dimanche 16 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 2

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 2


- Elian !
Tout en s’écriant, Serge s’élança dans la direction où la Viera avait disparu. Ignorant les doigts griffus qui se dressaient sur son passage, extrémités acérées ornant les branches et les tiges enchevêtrées, il traversait les obstacles d’un pas agile, évitant les racines noueuses et les pièges de ronces. Ses joues se fendaient d’écorchures sanguinolentes, mais il n’en avait que faire. Derrière lui, il entendait Christy qui le suivait, elle aussi plus habile que jamais pour progresser vers ce qu’ils avaient reconnus comme un appel au secours.

Jamais une distance si courte ne lui avait semblé si interminable à parcourir. Ses pas le portaient tout seul, mais il ne cessait de se demander à quelle épreuve il devrait encore faire face. "Vite ! Plus vite !". Il n’avait aucune idée de ce qui l’attendait, mais il savait qu’Elian était en danger et c’était la seule chose qui comptait. D’où lui venait cette empathie, lui qui était toujours resté seul toute sa vie, lui qui n’avait jamais cherché à lier contact avec qui que ce soit ? La question survola à peine son esprit, seule la survie de sa nouvelle amie importait désormais. Encore quelques enjambée et il aurait rejoint l’endroit où elle s’était tenue quelques fractances plus tôt.

Le son qu’il avait entendu peu de temps auparavant avait ressurgi, d’abord très lointain, puis de plus en plus distinct. En réalité, il s’en rapprochait, à mesure qu’il rejoignait sa destination. Un bourdonnement. Oui, c’était bien cela, un bourdonnement. Le bruit que pourrait faire un insecte en agitant ses ailes si vite qu’elles en devenaient invisibles. Mais jamais ce phénomène n’avait atteint une telle amplitude, un tel volume sonore. Quelle monstruosité allait-il découvrir ?

Cet arbre. Oui, c’était bien là qu’il l’avait vu pour la dernière fois. Le son. Un peu plus loin, sur la gauche. Reprise de la course effrénée.

Il ne fallut que quelques pas. A quelques mètres de lui, à moitié cachée par un arbre, il distingua le tissu blanc, contrastant étrangement avec l’écorce et le feuillage environnant. Ne stoppant à aucun instant, redoublant même d’effort maintenant que son objectif était à portée de vue, Serge fusait à travers la végétation qui ne trouvait plus aucun moyen pour gêner sa progression. Il n’était plus qu’à dix mètres de la guérisseuse, allongée au sol, le haut du corps toujours dissimulé par un tronc ancestral. En un regard, il aperçut ce qui menaçait son amie. A plus d’un mètre au dessus du sol, une abeille monstrueuse était en vol stationnaire. Son corps avait la taille d’un mouton et le dard qui menaçait la Viera aurait pu servir de pointe à un javelot.
Cinq mètres. Sur la distance qui lui restait à parcourir, peu d’obstacles risquaient de s’interposer. Dans sa main droite, un jeu de lumière éblouissant laissa la place à la même épée qui lui avait déjà servi plusieurs fois à présent.
Trois mètres. La monstruosité s’élançait vers la robe blanche. Le bois torsadé du bâton d’Elian, surgissant de derrière le vieil arbre, se dressa vers l’insecte.
Deux mètres. Un éclat surgit du bâton tandis que la créature continuait de fondre sur sa proie.
Un mètre. Serge se jeta en avant.

Le buste du garçon s’interposa entre l’éperon et le bâton. La lame argentée de l’épée ricocha sur l’aiguillon qui fut dévié et termina sa course dans le vide. Mais l’abdomen chitineux heurta de plein fouet le jeune combattant et tout deux roulèrent au sol. Dans le même instant, deux sphères cristallines apparurent. L’une autour de la Viera, toujours étalée, un coude sur la terre aride, l’autre bras tenant encore son bâton en l’air. La seconde entoura Serge et l’abeille tueuse alors que leurs deux corps venaient de s’entrechoquer. La fractance suivante, les multiples facettes qui constituaient la bulle de lumière explosèrent et s’évanouirent aussi précipitamment qu’elles étaient apparues.

Le bourdonnement n’avait jamais été si puissant, le garçon sentait les ailes s’exciter et lui heurter le visage à une vitesse hallucinante, comme une succession de gifles ininterrompues. La douleur était intense mais bien plus supportable que la désagréable impression de l’insecte se débattant pour s’échapper, ses pattes grouillantes s’articulant contre lui. Sans s’en rendre compte, il avait ceinturé la monstruosité, l’empêchant de s’envoler. Il relâcha son étreinte et sentit immédiatement le poids qui l’écrasait disparaître. L’abeille s’éloignait de lui, mais il était certain qu’elle n’abandonnait pas la partie. Il se redressa, frotta du revers de la main ses joues meurtries par les innombrables claques qu’il avait reçues et se prépara à couper en deux l’horreur qu’il allait devoir affronter. Devant lui, le monstre fit demi-tour et s’immobilisa dans les airs, les ailes transparentes et nervurées battant l’air frénétiquement, émettant toujours leur son assourdissant.

Surgissant de nulle part, une flèche atteignit le thorax de l’insecte volant. Mais l’armure naturelle de la créature était très résistante et le trait ne l’effleura que très superficiellement avant de tomber sur le sol, éjecté par le battement invisible mais bien réel des ailes du monstre. Serge jeta un coup d’œil sur la gauche, là d’où semblait provenir la flèche et reconnu Christy à travers le feuillage. Entre les deux combattants, la forme blanche parsemé de lignes rouges de la Viera se redressait.
- Merci, fit-elle, vous êtes arrivés juste à temps !

Mais ils n’eurent pas le temps de répondre car l’abeille démesurée avait déjà repris l’affrontement. Ne semblant même pas avoir remarqué l’archère, sa cible était claire et nette. Ce serait Serge qu’elle tuerait en priorité. Sans doute parce qu’il était l’adversaire qui l’avait vraiment mise en difficulté, si tant est qu’une telle créature était capable d’agir avec discernement. Mais peu importait, le garçon était prêt à se défendre et à en découdre avec cette erreur de la nature. L’abdomen strié de jaune et de noir en avant, le dard prêt à frapper, l’insecte chargea dans un vrombissement étourdissant.

Refusant de subir l’assaut sans bouger, Serge se propulsa en avant, la pointe de son épée en arrière, le plat de la lame contre son flan. A peine ses pieds eurent-ils décollé du sol, il allongea le bras devant lui et balaya l’espace dans lequel l’abeille venait de pénétrer. La pointe de son arme entra en contact avec l’aiguillon meurtrier, mais aucun des deux ne céda. L’élan précipita encore une fois les adversaires l’un contre l’autre tandis que le frottement du métal contre la carapace produisit un craquement repoussant. Une douleur élança le garçon dans le bas ventre et il se figea, le souffle coupé par le choc. Il tomba à genou, laissant son assaillant reprendre son envol.

Une boule s’était formée dans sa gorge et l’air ne trouvait plus d’accès pour emplir ses poumons. Pris de panique, il porta ses mains à sa gorge dans l’espoir que cela l’aiderait à retrouver son souffle, mais en vain. Le temps semblait ne plus avancer alors que d’infimes bouffées d’oxygène se frayaient un chemin jusqu’à ses poumons en émettant un râle rauque. Il n’avait plus aucune conscience de ce qui l’entourait, toutes les ressources de son être étant réquisitionnées pour rétablir cette fonction simple mais pourtant indispensable à sa survie. Peu à peu, il sentit l’air circuler de mieux en mieux dans son organisme, sensation qu’il n’avait jamais ressentie à ce point, ne s’en étant jamais réellement préoccupé. Son ventre se soulevait à nouveau à un rythme qui n’était toujours pas régulier bien que rassurant. Alors qu’il revenait lentement à la réalité, il entendit un cri probablement poussé par Christy.
- Attention !

Il releva la tête juste à temps pour voir le dard couleur ivoire fondre sur son visage. Réagissant instantanément, il se coucha sur le côté pour esquiver l’attaque mais sentit une griffure violente sur sa joue. Ignorant la douleur, il se redressa et chercha l’insecte des yeux. Il ne fut pas difficile à repérer. En l’observant, il s’aperçut d’une chose qu’il n’avait pas encore repérée. Tout comme on remarque un bruit de fond au moment ou il disparaît, il vit le monstre perdre de sa luminosité, comme si une source de lumière venait de s’éteindre en lui. A cet instant précis, Elian s’écria.
- Ca y est, c’est le moment, Carapace s’est dissipé !
Comme en réponse à cette annonce incompréhensible, la voix de Christy se détacha.
- J’y vais !

Serge eut tout juste le temps de voir la jeune fille décocher une flèche, mais celle-ci était différente des autres. De la pointe à l’empennage, elle émanait un halo obscur qui laissait comme une trainée derrière la trajectoire du projectile. Comme toujours, l’archère fit mouche et la cible fut atteinte en pleine tête, entre les deux antennes. Le voile sombre se propagea alors et recouvrit les grands yeux noirs de la créature. Affolée, elle commença à se tordre dans tous les sens en donnant des coups d’éperon dans le vide, incapable de voir quoi que ce soit. Elle était atteinte de cécité. Il lui était désormais impossible de garder une position stable, oscillant entre le sol et les premières branches, heurtant la terre en soulevant un nuage de poussière ou frottant ses ailes contre les branchages, lui faisant perdre son équilibre aérien. Bientôt, elle se retrouva sur le sol, cessant ses mouvements désespérés pour se repérer dans cet espace devenu invisible à ses yeux. Elle se mit à marcher sur le sol, déplaçant ses antennes avec minutie, tantôt sur la flèche qui ornait toujours son front, tantôt sur les racines qui recouvraient le sol. Serge restait immobile, observant le comportement de l’abeille gigantesque, abasourdi par ce nouveau retournement de situation.
- Qu’est-ce que tu fais Serge, magne-toi ! C’est à toi maintenant, achève-la !

C’était Christy qui venait de lui crier dessus. Reprenant conscience des évènements, il leva les yeux vers la jeune fille en guise de réponse et courut pour rejoindre le monstre. Entendant les pas précipités de son adversaire, la créature se tourna vers lui et tenta de reprendre son vol pour lui faire face. Mais Serge fut trop rapide. En un saut, il se retrouva sur le côté de l’insecte et abattit sa lame à l’endroit le plus fin de l’exosquelette, entre le thorax et l’abdomen. Le corps fut écrasé par le poids du métal, le tranchant de l’arme passant entre l’armure naturelle de l’insecte pour finalement le couper en deux. Les deux parties tombèrent lourdement sur le sol avant de disparaître, les particules élémentaires retournant à leur état primaire, invisible dans l’atmosphère de la planète. C’est du moins ce que leur avait expliqué Elian. A la place du monstre, un flux coloré apparut et s’éleva à quelques mètres au dessus du champ de bataille. Il tournoya un instant avant de se diviser en trois filaments multicolores qui rejoignirent les trois survivants de l’affrontement. Serge fit un pas en arrière, effrayé car il savait ce que cela signifiait pour lui. Mais il savait aussi qu’il ne pourrait pas y échapper et attendit que le myste s’insinuât en lui. Comme toujours, le premier contact fut rafraîchissant et envoûtant. Mais très vite, la douleur se réveilla et il ne put réprimer un grognement de douleur. L’intrus était plus que jamais présent au fond de ses entrailles et luttait contre cet influx de myste qui tentait de pénétrer à l’intérieur de son hôte. Mais Serge refusait de s’évanouir à nouveau, il savait désormais qu’il lui fallait affronter cette souffrance et tout faire pour ne pas y céder. Ses jambes flageolèrent sous lui et il ne put s’empêcher de poser un genou à terre. Mais il tenait bon et l’influx avait presque entièrement disparu sous son armure. La douleur s’apaisa et se tut complètement. Son corps crispé se détendit, son dos se courba et il posa les mains sur le sol, son cou ne supportant plus le poids de sa tête qui ballottait entre ses épaules. La respiration profonde, il entendit ses deux amies le rejoindre en courant.

- Serge, tu vas bien ?
- Répond-nous, allez ! Répond-nous !
Il ne répondit pas tout de suite, reprenant ses esprits. Des mains les secouèrent.
- S’il te plaît, répond-moi !
D’un mouvement d’épaule, il se dégagea des secousses incessantes et montra du même coup qu’il était encore lucide.
- Ouf ! Tu vas pas nous faire le coup à chaque fois pyja-gars !
Serge voulut répliquer mais il se retint, comprenant l’ironie dans la voix de Christy. Il préféra alors se prêter au jeu. Redressant la tête, il lui adressa un sourire narquois.
- Je m’améliore quand même, tu ne trouves pas ?

Mais sa réponse n’eut pas l’effet escompté. L’expression de la jeune fille s’était transformée en grimace d’horreur. Ne comprenant pas ce qu’il se passait, il se tourna vers Elian qui, même si sont visage se voulait plus rassurant, ne pouvait cacher son angoisse.
- Qu’est-ce qu’il y a, qu’est-ce qu’il vous arrive à toutes les deux ?
- Ta… ta joue, fit Christy, désignant du doigt l’endroit qui semblait l’effrayer.

Les yeux interrogateurs, il posa sa main sous sa tempe gauche et sentit une plaie qui lui barrait la joue. Tout autour d’elle, les veines avaient gonflé et serpentaient à la surface de sa peau. Mais cette blessure n’aurait pas été si inquiétante si le sang qui circulait dans cette zone n’avait pas pris une étrange couleur verte.

1 commentaire:

  1. Ta plume est agile, il y a du mieux, tu progresse, et j'aime ca. Mais tu as encore un peu de chemin a faire pour etre parfaitement fluide ! ^^ en tt cas je felicite l'effort soutenu

    Ton comm sur mon blog (tes ?) m'ont plié, ca fait du bien de voir un signe des potes ;o). J'ai essayé de refleté ce qui est le plus present ces temps si dans ma vie : le boulot. la semaine prochaine, je tente d'en faire un sur les assoc dont je fait parti, avec photo a l'appui ! :o)

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