dimanche 30 novembre 2008

Chapitre 4 - Partie 3

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Chapitre 4 : En entrant dans Mirkwood
Partie 3


- Qu’est-ce que… qu’est-ce que c’est ?

Le bout de ses doigts parcourant toujours la blessure, il cherchait une réponse dans les yeux de la Viera. Seuls les reliefs irréguliers qu’il pouvait sentir et le dégoût qu’il percevait dans l’attitude de ses partenaires pouvaient lui donner une idée de la gravité de son état. Des lignes verdâtres sillonnaient sa joue, s’entrecroisant dans d’infinis méandres, invisibles à son propre regard. La panique le gagnant peu à peu, il saisit sa peau meurtrie et la tira pour tenter de la faire rentrer dans son champ de vision, mais sans résultat. Elle avait perdu de son élasticité et lorsqu’il relâcha la chair, il commença à ressentir les premières sensations véritablement désagréables. Sa joue avait gonflée et il la sentait s’appuyer contre sa mâchoire, protubérance inconfortable qui s’installait à l’intérieur de sa bouche. Mais il ne ressentait aucune douleur, comme s’il avait été anesthésié, et son sang ne coulait pas. Cependant, en promenant ses doigts plus longuement sur les veines proéminentes, il put le sentir tressaillir, comme pris de soubresauts. Vu de l’extérieur, cela pouvait ressembler à des spasmes, bien que ce ne fût pas ses muscles qui se contractaient.

Il se demandait encore comment une telle chose était possible lorsqu’Elian, restée tout ce temps immobile à le regarder, confia.
- Je ne suis pas sûre de savoir ce que c’est…
- C’est encore Jénova qui me fait ça ?
- Ne dis pas de bêtises, intervint Christy, comment est-ce qu’elle pourrait te faire ça ?
- Je n’en sais rien, comment veux-tu que je le sache ? Ce truc est bien dans mon corps et je ne sais même pas comment il y est entré, alors pourquoi pas, hein ? C’est peut-être une conséquence de cette douleur que je ressens quand ce flux bizarre, ce myste, entre en moi.
- Je ne crois pas que ce soit ça, trancha Elian.
- Tu vois ! lança Christy qui avait troqué sa grimace contre un sourire triomphant.

Un court silence s’instaura au cours duquel la jeune fille comprit que son intervention était malvenue. Gênée, son visage retrouva rapidement son air inquiet.
- Bon, qu’est-ce que c’est alors ? reprit Serge, agacé.
- Je pense que c’est cette abeille. Elle t’a touché, n’est-ce pas ?
- Euh… oui, tout à l’heure, elle m’a heurté en plein ventre. J’ai cru que j’allais mourir asphyxié ! Tu as dû voir, non ?
- Oui, j’ai vu, mais ton armure t’as protégé à ce moment. Non, je veux dire au niveau de ta blessure. Ca ne serait pas elle qui t’aurait griffé le visage avec son dard ?
- Je ne crois… attends, si, juste après, elle m’a attaqué et j’ai plongé pour l’esquiver. Mais je crois qu’elle m’a eu. Oui, c’est ça, c’est bien là qu’elle m’a touché !
- Oui, c’est ce que je pensais. Et elle t’a probablement inoculé un poison en même temps.
- Du poison ?
- Oui.
- Et qu’est-ce qu’on peut faire ? demanda Christy, qui semblait véritablement anxieuse désormais.
- Je ne sais pas… Je n’ai pas les compétences pour soigner ce genre de poison. D’autant que je ne sais même pas de quel poison il s’agit. Tu ne ressens rien de désagréable ?
- Non, ça va. C’est juste enflé et un peu gênant, mais rien de plus.
- Oui, enfin, c’est quand même vachement vert ce truc ! ajouta Christy.
- Vert ?!
- Euh… oui, enfin, c’est pas si terrible que ça… le rassura-t-elle, regrettant son manque de tact.
- Comment ça vert ? insista Serge.
- Ben euh… ton sang. Il est vert. Enfin, juste un peu, autour de la plaie.
- C’est pas vrai, tu te fiches de moi ! Elian ?
- Elle a raison, c’est vrai. Désolé.
- Désolé… répéta la jeune fille.

Mais la façon dont celle-ci abordait les choses avait le don d’énerver Serge. Il venait d’être empoisonné et elle trouvait le moyen de se moquer de lui. Décidément, il ne pourrait jamais la supporter et ses excuses n’y changeraient rien.
- Bon, qu’est-ce qu’on peut faire ? questionna-t-il, impatient.
- Il faut trouver quelque chose pour soigner ça.
- Et qu’est-ce qu’on doit trouver ?
- Je ne sais pas, je t’ai dit que je ne connaissais pas suffisamment les poisons.
- Ok, et combien de temps on a, qu’est-ce qu’il va m’arriver si on ne soigne pas ça ?
- Désolé, je ne sais vraiment pas. Il y a beaucoup de poisons différents et je n’ai aucune idée duquel il s’agit.

Ils se regardèrent tandis que la colère commençait à monter en Serge. Une substance étrangère était en lui et personne ne savait comment l’aider. Il aurait tout aussi bien pu être seul, cela n’aurait rien changé. Il avait beau apprécier Elian, il s’était mis en tête qu’elle était capable de tout lui expliquer et que ce genre de chose n’avait aucun secret pour elle. Il se rendait maintenant compte que ce n’était pas le cas. A cet instant précis, il ne put réprimer de la rancœur envers elle.
- D’accord, d’accord, j’ai compris, fit-il en se levant. Allez, on y va, pas la peine de rester ici plus longtemps.
- Mais Serge, il faut que… commença Elian.
- Que quoi ? lança-t-il violemment. S’il n’y a rien à faire pour ça, on ne va pas rester là à se lamenter sur mon sort. Mon frère est toujours entre les mains de ce sale type, par ma faute qui plus est, alors je ne m’arrêterai pas tant que je ne l’aurai pas retrouvé. Vous me suivez si vous voulez, mais moi j’y vais.

Sur ces mots, il leur tourna les talons et s’éloigna d’elles. Elles s’échangèrent des regards inquiets, surprises par ce brusque changement de comportement. Ne sachant comment le calmer, elles le suivirent en silence, attendant un moment plus propice pour remettre le sujet sur la table. Elian reprit la tête du cortège, indiquant la route car elle était la seule à être véritablement capable de s’orienter dans cette forêt, ses sens de Viera lui indiquant le sud.


Ils progressaient dans le silence. La mi-flux était passée et le rouge pur caractéristique de la mi-Prima commençait à décliner, arborant un ton de plus en plus pastel. Dans une huitaine de luxances, le ciel prendrait une teinte orangée et Orana, la deuxième fluance du cycle, pourrait débuter.

La mauvaise humeur de Serge n’avait pas disparu, mais la marche et le calme qui avait saisi le groupe depuis leur départ l’avait tout de même calmé. A vrai dire, il était plutôt préoccupé par sa blessure et ne cessait de l’effleurer. Il avait la désagréable impression qu’elle avait gagné du terrain, mais il se persuadait qu’il était paranoïaque et qu’il ne fallait pas qu’il s’inquiète pour ça. Cependant, comment ne pas s’inquiéter ? Elian lui avait dit qu’il avait été empoisonné et même si elle n’en savait pas plus, cela ne présageait rien de bon. Mais pour le moment, il ne souffrait pas, ce qu’il considérait comme un bon point. Peut-être qu’il ne s’agissait en fin de compte que d’une infection minime. Pour le moment, il ne pouvait qu’attendre.

Ils avançaient en file indienne, laissant un minimum d’espace entre eux, ne voulant pas se retrouver une nouvelle fois pris par surprise et séparés par une autre bestiole surgissant de nulle part. Autour d’eux, la végétation se faisait moins dense et leur progression en était facilitée. Observant la Viera devant lui, Serge remarqua l’étrangeté de sa robe car elle semblait virevolter d’elle-même afin d’éviter les obstacles qui risquaient de s’y accrocher. Quand il y avait peu de place pour avancer, le tissu blanc se plaquait contre sa peau, tandis qu’il devenait plus ample lorsqu’il y avait plus d’espace autour d’elle. Mais à vrai dire, cela ne le surprenait pas tellement lorsqu’il considéra l’étrangeté de ses propres habits.

Alors que le garçon passait distraitement sa main sur sa joue qui se contractait au rythme des battements de son cœur, Elian s’arrêta. S’en apercevant, Serge lui demanda.
- Qui y a t-il ?
- Chut…
- Hein ?!
- Tais-toi, écoute.
Il la rejoignit et tendit l’oreille. Christy arriva à leur hauteur.
- Pourquoi vous vous êtes…
- Chut !
Tous les trois se turent, mais aucun son ne parvint aux oreilles des deux jeunes étudiants. Serge murmura.
- Tu entends quelque chose ? Que se passe-t-il ?
- Vous n’entendez rien ? Des voix. Des voix d’hommes. Suivez-moi, sans bruit. On va essayer de s’approcher.

Plus prudents que jamais, ils avancèrent à petit pas, soucieux de ne pas faire craquer la moindre brindille sous leurs pieds. Au fur et à mesure qu’ils suivaient la Viera, des voix se laissaient deviner. De plus en plus distinctes, Serge distingua des mots, puis des phrases entières.
- Allez, arrêtez de râler et magnez-vous le train !
- Oui, on arrive. Mais c’est pas la peine d’aller trop vite. Ca ne sert à rien de traverser la forêt sans chercher un minimum !
- Ecoute, nous, on nous a demandé de parcourir les sentiers pour les rattraper. S’ils ont pris ce chemin, il n’y a pas de temps à perdre. Il faut les retrouver le plus vite possible. Chercher dans les bois, c’est pas notre job. Alors bougez-vous !
- Oui, c’est bon, on a compris. Mais ça m’étonnerait fort qu’ils ne se soient pas cachés dans la forêt. Surtout s’ils ont cette créature avec eux. On nous a bien dit que la forêt, c’est son élément, non ?
- Oui, je sais, mais on exécute les ordres et puis basta. Compris ? Les autres s’occupent de fouiller la forêt.
- Ok, ok, c’est toi le chef après tout.
- Bon, maintenant, la ferme, avec le boucan que tu fais, même si on les rattrape, on va avoir du mal à mettre la main dessus. Ils vont nous entendre à des kilomètres !

Lorsque les voix avaient été suffisamment intelligibles, les trois compagnons s’étaient arrêtés pour ne plus faire de bruit et écouter attentivement. Maintenant, ils n’entendaient plus que les pas d’un groupe qui marchait sur un chemin de terre. Lorsque les hommes furent partis à une distance raisonnable, Christy osa poser une question.
- Vous croyez que c’est nous qu’ils cherchent ?
- Sans aucun doute, répondit Serge.
- Et la créature…
- C’est moi, affirma Elian. Les Vieras sont connues pour être une race très liée au myste et à la nature. C’est dans les bois que nous nous sentons le plus en harmonie. C’est pour ça qu’il a dit que j’étais dans mon élément ici.
- Mais comment peuvent-ils déjà être à notre recherche ? ajouta le garçon. Je veux dire, cela ne fait que 4 lux que nous sommes partis. Ils ne peuvent pas avoir déjà lancé des battues ! Il faudrait d’abord que quelqu’un signale notre disparition. Il est encore trop tôt pour ça !
- Je ne crois pas que cette battue soit organisée suite à l’annonce de votre disparition.
- Comment ça ? Pourquoi nous chercheraient-ils ? demanda Serge à la Viera.
- Tu as entendu ce qu’ils ont dit, non ? Ils ont plutôt l’air d’être à notre poursuite qu’à notre recherche. Et comme tu l’as dit, il serait encore trop tôt pour que vous soyez signalés disparus.
- Peut-être que quelqu’un nous a vu partir dans la forêt, proposa Christy. Faut dire qu’on n’a pas été vraiment discret en courant après ce type !
- Oui, c’est possible, approuva Elian. D’autant que dans ce monde, votre attirail et ma simple présence ne semble pas passer inaperçu. Mais je me demande tout de même comment cet homme savait tant de chose sur les Vieras.
- Toujours est-il que nous sommes sûrs qu’il ne faut pas nous promener sur ce sentier maintenant, rappela Serge.
- Oui, mais d’autres personnes fouillent la forêt. Il va falloir être sur nos gardes, plus que jamais, insista Elian.
- Ok. Mais il ne faut pas perdre de temps pour autant. Lucrécia a dit qu’il fallait être à Rosaria dans 5 fluances, ce qui fait qu’il faudrait être là-bas avant la fin d’Azura.
- Oui, si votre ville et mon Rabanastre sont bel et bien les mêmes cités, c’est faisable, mais il ne faut pas traîner.
- Tu as raison, et j’espère aussi que Rosaria est bien la même ville qu’Ozarie. Bien, allons-y.

Serge allait se remettre en route quand Elian l’arrêta.
- Juste un instant s’il te plait. Tu es parti si vite l’autre nuance que je n’ai pas eu le temps de te soigner.
- Comment ça me soigner, tu m’as dit que tu ne savais pas soigner ce poison.
- Oui, peut-être, mais tu as pris des coups et ton visage est griffé de partout. Laisse-moi arranger ça.
- D’accord. Au fait… pardon pour mon comportement. Je suis sur les nerfs en ce moment.
- Ne t’en fais pas, nous comprenons. Et à ce propos, je voulais aussi te dire, ne te rend pas responsable de ce qui est arrivé à ton frère, ce n’est pas de ta faute.
- Facile à dire… C’est moi qui l’ai laissé monter alors que tu m’avais prévenu. Je n’ai pas su le protéger !
- Arrête. Tu sais bien que d’une façon ou d’une autre, il aurait trouvé un moyen d’arriver à ses fins. Ne culpabilise pas. C’est une faiblesse que tu dois combler, ou il risque de l’utiliser contre toi. Tout ce qui compte, c’est l’amour que tu portes pour ton frère et la détermination que tu mets pour le retrouver. Et tu es vraiment épatant pour ça. Je suis fière de toi, alors ne faiblit pas.
- Merci…
La gêne se sentait dans la réponse du garçon, mais il lui était reconnaissant pour ce qu’elle lui avait dit.
- Bien, maintenant, montre-moi ton visage.

Tandis qu’ils se regardaient avec tendresse et complicité, elle fit apparaître son bâton. La lumière blanche habituelle apparut et le corps de Serge commença à rayonner. Bientôt, les blessures allaient se résorber, comme lorsque la Viera s’était soignée après avoir été martyrisée par un des habitants d’Altéa.

Mais le sort n’eut pas l’effet escompté. Au lieu de disparaître, les griffures restèrent tel quel et la balafre sur la joue se mit à rougeoyer. Une brûlure intense saisit le garçon qui ne put s’empêcher de porter sa main à sa blessure tout en grimaçant de douleur. Un long et pénible gémissement sorti de sa gorge qui ne s’arrêta que lorsque le corps cessa de briller sous l’action du sortilège. Serge, qui avait clos ses paupières lorsque la chaleur avait envahi sa plaie envenimée, les rouvrit pour découvrir Christy sous le choc et Elian interloquée. Les yeux du garçon réclamant une réponse, la Viera se ressaisit et parvint à expliquer.

- Je sais maintenant de quel poison il s’agit. C’est ce que l’on appelle un fléau.
- Un fléau ? Mais qu’est-ce que c’est que ça encore ?
- Cela signifie que tant qu’on ne t’aura pas purifié de ce venin, ton corps sera incapable de se régénérer.

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