samedi 1 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 1

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 1


Cela faisait déjà plusieurs luxances que le petit groupe avançait péniblement dans l’environnement hostile de la forêt. Ecartant les branchages avec de grands gestes prudents, il n’était pas rare qu’ils se griffent le visage avec les épines des ronces qui se mêlaient aux branches basses. Elian, malgré sa taille – elle dépassait d’au moins une tête ses compagnons – était de loin la plus agile des trois. La seule égratignure qu’elle avait à déplorer sur sa joue était due à un brusque retournement lorsqu’elle avait entendu Christy crier. Celle-ci s’était maladroitement prise les pieds dans une broussaille et avait trébuché, entraînant dans sa chute les plantes épineuses auxquelles elle avait désespérément essayé de se rattraper. Elle s’était affalée de tout son long sur la mousse qui, recouvrant les racines sortant ça et là de la terre sèche, avait accueilli sa chute sans réellement l’amortir. Heureusement pour elle, elle avait revêtu son habit d’archère car le short et le t-shirt qu’elle portait n’étaient guère adaptés à leur randonnée forestière. Serge aussi avait conservé son équipement magique qui remplaçait fort agréablement sa chemisette dans un tel endroit. Jusqu’à présent, ils n’avaient jamais décidé volontairement de faire apparaître leur arme et leur armure et le phénomène s’était produit sous l’effet de la colère. Mais lorsque la jeune fille tenta de se changer sur les conseils de la Viera, elle n’eut aucune difficulté à obtenir ce qu’elle souhaitait. Quant à Serge, il n’avait pas retrouvé son état normal depuis qu’il avait poursuivi M. Diguel et à aucun moment il n’eut à se préoccuper de garder cette apparence. Il réussit même à faire disparaître son épée après que son amie ait fait de même avec son arc et son carquois, toujours sur les recommandations d’Elian. Il n’avait eut qu’à le vouloir pour qu’elle se volatilise dans un léger voile lumineux.

Serge dut expliquer aux deux filles qu’ils avaient pénétré dans la forêt bien loin des sentiers aménagés par les chasseurs mais qu’ils devraient en croiser un à moment ou à un autre. Cependant, cela faisait plus de deux luxances qu’ils étaient partis et qu’ils n’avaient toujours rien vu. De toute façon, ils avaient déjà eu une discussion sur le fait de ne pas voyager à vue. En effet, Christy n’ayant de cesse de se lamenter sur l’inconfort de la situation et clamant haut et fort qu’ils auraient mieux fait de réfléchir avant de s’enfoncer dans cette forêt, Serge se creusa la cervelle pour trouver un argument assez convaincant pour la faire taire. Finalement, il en trouva un qui le convainquit au point de l’inquiéter.

- Ecoute Christy, de toute façon, mieux vaut ne pas trop se faire voir.
- Ah oui, et pourquoi ça, hein ? Dis-moi !
- Tu ne crois pas qu’on va nous rechercher quand on va découvrir que nous avons disparu ?
- Heu… oui, peut-être, fit-elle, sans rien trouver d’autre à redire à cette vérité.
- Bon, pour le moment, je pense qu’on a un peu de temps, continua-t-il pour se rassurer lui-même, mes parents rentrent très peu souvent en ce moment et même quand c’est le cas, c’est tout juste s’ils s’inquiètent de ma présence. Et les tiens, ils habitent de l’autre côté de l’Océan, ça leur est donc difficile de savoir ce que tu fais. Toujours est-il qu’il vaut mieux utiliser un minimum les sentiers fréquentés si on veut être sûr que personne ne nous voit !

Il avait réussi à la faire taire, mais à quel prix ! Maintenant qu’il avait exposé les choses clairement, il prit conscience de la réalité des faits. Ils étaient partis sans laisser le moindre mot ni la moindre explication et leur départ serait sans aucun doute assimilé à une fugue. Et si ses parents ne remarquaient pas son absence immédiatement, ils verraient forcément le lit vide de son frère. Dès que leur disparition serait signalée, des recherches seraient lancées et des battues effectuées. Ils ne devaient pas perdre de temps et prendre un maximum d’avance pour ne pas être retrouvés. Il fallait qu’ils restent cachés jusqu’à ce qu’ils retrouvent Xavier. "Xav, où es-tu ? Où est-ce que ce salaud t’as emmené ?" En y réfléchissant, il n’avait aucune idée de l’endroit où il avait pu être emmené. "Le Sud. Précis comme info !" pensa-t-il, ironique. Sans plus d’indication, il était évident qu’ils ne pourraient jamais le retrouver. Octares était un vaste continent et ils se trouvaient à l’extrême nord de celui-ci. Mais il était inconcevable qu’il laisse son frère entre les mains de cet homme ignoble qui l’avait si facilement trompé. Et il devait comprendre ce qui lui arrivait, ce qui arrivait à son monde.

- Et il y a la fac, lança Christy, sortant Serge de ses réflexions solitaires.
- Quoi la fac ?
- Ben si nos parents ne s’aperçoivent pas de notre absence, la fac s’en rendra bien compte elle !
- Je sais pas. Un élève de plus ou de moins…
Mais elle avait raison. Il avait beau se dire que l’administration ne se préoccupait pas d’eux, les absences étaient surveillées et dans une fluance ou deux, à mi-cycle s’ils avaient de la chance, le bureau de l’enseignement contacterait leurs parents par transvoc.

Serge n’avait jamais vraiment compris comment un tel engin fonctionnait. Tout ce qu’il savait, c’était que des scientifiques avaient réussi à mettre au point un appareil qui utilisait le flux pour reproduire un signal vocal. Il suffisait de mettre en liaison deux de ces machines en indiquant des coordonnées pour entrer en communication audio. Le message délivré devant l’un de ces appareils était presque immédiatement retranscrit là où se trouvait le second, la voix surgissant du néant, ou plutôt du flux qui emplissait l’air ambiant et qui entrait en vibration. Heureusement, des améliorations avaient été apportées au fil du temps comme la possibilité de refuser ou de différer la transmission, beaucoup de gens s’étant plaint d’être dérangé inopinément pendant leurs activités. Le transvoc existait depuis bien avant la naissance du garçon, mais cela restait l’une des inventions les plus utiles et les plus incroyables qui existaient à ce jour. MétaFlux, le laboratoire Altéan qui avait développé ce système et vendu le principe à de nombreuses sociétés, était maintenant l’un des instituts les plus réputés et les plus riches d’Ivalice. C’était là que travaillaient ses parents.

Tandis qu’ils continuaient à avancer au milieu de la nature sauvage, Serge pestant contre les technologies qui pourraient faciliter les actions menées pour les retrouver, Christy le questionna à nouveau.
- Après tout, c’est pas bien grave si on nous r’trouve, non ?
- Comment ça pas bien grave ?
- Ben oui, on aura qu’à leur expliquer ce qui s’passe, c’est tout !
- Oui, c’est ça, bien sûr ! On leur explique qu’on court après un type qui se balade dans une boule de lumière et qui peut faire sortir une lame de ses doigts. Tout ça pour retrouver mon frère qui est victime d’une maladie inconnue. Oui, ils nous laisseront sûrement repartir.
- Mais ils ont bien vu ce qui s’est passé à Altéa. Les loups et tout ça. Si on leur montre nos pouvoirs, ils comprendront.
- Comme ils ont compris qu’Elian était totalement inoffensive en la voyant.
Serge s’était arrêté pour faire face à Christy
- Si on leur montre quoi que ce soit des trucs bizarres qui nous arrivent, reprit-il, ils réagiront ni plus ni moins comme ils ont réagi avec Elian. Avec les coups en moins, j’espère. En tout cas, je ne crois pas qu’ils nous laisseront tranquilles.
- Mais c’est pas à eux de décider, nos parents…
- Parlons-en des parents. Tu crois franchement qu’ils ne s’inquiéteraient pas de voir leur enfant comme ça, déclara-t-il en faisant défiler ses mains de haut en bas le long de son armure de cuir. Même si les miens ne se préoccupent pas trop de moi en ce moment, tu crois vraiment qu’ils nous laisseraient partir sans comprendre ce qui nous arrive ? On leur dira quoi, hein ? Qu’on va sauver mon frère et retrouver une femme qui prétend être notre mère ?
- Non, j’sais pas, mais il ne peuvent pas nous empêcher de…
- Si, ils peuvent ! Rappelle-moi, t’as quel âge ?
- 17 cent’, rumina-t-elle.
- C’est ça, et moi 18. Et à quel âge est-on majeur ?
- Oh, ça va M. "Je-sais-tout", explosa-t-elle, c’est bon, je sais. Mais si tu es si malin, t’avais qu’à réfléchir un peu plus avant de partir !
- Quoi ! répliqua Serge. J’te signale que c’est toi qui as voulu me suivre ! Et on n’avait pas le temps de… mon frère…
- Oui, je sais, mais ça fait plus de 2 lux qu’on se balade dans cette forêt sans même savoir où l’on va, alors excuse-moi de ne pas sauter de joie !
- Eh bien si tu as une meilleure solution, te prive pas, je t’écoute.
- Oh, j’en sais rien ! Tu m’énerves ! Allez, vas-y, avance ! Elian nous attend là-bas.
Le garçon abandonna l’affrontement et se retourna. Effectivement, la Viera avait pris de l’avance et sa longue silhouette élancée les attendait un peu plus loin.

Enervé, il reprit sa marche, ne prenant plus aucune précaution pour repousser les branches qui lui barraient le passage. Comment pouvait-elle lui reprocher ce qui leur arrivait ? Ce n’était pas de sa faute s’ils avaient dû partir précipitamment ! Et c’était son frère qui avait été enlevé ! Comment osait-elle se plaindre alors que lui avait tout perdu avec la capture de Xavier ?

Tous les deux progressaient péniblement, lançant régulièrement des insultes contre les ronces qui s’accrochaient à leurs vêtements, sachant pertinemment que leur mauvaise humeur était plutôt due à leur comportement respectif qu’aux buissons épineux.

Sur le chemin pour rejoindre Elian, le regard de Serge se posa sur une mûre. Il la cueillit et l’observa un instant. Cela faisait près d’une fluance entière qu’il n’avait rien avalé et la faim ne se faisait toujours pas ressentir. La profusion des évènements récents avaient sûrement pris le dessus sur son estomac. Haussant les épaules, il jeta le fruit dans sa bouche. Un vrombissement fit vibrer ses tympans. Il tourna la tête vers l’endroit d’où semblait provenir le bruit, sur sa gauche. Le son s’évanouit aussi vite qu’il était apparu.

Se demandant ce que cela pouvait bien être, il voulut reprendre la route pour rejoindre la Viera, mais elle avait disparu de son champ de vision. Il y avait quelques instants, elle était encore à quelques mètres devant lui, dans sa robe blanche, à les attendre. Où était-elle passée ? Comme pour répondre à sa question, un cri aigu retentit au milieu des arbres centenaires.

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