dans la bataille Une réaction absurde quand on sait que deux fluances plus tôt, il n’avait encore jamais tenu une arme entre ses mains. Sachant pertinemment que son argument n’aurait aucune valeur, il essaya une dernière fois de convaincre la Viera, cherchant ainsi à se prouver qu’il avait tout tenté avant de reprendre leur chemin.
- Xav’ adorait les animaux. Il voudrait que j’intervienne.
- Tu as sans doute raison, acquiesça-t-elle, tu le connais mieux que moi. Mais les gens cherchent trop souvent à être héroïques dans de telles situations. Combien de personne ont risqué leur vie sans raison juste pour prouver qu’ils étaient vertueux. La vie de ton frère est plus importante à tes yeux que celle de ce chocobo. Alors ne suis pas ces pulsions qui te poussent à prendre des risques inconsidérés.

Elian avait dit tout cela avec une douceur inouïe et apaisante qui aida sans aucun doute à le raisonner, même si au fond de lui, il était déjà convaincu. Il jeta un dernier coup d’œil vers la clairière où il aperçut le géant s’amuser en tenant l’oiseau par chacune de ses ailes, prêt à l’écarteler. Avec tous les remords du monde, il s’en détourna et dit d’une voix qu’il voulait déterminée.
- Allons-y.

Il commença à faire demi-tour à l’instant même où il entendit Christy pousser un hurlement. Elle qui s’était faite si discrète pendant qu’Elian s’occupait de Serge n’avait pu retenir un cri lorsqu’elle vit ce qui était en train de lui arriver. Des tiges ramifiées de centaines de feuilles étoilées étaient en train d’entraver ses mouvements en s’enroulant autour de ses jambes et de ses bras. Les longues lianes semblaient se mouvoir par leur propre volonté et ni Serge ni la Viera n’eurent le temps de réagir. En une fractance, la jeune fille était totalement ligotée et incapable de se débattre. L’instant d’après, elle fut tirée vers le haut, disparaissant dans les feuillages à quelques mètres au dessus d’eux sans qu’ils ne puissent venir à son secours.

- Christy ! hurla Serge, incapable de réprimer sa terreur malgré le glouton qui se trouvait de l'autre côté de la clairière. Mais son appel ne fut pas vain puisqu’il obtint une réponse dont le timbre de la voix traduisait un affolement extrême.
- Serge ! Au secours ! Aide-moi !
Et les cris continuèrent, emplis d’une peur plus poignante que jamais. Le jeune homme, totalement démuni, resta sur place sans trouver d’autres solutions que de répéter le prénom de l’étudiante, comme si cela pouvait la ramener. Mais Christy avait disparu et il ne l’entendait même plus crier. La cherchant désespérément des yeux dans les hauteurs de la forêt, le garçon ne découvrit ce qu’elle était devenue que lorsqu’Elian attira son attention en un tout autre endroit.
- Regarde. Elle est là. Une vitalierra l’a capturée !

Serge suivit la trajectoire de son doigt qui désignait la direction de la clairière. Il ne comprit pas tout de suite ce qu’il devait voir, puis découvrit à sa grande stupeur une masse verte qui ondulait sur l’herbe. Prise au piège dans un enchevêtrement de lierre, il reconnut la silhouette de la jeune fille. Son corps était totalement recouvert par une couche végétale et il n’y avait guère plus que ses cheveux dorés qui demeuraient visibles. Les extrémités des lianes meurtrières se rejoignaient au sommet d’une petite boule verdâtre semblable à un bourgeon éclot à ceci près qu’il se déplaçait sur quatre paires de petites pattes d’insecte. Tout en avançant, elle trainait sa prise derrière elle, l’agitant dans tous les sens. Son déplacement était précis et sa destination ne faisait aucun doute. La plante livrait sa prisonnière au géant qui s’amusait toujours avec sa précédente proie. En voyant ce serviteur apporter son repas au glouton, Serge comprit comment une créature aussi grosse avait pu se saisir d’un animal aussi rapide que ce chocobo. Mais il ne s’attarda pas sur ces considérations. Il avait été capable de se contenir lorsque ce n’était que le volatile qui était menacé. Cette fois-ci, la situation était différente et rien ne pouvait le faire changer d’avis. Elian en était parfaitement consciente et elle était de toute façon incapable de laisser cette enfant se faire dévorer. Sachant qu’elle ne pourrait pas arrêter le garçon une fois celui-ci parti à l’assaut, elle fit apparaître son bâton et ne perdit pas une fractance. Instantanément, l’éclat blanc habituel fit son office et deux sphères taillées de multiples facettes apparurent autour d’eux avant de se disperser dans une explosion qui provoqua un son clair et presque inaudible. Sur le coup, Serge fut surpris puis comprit très vite ce qui s’était passé. Sa peau luisait désormais d’un faible éclat doré. Il se tourna vers celle qui venait de lui attribuer cette protection, lui exprima sa reconnaissance par un regard et s’élança sur ce qui devait bientôt devenir un nouveau champ de bataille.

lundi 26 janvier 2009

Chapitre 5 - Partie 1

Chapitre 5 : Kwoaaa !!!
Partie 1


Serge n’avait pas souvent quitté Altéa. C’était là qu’il était né et il n’avait jamais ressenti le besoin de s’extraire de cette ville qui hébergeait tous ses souvenirs. Peut-être aussi parce qu’il sentait que ses parents ne voulaient pas le voir partir. Il voyageait, certes, mais seulement par l’intermédiaire de ses livres et de ses magazines. Il avait déjà pris le monorail pour se rendre à Ozarie une fois, avec ses parents, alors qu’il n’avait que neuf centycles. Ils devaient assister à une conférence pour leur travail et lui avaient proposé de les accompagner. A l’époque, il avait sauté de joie, non pas parce qu’il allait voir un nouvel endroit, mais parce qu’il n’était jamais monté à bord de ce long tube de métal et de bois. Il était déjà allé l’admirer sur le quai, mais n’avait jamais vu l’intérieur si ce n’était sur les quelques photos qu’il avait découvertes dans un ancien numéro de "Science et Progrès". Il y avait lu qu’il avait fallu près d’un centycle pour le mettre en service et qu’il avait été inauguré en 1157. Cela faisait désormais plus de 80 centycles qu’il glissait silencieusement le long de son unique rail d’acier qui serpentait à travers la forêt.

Il se rappelait encore du voyage. Son frère était venu lui aussi, et du haut de ses six centycles, il était resté cloué à la vitre tout le long du trajet, dévorant le paysage des yeux. Même si les arbres ne présentaient que peu d’intérêt, Xavier essayait de repérer les animaux et tirait sur la manche de Clara, sa mère, dès qu’il croyait avoir vu une biche ou un lapin. Serge, quant à lui, tannait son père, Evan, pour qu’il l’emmène voir la salle des machines. Au bout d’un moment, celui-ci avait cédé et était allé chercher une hôtesse pour qu’elle les y accompagne. Elle n’avait pas tout de suite accepté, mais en voyant les yeux brillants d’espoirs de l’enfant, elle avait demandé l’autorisation aux techniciens qui n’y virent aucune objection. Son père l’avait alors laissé aux mains de la jeune femme qui l’avait conduit dans la salle en question. A l’instant où la porte fut poussée, le jeune garçon n’avait pu retenir un petit cri d’émerveillement.

Devant lui se trouvaient les grands tubes en verre qu’il avait vus dans l’article de son magazine. Il y en avait huit, regroupés deux-à-deux à chaque coin de la pièce. Serge reconnu très vite le mécanisme, composé d’une hélice située entre chaque couple de cylindre. A l’intérieur de ces tours de verre, du flux circulait, s’échappant de l’une, appelée l’émettrice, pour rejoindre sa jumelle, la réceptrice, exerçant au passage une pression incroyable sur les pales qui tournaient à vive allure en entraînant d’imposantes roues dentées. Un ingénieux système de poids et de balancier permettait de déplacer deux masses circulaires qui bouchaient le sommet de chacun des compartiments. Tandis que l’une des masses descendait, comprimant et poussant le flux pour l’obliger à sortir, l’autre remontait afin de créer une dépression et d’aspirer ce flux dans la réceptrice. Puis, lorsque le processus était terminé et que l’émettrice était vide, les poids étaient inversés permettant au système de fonctionner dans l’autre sens. De cette façon, la machinerie était toujours en service.

Le reste était plus simple, juste un assemblage de roues de différentes tailles qui rejoignaient le rail et qui prenaient appui dessus pour propulser le véhicule. Les freins agissaient directement sur les balanciers, ce qui retenait les poids, empêchant le flux de circuler. Le petit garçon qu’était Serge à l’époque était ébahi par tout ce qu’il voyait et même maintenant qu’il avait 18 centycles, il se rappelait encore de cette fluance là. C’était l’azura et dans son esprit, les tours de verre de la salle des machines brillaient toujours de leur bel habit bleu.


Alors qu’il marchait aux côtés d’Elian et de Christy, Serge se surprit à penser qu’il aurait bien aimé reprendre le monorail pour aller à Ozarie. Des souvenirs d’enfance qui le rattachaient à son frère, mais aussi à ses parents. La nostalgie le prit aux tripes. Au fur et à mesure qu’il s’éloignait d’Altéa, il avait l’impression qu’il avait raté quelque chose. Ces derniers temps, il en avait voulu à ses parents de se réfugier dans leur travail, prétextant qu’ils cherchaient un remède pour Xavier. Depuis que son frère était tombé malade, il ne les avait pas vus souvent et dès qu’ils se croisaient, ils ne se parlaient guère. La tension était palpable. Serge disait qu’il ne les croyait pas, qu’ils ne cherchaient rien du tout et qu’ils avaient juste peur d’affronter la réalité. Mais au fond de lui, il ne le pensait pas. C’était lui qui avait peur. Il ne savait pas pourquoi, mais il était incapable de se confier à ses parents. Il n’avait pas pris l’habitude de leur faire confiance. Son seul ami était Xavier et il n’avait jamais compté sur quelqu’un d’autre que lui pour l’aider. Mais il n’était plus là. Maintenant, il regrettait de ne pas avoir plus parlé avec son père et sa mère et se demandait comment il avait pu en arriver là. Ils lui manquaient.

Le monorail. Non. Ils n’auraient pas pu le prendre. Pourtant, ils seraient arrivés en à peine cinq luxances. Mais il se rappela de la discussion qu’il avait eue avec Christy après qu’ils soient entrés dans la forêt. Il fallait qu’ils restent cachés. Cela était d’autant plus vrai qu’ils savaient désormais qu’ils étaient recherchés.

Depuis qu’ils étaient partis le matin même, ils n’avaient rencontré personne d’autre. Ils se permettaient même de discuter, Elian gardant les oreilles dressées, attentive au moindre bruit. Mais mis à part leurs propres pas et le piaillement occasionnel des oiseaux, il n’y avait rien à signaler. Etait-ce normal ? Serge se demanda s’ils n’auraient pas déjà dû croiser un sanglier ou un quelconque gibier. En effet, cette forêt était un terrain de chasse reconnu et était censée abriter les futures victuailles exposées sur les étals du marché d’Altéa. Faisaient-ils trop de bruit ? S’enfuyaient-ils tous sur leur passage ? Si la veille il pouvait se dire qu’ils étaient encore trop près de la lisière, ils étaient maintenant en plein cœur du bois et cette absence de faune devenait étrange. Après tout, neuf centycles plus tôt, son frère avait bien vu des animaux s’approcher du monorail. Ils n’étaient donc pas si effrayés par la civilisation. Après tout, cela devait être le dernier de ses soucis. A quoi bon s’inquiéter pour ça ? Il n’était pas là pour voir des bêtes sauvages mais pour retrouver son frère, toujours aux mains de cet ignoble individu.

En y réfléchissant, il comprenait mieux l’intérêt que M. Diguel lui avait porté depuis leur rencontre. C’était un nouveau professeur que Serge n’avait jamais vu auparavant. Il avait appris que cet homme travaillait chez MétaFlux et qu’il avait demandé à venir enseigner son savoir aux étudiants de la fac. Le laboratoire ayant de nombreux accords d’échanges avec l’université, ce genre de procédure était très courante et l’homme fut muté aisément. Tout cela, c’était M. Diguel lui-même qui lui avait raconté. L’enseignant s’était rapproché de son étudiant dès le premier cours, flatté par l’intérêt que le garçon portait à son enseignement. Cela faisait presque 10 fluances que son frère était dans un état proche de la mort et la rentrée scolaire s’annonçait bien morne. Il se forçait à aller en amphi mais n’écoutait rien des leçons qui lui étaient prodiguées. Et puis le cours de flux avait commencé, semblable aux autres conférences. Serge s’était réfugié au milieu de la salle, là où il était le plus à l’abri du regard de ce professeur qu’il ne connaissait pas. Il n’avait pas l’intention d’écouter. Pas lui plus qu’un autre intervenant, même s’il s’agissait de sa matière préférée. Mais quelque chose dans les paroles de ce nouvel enseignant lui avait fait quitter sa torpeur. L’homme qui se tenait devant lui avait les cheveux bruns, peut-être roux. Ils étaient coupés assez courts, dégageant bien son visage oblong, mais restaient suffisamment longs pour laisser s’exprimer les innombrables boucles de son épaisse chevelure. Il portait un complet marron et faisait face, dans une posture assurée, à l’ensemble de la classe. Le garçon se mit à l’écouter et fut très vite sous le charme. Il était vrai que de toute sa vie, Serge n’avait rencontré aucune personne aussi impliquée dans son travail, si passionnée. Il possédait des connaissances incroyables et il semblait impossible de trouver une seule question à laquelle il ne pouvait répondre. Ses compétences dans le domaine du flux n’étaient plus à prouver et dès la fin du premier cours, le jeune homme avait pris son professeur pour modèle. Il voulait, tout comme lui, devenir incollable sur cette énergie irremplaçable qui régissait tant de choses dans l’univers. Il restait tellement de mystères à résoudre à son sujet, tellement d’inconnues sur son fonctionnement que rien ne pouvait être plus motivant que de chercher des réponses à toutes les interrogations que l’on pouvait encore se poser. Mais très vite, la tristesse reprit le dessus et au bout du troisième cours, Serge recommença à sombrer dans sa torpeur. M. Diguel lui avait demandé ce qu’il lui arrivait et pour une raison étrange l’étudiant s’était confié. Jusqu’à présent, son seul confident était Xavier, mais désormais, ils ne pouvaient plus discuter tous les deux. Peut-être était-ce pour cela qu’il avait si facilement accordé sa confiance à cet homme. Il avait besoin d’un soutien qui puisse le comprendre et la passion commune qui les animait rendait la chose évidente. Il était le seul à pouvoir l’aider dans cette épreuve. Pourtant, seulement deux cycles après leur rencontre, l’homme avait révélé son vrai visage.

Il l’avait trahi. Serge comprenait à présent qu’il ne s’était jamais vraiment intéressé à lui. Son seul but était de trouver un moyen de s’approcher de son frère. Pourquoi ? Est-ce que sa maladie avait un lien avec tout cela ? Le garçon s’évertuait à chercher des réponses mais n’en trouvait aucune. La seule façon de comprendre était de le retrouver et de le faire parler. Tout comme ils attendaient des explications de la part de Lucrécia.

Les pensées de Serge étaient régulièrement entrecoupées des multiples interventions de Christy. Si la plupart n’étaient pas dignes d’intérêt et ne maintenaient pas la discussion plus de quelques nuances, l’une d’elle obligea le jeune homme à participer puisqu’elle lui demanda de quoi son frère souffrait exactement. Il était vrai qu’il ne leur avait pas dit grand-chose sur lui et les risques qu’elles prenaient pour l’aider à le retrouver méritaient qu’il leur raconte tout. Son état, les médecins qui étaient venus l’observer, les trois cycles qui s’étaient écoulés depuis la tétanisation de son corps. Il leur dit tout ce qu’il savait et au fur et à mesure de son récit, il se mit à espérer qu’Elian aurait des réponses. Malheureusement, elle fut incapable de l’aider. Rien de ce qu’il décrivait ne ressemblait aux maléfices qu’elle connaissait.

En écoutant Christy parler, Serge apprit, bien qu’elle lui ait déjà dit, qu’elle était originaire du continent d’Oriares et qu’elle était arrivée à Altéa quatre cycles plus tôt. Elle avait toujours vécu dans sa ville natale, Arates, et avait eu beaucoup de mal à convaincre ses parents qu’elle était capable de survivre loin d’eux sur un autre continent. Son père était façonneur et son atelier comptait parmi les plus réputés de sa ville. Il savait travailler tous les matériaux et leur donnait la forme qu’il voulait. Au moins un habitant sur dix possédait l’un de ses objets, que ce soit un meuble, des couverts ou des décorations diverses. Sa mère, quant à elle, aidait son mari dans l’organisation des tâches dans le magasin, prenait les commandes et gérait les comptes. La fougue avec laquelle la jeune fille parlait de l’activité de sa famille laissait peu de doute sur la véracité de ses propos, même si le garçon se demandait si elle n’enjolivait pas un peu les faits. En tout cas, elle insistait sur une chose, qui le fit sourire. C’était qu’elle tenait son physique incomparable de sa mère qui était d’une beauté éblouissante. En regardant Christy, Serge ne put s’empêcher de penser qu’elle disait vrai. Mais ce qui était sûr, c’est qu’elle n’avait pas hérité de la modestie.

Plus tard, ils se demandèrent s’il n’y avait qu’Altéa et ses environs qui avaient changé ou si Ivalice tout entier était victime de ces transformations. Mais ils n’insistèrent pas longtemps sur le sujet car cela n’avait rien de rassurant, plus particulièrement pour l’étudiante, ses parents vivant toujours de l’autre côté de l’océan.

La mi-flux approchait et le ciel se parait d’une teinte rappelant la pelure d’une orange bien mûre. Ils marchaient toujours dans cet environnement étrangement vide de faunes mais envahi par la flore lorsqu’ils entendirent des craquements au loin, accompagnés d’un cri surprenant. Serge n’avait jamais entendu ça et il tendit l’oreille pour tenter de reconnaître ce dont il pouvait s’agir. Mais il n’eut pas le temps d’écouter plus en détail, Elian s’étant déjà jetée sur lui et Christy.
- Cachez-vous !
Prenant chacun de ses deux compagnons par les épaules, elle les fit s’accroupir derrière un arbre et alla se cacher à l’abri d’un autre.
- Qu’est-ce qui se passe ? chuchota Christy en direction de la Viera.
- Taisez-vous pour le moment, vous verrez bien.
Les deux jeunes gens étaient dans une posture peu confortable, cherchant à se camoufler au mieux derrière le tronc, tenant à peine en équilibre sur leurs pieds, s’agrippant à l’écorce et aux habits de leur partenaire d’infortune.
- Ah, lâche-moi, marmonna la jeune fille. Aïe, tu me tires les cheveux !
- Oh, pardon, je n’ai pas fait exp…
- Et enlève tes mains de là tu veux, n’en profite pas !
- Euh, je… bredouilla-t-il.
- Va te chercher un autre arbre, ok.
Gêné, il allait se lever lorsque le cri se fit entendre à nouveau, beaucoup plus clair.
- Kwoaaa !!!

Serge s’immobilisa. Le bruit se fit plus évident. Des branches se brisaient sous le martellement de pas précipités. Les pas d’un animal, probablement. Ce ne pouvait pas être un homme qui poussait de tels hurlements. Puis, un autre son, plus familier celui-ci, s’ajouta aux autres. Un bourdonnement effréné se faisait de plus en plus présent. Il se rapprochait. Il n’y avait pas qu’un animal. Il y en avait au moins deux. Et l’un d’eux était l’une de ces monstrueuses abeilles qui lui avait injecté ce venin dans la joue.

- Kwoaaa !!!
Même si le garçon n’avait aucune idée de ce à quoi ressemblait la créature qui poussait ce cri, il était certain qu’il s’agissait d’un appel au secours. C’était une course poursuite qu’il entendait et qui se rapprochait de sa cachette improvisée.

- Kwoaaa !!!
L’animal n’était plus qu’à quelques mètres mais il ne le voyait toujours pas. Cependant, en écoutant le craquement des brindilles, il pouvait estimer la vitesse à laquelle il fuyait face à son agresseur et la constatation était affolante. Finalement, il n’aurait sans doute aucun mal à semer son poursuivant.

Une masse jaune déboula devant ses yeux et disparut presque aussitôt. Quatre fractances plus tard, le monstre ailé prit la même direction sans se douter de la présence des trois compagnons.
Le danger s’étant éloigné, Elian se releva et fit signe aux deux autres de la rejoindre.
- Qu’est-ce que c’était ? demanda Serge, vraiment intrigué.
- Un chocobo, lui répondit-elle simplement.
- Un chocobo ? répéta-t-il.
- Oui, un gros oiseau jaune pour faire simple. C’est l’un des plus grands sprinteurs sur Ivalice et on l’utilise couramment comme monture.
- Tu veux dire, comme un cheval ? fit Christy.
- Comment ça comme un cheval ? s’étonna la Viera.
- Ben oui, tu dis qu’ils servent de monture !
- Parce que vous utilisez les chevaux pour vous déplacer vous ?
- Oui, confirma Serge. Enfin, certaines personnes le font. Pas toi ?
- Non. Mais alors oui, c’est la même chose. Sauf que les chocobos vont bien plus vite. Il doit falloir être patient pour faire un voyage à dos de cheval.
- C’est vrai que cet animal à l’air de courir très vite ! s’emporta Christy. C’est fou, t’as vu à quelle vitesse il est passé ? C’est à peine si on l’a vu !

Mais l’enthousiasme de la jeune fille fut stoppé par un nouveau cri du chocobo, celui-ci étant bien plus inquiétant. De la douleur semblait s’échapper de ce long appel de détresse.
- C’est pas vrai, il n’a pas pu se faire avoir, il allait trop vite pour se faire rattraper par cette bestiole ! lança Serge, en réponse à ce cri déchirant.
- On ne peut pas le laisser comme ça ! s’écria Christy, il faut faire quelque chose !
Après s’être échangé un regard sans équivoque, ils s’élancèrent tous les deux dans la direction qu’avaient pris les deux créatures.
- Attendez ! C’est trop risqué ! s’écria Elian, qui n’eut pas le temps de faire le moindre geste pour les arrêter.
Voyant qu’ils ne l’écoutaient pas, elle se précipita à leur suite, n’imaginant pas une seconde de les laisser seuls.

Le parcours ne fut pas long. Le chemin qu’ils empruntaient se déboisait rapidement et ils débouchèrent finalement dans une vaste clairière. Le flux emplissait ce lieu d’une clarté bienveillante comparée à l’ambiance plus tamisée qui régnait sous le couvert de la forêt. Mais ils n’eurent pas le temps de s’attarder sur ces détails. De l’autre côté, à plus d'une centaine de mètres du petit groupe, une créature plus imposante qu’ils n’en avaient jamais vu étreignait le pauvre chocobo dans une main démesurée et s’apprêtait à le dévorer.